Pucerons sur céréales : surveillez efficacement pour traiter à bon escient
Intervenir à bon escient contre les pucerons est une nécessité pour éviter les dégâts et l’apparition de résistances. Cela passe par une bonne surveillance.
Intervenir à bon escient contre les pucerons est une nécessité pour éviter les dégâts et l’apparition de résistances. Cela passe par une bonne surveillance.
Fin de l’imidaclopride, apparition de résistances aux pyréthrinoïdes, fort pouvoir de nuisance de la jaunisse nanisante de l’orge (JNO)… la vigilance est plus que jamais de mise pour les pucerons, avec pour objectif de traiter impérativement lorsque c’est nécessaire, mais sans intervention superflue.
« Pour les pucerons d’automne, nous n’avons aucun outil prédictif, regrette Philippe Pluquet, responsable techniques végétales de la coopérative Noriap. Nous avons été surpris plusieurs fois par des populations importantes ou au contraire minimes. Il faut constater et être agile », résume-t-il.
Ne pas traiter en l’absence de pucerons
Premier niveau de surveillance : les réseaux de suivi pilotés par les distributeurs et par les bulletins de santé des végétaux (BSV). Noriap participe par exemple à Vigie Virose avec Syngenta depuis deux ans. Les alertes de vols de pucerons publiées par ces réseaux doivent déclencher la surveillance des plantes sur la parcelle, et non un traitement systématique. « Ces captures indiquent des conditions favorables au vol et la possibilité de colonisation des champs, indique Nathalie Robin, spécialiste Arvalis des ravageurs céréales. Mais il est contreproductif de traiter en préventif en l’absence de pucerons sur les céréales et cela favorise les phénomènes de résistance. » Les feuilles apparues après le traitement ne sont pas protégées : les insectes se contaminent en touchant avec leurs pattes les pyréthrinoïdes, insecticides de contact, sur les feuilles traitées.
« Les pratiques sécuritaires d’application systématique lors d’un désherbage sont à bannir, souligne François d’Hubert, conseiller à la chambre d’agriculture en Normandie. Depuis la fin de l’imidaclopride en 2018, les agriculteurs craignent la jaunisse et ont peur de ne pas disposer de bonnes conditions pour traiter ultérieurement. Certains peuvent être tentés par un traitement sans observation, mais cela rajoute un IFT parfois inutile et détruit des auxiliaires très utiles comme les carabes. »
Observer la parcelle aux heures chaudes
En cas d’alerte de vols, il faut donc aller vérifier dans la parcelle si un traitement se justifie. Arvalis conseille de surveiller les plantes dès la levée à différents endroits de la parcelle pour apprécier le taux de plantes abritant un ou plusieurs pucerons, et de traiter à partir de 10 % des plantes colonisées. Les observations sont à renouveler quinze jours après le traitement pour constater de nouvelles infestations éventuelles, et ce jusqu’aux premiers vrais gels.
Comment surveiller ses parcelles ? On pourra faire l’économie de celles emblavées avec des variétés résistantes à la JNO, sur lesquelles un traitement serait inutile. Pour les autres, l’observation est facilitée par beau temps. On évitera le matin (les pucerons se cachent au pied du feuillage) pour privilégier les heures chaudes du début d’après-midi, quand les pucerons montent sur les feuilles. Pluie, vent, nuages, heures précoces ou tardives de la journée compliquent l’observation, encore plus laborieuse au stade tallage. Si aucun puceron n’est observé en conditions défavorables, mieux vaut renouveler l’opération à un moment plus propice.
La présence d’ailés seuls signale un tout début d’infestation, tandis que celle de larves et d’individus aptères (sans ailes) indique un temps de présence plus long sur la parcelle. L’observation dans les zones proches des réservoirs potentiels de pucerons (haies, bordures, bandes enherbées, jachères, maïs, repousse de céréales…) est recommandée. Mais les pucerons ailés peuvent parcourir des dizaines de kilomètres, portés par le vent.
Des céréales sensibles à la JNO jusqu’au stade épi 1 cm
Lorsque les températures sont favorables à l’activité des pucerons, les plantes restent sensibles à la JNO jusqu’au stade épi 1 cm environ. « Si, pour diverses raisons, l’agriculteur n’a pas pu traiter à 10 % de plantes habitées, il est préférable de traiter même tardivement, notamment quand les conditions automnales se prolongent », conseille Nathalie Robin.
Car il ne s’agit pas de « louper » un traitement. Les dégâts de JNO peuvent conduire à des pertes totales de pieds en orge. « Sur escourgeon, les baisses de rendement peuvent atteindre 5 à 10 quintaux/hectare avec de faibles attaques, et aller jusqu’à 50 %, estime Philippe Pluquet. En blé, les dégâts sont plus faibles, des attaques moyennes pouvant coûter 10 quintaux/hectare. La JNO a eu un impact important en 2016. » « Cette maladie atrophie le système racinaire, complète Nathalie Robin. Les plantes sont alors beaucoup plus sensibles à d’autres aléas, comme le stress hydrique. »
Un puceron résistant observé sur céréales en France
L’automne dernier, l’Anses(1) a détecté pour la première fois en France un puceron Sitobion avenae (puceron des épis des céréales) résistant aux pyréthrinoïdes en région Hauts-de-France. Des cas ont déjà été constatés au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne. Rien de tel pour l’instant pour Rhopalosiphum padi, le puceron le plus fréquent dans la transmission de la JNO. « Le risque ne peut être négligé, insiste Nathalie Robin, Arvalis. Vu la capacité démographique des pucerons, la sélection des mécanismes de résistance peut aller très vite. Une femelle peut donner naissance à mille individus et engendrer des larves qui contiennent déjà les œufs de la génération suivante. » D’où la nécessité de limiter les traitements inutiles et de bien positionner l’application quand les pucerons sont observés.