Quelles sont les espèces les plus sensibles à la chaleur ?
Paul Robin - « La sensibilité est surtout fonction du métabolisme de l’animal plutôt que de l’espèce. Plus l’oiseau est productif (GMQ élevé), plus il ingère d’aliment dont la digestion génère de l’extra chaleur à évacuer. C’est pourquoi l’animal réduit son ingestion en stress thermique. Il vaut donc mieux distribuer l’aliment lorsqu’il existe des écarts de température jour-nuit, sinon la mise à jeun n’a pas grand intérêt. C’est une arme à double tranchant à utiliser à bon escient. Il y a aussi le matelas isolant des plumes qui interfère (un poussin est moins sensible). »
Qu’est ce qui a changé dans les bâtiments depuis la canicule de 2003 ?
P. R.- « D’une part, la génétique a accru la capacité d’ingestion des volailles de chair, donc leur sensibilité. D’autre part, les bâtiments ont évolué. Le bétonnage des sols a induit une réduction de la quantité de litière, donc de production de chaleur. Pour les sols avec plancher chauffant, on pourrait imaginer les refroidir en y faisant circuler de l’eau fraîche. Le développement des fenêtres a induit la pénétration des rayons lumineux. Le soleil apporte localement 1 000 watts par m2 perpendiculairement au rayon, à comparer aux 150 W/m2 du chauffage et aux 20 W produits par un poulet de 2,5 kg. Certains endroits seront donc très inconfortables. Il faut obturer les fenêtres exposées au soleil. »
Quels sont les critères prioritaires à suivre pour mieux gérer le coup de chaleur ?
P. R.- « D’abord la température, puis la vitesse d’air et dans une moindre mesure l’hygrométrie. Il faut d’abord du débit d’air pour extraire la chaleur produite par les animaux et la litière et pour limiter la montée en température. Mais au-delà d’un certain niveau (de l’ordre de 30 °C extérieur), la gestion normale n’est plus possible. Il faut apporter de la vitesse d’air sur les animaux par renouvellement ou par brassage pour pousser le matelas de chaleur produite et faire baisser la température ressentie. On accroît ainsi le seuil de tolérance à la température sans forcément brumiser. Il est admis qu’une vitesse supplémentaire de 0,1 m/s diminue le ressenti de 1 °C. C’est un ordre de grandeur empirique. Certains se basent sur l’indice THI, couplant température et hygrométrie, ce qui a tendance à minimiser l’importance de la vitesse d’air. »
Les éleveurs se méfient de l’hygrométrie. Ont-ils raison ?
P. R.- « L’hygrométrie à l’intérieur du bâtiment est plutôt un problème de gestion de lot que de coup de chaleur. Sur le moyen terme, une hygrométrie basse permet de garder une litière sèche en fin de lot, donc à la litière de chauffer moins. Durant le coup de chaleur, l’hygrométrie joue assez peu. Quand il fait chaud, les oiseaux émettent beaucoup de vapeur d’eau pour se refroidir, ce qui forme à leur hauteur un microclimat humide. Il peut être réduit par la vitesse d’air. Quand le lot est à son terme, en particulier les jours précédant un premier enlèvement, il ne sert à rien de limiter la brumisation sous prétexte que l’hygrométrie va monter dans la litière. Ce qui est important, c’est de sauver les animaux en abaissant la température au maximum. »
À partir de quelle température commencer à brumiser ?
P. R.- « Il n’y a pas de règle stricte et cela dépend du niveau d’hygrométrie de l’air extérieur, de l’âge des animaux et de la durée de brumisation (durant des heures ou des jours). On peut brumiser ponctuellement pour réduire la température lors d’une forte chaleur, mais aussi plus longtemps pour accroître son niveau de performance. Dans le Sud-Est, les éleveurs qui brumisent à partir de 26 °C, voire moins, cherchent à gagner en indice de consommation. À condition d’avoir un air sec en augmentant le débit d’air pour ne pas humidifier la litière sur la durée. Plus faible est l’hygrométrie, plus sèche sera la litière. »
Quel débit d’air appliquer lors d’une brumisation ?
P. R.- « Pour beaucoup brumiser (1 kg d’eau/m2/h) avec un bon chargement (42 kg/m2), il faudrait envisager un dimensionnement autour de 150 m3/m2/h (ou 45 cm2 d’ouvrant par poulet en ventilation statique) pour des enthalpies extérieures maximales autour de 75 kJ/kg d’air sec (300 m3/m2/h et 2 kg eau/m2/h si l’enthalpie extérieure atteint 80 kJ/kg d’air sec). Mais lors des situations les plus chaudes, il est aussi important de ne pas surventiler afin de garder l’air refroidi à l’intérieur. »
Avez-vous un dernier conseil à donner ?
P. R.- « Préparez-vous en faisant des tests de fonctionnement et des changements de réglages (débit d’air, débit d’eau évaporée) pendant un vide sanitaire et par météo sèche, ce qui vous évitera de prendre le risque de faire une erreur plus tard en présence des animaux. Vous verrez comment le bâtiment fonctionne. Dans le cas d’un bâtiment dynamique avec un pad-cooling, il est important de vérifier que les entrées d’air parasite non refroidi sont bien négligeables. »
À chaque type d’élevage sa solution
Selon Paul Robin, répondre à « comment se protéger du coup de chaleur » dépend du type d’élevage avec des solutions différentes :
Élevage avec accès à un parcours
- Si les oiseaux bénéficient de suffisamment d’ombrage sur le parcours. « Il est possible d’arroser le sol à l’aide d’asperseurs pour permettre aux volailles de mieux se refroidir » ;
- En l’absence d’ombre, les oiseaux vont se réfugier dans le bâtiment. « Envisagez d’ajouter des ventilateurs pour créer de la vitesse d’air en puisant l’air dans les parties exposées au nord. On peut aussi passer un nettoyeur à haute pression près des trappes, ce qui formera un brouillard de gouttelettes pour un effet refroidissant, mais seulement en fin d’élevage pour ne pas inonder la litière pour le reste du lot. »
Élevage en claustration
« Il faut privilégier la vitesse d’air et le refroidissement ; le pad cooling a l’avantage d’éviter les gouttelettes qui humectent la litière ; la brume a l’avantage de compenser les apports de chaleur (volailles, toiture, parois) sur l’ensemble de la surface du bâtiment. »