Protection des cultures : les connaissances sur les extraits végétaux se précisent
Les effets de l’utilisation d’extraits végétaux en protection des cultures sont encore peu connus, selon les plantes utilisées et les bioagresseurs visés. Des travaux sont en cours sur l’identification de plantes d’intérêt, l’évaluation de leurs modes d’action et de leur efficacité au champ.
Les effets de l’utilisation d’extraits végétaux en protection des cultures sont encore peu connus, selon les plantes utilisées et les bioagresseurs visés. Des travaux sont en cours sur l’identification de plantes d’intérêt, l’évaluation de leurs modes d’action et de leur efficacité au champ.
Infusion d’origan, décoction de prêle, macération de camomille… Les extraits végétaux se font leur place en protection des cultures. « L’utilisation d’extraits végétaux en est à son balbutiement et de nombreux verrous sont encore à lever pour permettre une utilisation étendue », soulignent cependant Charlotte Berthelot, Romane Jean, Vanessa Demoisson, Marine Le Roux (CTIFL) et Brigitte Pelletier (CDDM/Arelpal), dans un article consacré à l’utilisation d’extraits végétaux en maraîchage(1). Les extraits végétaux présentent une grande diversité d’effets et de modes d’action. Certains montrent une efficacité en préventif, d’autres en curatif. « Il est primordial de connaître le mode d’action des solutions appliquées afin de les positionner au meilleur moment et de la meilleure façon », précise l’article.
Pour améliorer les connaissances sur leur utilisation en protection des cultures, les études se multiplient. Des essais sont menés au CTIFL depuis 2019 sur cultures légumières, au sein du projet Obioleg(2), dans la région Pays de la Loire. Neuf agent pathogènes, responsables de nombreuses pathologies sur les systèmes maraîchers ligériens sont étudiés, dont Rhizoctonia solani, Pythium violae, et Bremia lactucae. Les participants au projet sont d’abord passés par une étape d’identification des plantes : choix des parties utilisées, types de préparations et de concentrations, agents pathogènes ciblés. Un screening in vitro et sur plante a ensuite été réalisé, afin de sélectionner les solutions les plus prometteuses. Lors de cette étape, les différents modes d’action ont été évalués : croissance des agents pathogènes, traitements curatifs et préventifs, effets biostimulants.
Des effets variables suivant la concentration
Trois-cent-quatre-vingt-deux combinaisons d’agents pathogènes-extraits végétaux ont été évaluées lors de l’étape in vitro. Les extraits ont été fournis par les firmes ou préparés par infusion, macération ou décoction. « Les extraits végétaux testés ont des effets variables suivant la concentration appliquée et l’agent pathogène testé », observent les auteurs de l’article. Par exemple, une macération de camomille romaine a un effet inhibiteur sur la croissance de Pythium violae et Pythium valerianellae mais un effet stimulateur sur celle de Sclerotinia minor. Certains extraits tels que l’infusion de thym-sauge ou la macération d’oignon n’ont pas d’effet sur l’inhibition de la croissance des agents pathogènes et peuvent même stimuler leur croissance. « Les résultats acquis lors du criblage in vitro ont permis de mettre en avant une dizaine de solutions potentiellement utilisables contre les sept bioagresseurs visés », poursuivent les auteurs.
Infusion de thym-sauge en curatif
Des essais sur plantule en conditions contrôlées ont été nécessaires pour les agents pathogènes qui ne peuvent pas se développer en l’absence d’une plante hôte. C’est le cas des agents pathogènes responsables du mildiou de la laitue (Bremia lactucae) et du mildiou du radis (Peronospora parasitica). Lors des essais sur le mildiou de la laitue, trois extraits ont été testés en préventif et en curatif. En préventif, ils n’ont pas montré d’efficacité. Mais en curatif, l’infusion de thym-sauge a réduit significativement les dégâts. De plus, les solutions d’inule visqueuse et de sarment de vigne permettent une amélioration significative du statut photosynthétique et du statut azoté. Pour valider les résultats obtenus en conditions in vitro, des essais au champ ont été mis en place en serre multichapelle double paroi sur les pathosystèmes sclérotiniose/laitue et Phoma/mâche (voir encadré).
En arboriculture, La Morinière étudie certains extraits végétaux pour leur efficacité vis-à-vis de la tavelure du pommier. La station évalue plus généralement des substances naturelles, dont les extraits végétaux ne constituent qu’une petite part. « Les substances naturelles comprennent de multiples types de substances et de statuts réglementaires : préparations naturelles peu préoccupantes (dont les extraits végétaux), produits phytosanitaires (certaines huiles essentielles, bicarbonate de potassium…), matières fertilisantes (poudre de diatomée…) », expose Anne Duval-Chaboussou, CTIFL La Morinière, lors d’une conférence à Tech & Bio.
Efficacité comparée au cuivre
Après un screening de macérations de plantes sèches achetées en herboristerie et de produits du commerce, plusieurs produits ont été évalués en verger de pommier. Deux stratégies ont été testées : dans la stratégie 1, les substances ont été appliquées avec une dose allégée de cuivre, en comparaison avec un témoin non traité, une modalité « dose pleine de cuivre » et une modalité « dose allégée de cuivre ». Dans la stratégie 2, les substances ont été appliquées seules, en comparaison avec un témoin non traité et une modalité « référence bio » (cuivre et soufre).
Certaines substances semblent avoir une action de limitation de la tavelure, tandis que d’autres montrent plutôt un effet négatif sur feuilles et fruits, comme le lactosérum, la macération de racines d’ortie et le purin d’ortie. « L’enjeu est d’identifier le positionnement idéal des substances naturelles au sein du programme de protection, développe Anne Duval-Chaboussou. Le choix des produits doit être adapté à la pression de la maladie, au stade et à la variété. » Une diminution des coûts des traitements à base de substances naturelles sera aussi essentielle. A titre d’exemple, le coût d’un passage avec une décoction de prêle est près de trois fois plus important qu’avec la bouillie bordelaise.
382 combinaisons d’agents pathogènes-extraits végétaux ont été évaluées lors de l’étape in vitro
L’extraction à l’alcool plus efficace
Des travaux réalisés par le centre opérationnel de la Morinière mettent en évidence que l’utilisation d’un solvant alcoolique (solution d’éthanol à 40°) permettait d’extraire jusqu’à dix fois plus de composés phytochimiques qu’une extraction à l’eau. « Les mêmes composés sont retrouvés avec une extraction à l’eau et à l’alcool, explique Anne Duval-Chaboussou, La Morinière. Mais dans le cas de l’alcool, la présence des composés est quantifiable alors que ce n’est pas toujours le cas avec l’eau ». Ainsi, dans le cas du sureau, des quantités dix fois plus importantes de composés sont extraites avec la solution éthanolique. Les quantités extraites restent cependant assez faibles. D’après les résultats des travaux, l’extraction est optimale après macération des plantes sèches dans l’alcool pendant sept jours, à l’ombre et à température ambiante.
Une réglementation en mouvement
Malgré un intérêt croissant et des études de plus en plus nombreuses, l’utilisation des extraits végétaux reste encore complexe, pour plusieurs raisons. On peut citer des criblages chronophages et coûteux, des profils biochimiques encore peu connus et des procédés d’extraction complexes pour une utilisation au quotidien sur le terrain. La réglementation est également un frein important. Elle limitait jusqu’ici l’usage en Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) à environ 200 plantes de la pharmacopée (substances naturelles à usage biostimulant, SNUB) et aux plantes reconnues comme substances de base.
Depuis juin 2021, un arrêté élargit la notion de SNUB : sont désormais autorisées en tant que SNUB « toutes plantes ou parties de plantes consommables par l’homme ou l’animal, qui sont obtenues par un procédé accessible à tout utilisateur final, et qui présentent un effet biostimulant reconnu par un savoir ancestral ou étayé par des tests ou essais documentés ». Cet arrêté permet d’augmenter de manière importante le nombre de plantes utilisables, comme la tanaisie, qui a montré des effets significatifs sur la croissance de bioagresseurs dans les essais in vitro du projet Obioleg.
Trois essais au champ d’extraits végétaux et de substances naturelles
Contre la sclérotiniose de la laitue
Contre Phoma valerianellae sur mâche
Contre la tavelure du pommier