Enquête des chambres d’agriculture de Bretagne
L’élevage de porc se féminise
La proportion de femmes salariées augmente rapidement en production porcine. Les femmes représentent aussi 29 % des installations de jeunes agriculteurs.
La proportion de femmes salariées augmente rapidement en production porcine. Les femmes représentent aussi 29 % des installations de jeunes agriculteurs.
Les chambres d’agriculture de Bretagne ont mené différentes enquêtes auprès des salariés en production porcine, et notamment auprès des femmes car les études sont plutôt rares. Il en ressort différents enseignements : le nombre de femmes salariées a doublé entre 1996 à 2010, passant de 15 % à 30 % de la main-d’œuvre. La répartition des postes est différente entre hommes et femmes. Celles-ci sont majoritairement employées en maternité (55 % des femmes) ou maternité et verraterie-gestante (28 % des femmes). 10 % d’entre elles occupent des postes polyvalents, contre 33 % des hommes.
Même si la fréquence de réalisation des tâches annexes est différente entre sexes, les femmes réalisent la majorité de ces tâches au moins occasionnellement (cf. figure « Fréquence de réalisation des tâches par genre »). La principale différence tient dans la proportion de réponses « jamais ». Par exemple 65 % des femmes déclarent ne jamais conduire le tracteur, 59 % ne jamais faire de travaux d’entretien contre respectivement 15 % et 4 % des hommes.
L’enthousiasme des salariés pour leur métier est partagé
Femmes et hommes répondent de manière assez proche sur les tâches perçues comme les plus pénibles, ils placent en premier lieu le lavage (40 %), la vaccination (22 %), la castration (13 %) et le tri des porcs charcutiers (13 %). La force physique est évoquée par certaines femmes comme une contrainte supplémentaire, notamment en lien avec les charges lourdes. On observe très peu de différences concernant l’adaptation des horaires aux pointes de travail, bien que cela soit le cas pour la durée de travail hebdomadaire, 72 % des femmes travaillent à temps complet (35 heures ou plus), contre 96 % des hommes. Enfin, l’enthousiasme des salariés pour leur métier est partagé, la quasi-totalité des femmes et des hommes enquêtés dit travailler avec passion, ou au moins avec intérêt.
Des jeunes chefs d’exploitation mieux formées que les hommes
La tendance est la même concernant les chefs d’exploitation. Les données du dernier recensement agricole nous indiquent que 24 % des exploitations porcines en Bretagne sont dirigées par des femmes. Elles s’installent plus tardivement que les hommes, et leur moyenne d’âge est plus élevée, ce phénomène étant accentué par le transfert entre époux quand l’homme part à la retraite. Si l’on élargit les données à l’ensemble des agricultrices bretonnes, la part des femmes ayant une formation supérieure est plus élevée que chez les hommes parmi les agriculteurs de moins de 40 ans, alors que c’est l’inverse si l’on considère l’ensemble de la pyramide des âges. Entre 2010 et 2015, les femmes représentent 29 % des installations de jeunes agriculteurs. Leur profil se différencie de celui des hommes : elles sont plus souvent d’origine non agricole, elles occupaient davantage un emploi non agricole avant leur installation. Le statut juridique des exploitations est très proche qu’elles soient dirigées par des femmes ou des hommes.
thierry.bellec@bretagne.chambagri.frAmandine exprime son savoir-faire en maternité
C’est en BTS Productions animales qu’Amandine Gauclin a découvert la production porcine, pour ne plus la quitter ensuite. Après son CS porcs à Quintenic dans les Côtes-d’Armor, elle est embauchée à l’élevage Crespel, en Ille-et-Vilaine, où elle a réalisé son apprentissage. L’année suivante elle est recrutée à la suite d’un départ dans l’élevage de sélection de Laurent Dartois à Guitté, dans les Côtes-d’Armor. L’équipe est alors composée de trois salariés sur deux sites. Elle participe avec son collègue à toutes les tâches de l’élevage. Les gros pics de travail sont systématiquement réalisés à plusieurs, ce qui permet de maintenir une bonne cohésion dans le groupe. L’équipe se renouvelle et s’agrandit en même temps que l’élevage. Amandine devient rapidement la plus expérimentée. C’est donc tout naturellement elle qui prend en charge la formation des nouveaux salariés en leur inculquant en plus le métier de la sélection. Après coup elle regrette de ne pas avoir reçu de formation au management, ce qui lui aurait probablement évité quelques maladresses vis-à-vis de ses collègues. L’équipe est aujourd’hui composée de neuf salariés, les postes se sont spécialisés et Amandine est affectée à la maternité, ce qui lui permet d’exprimer son savoir-faire dans la sélection des qualités maternelles des truies. C’est aussi elle qui oriente dès la quarantaine les futures cochettes reproductrices vers une carrière en sélection ou en multiplication. Néanmoins, c’est avec un peu de nostalgie qu’Amandine se remémore le temps où les activités étaient plus variées, et lui laissaient le temps de participer à des réunions ou des portes ouvertes à l’extérieur de l’élevage. Les week-ends de garde, au rythme d’un par mois, peuvent aussi parfois paraître contraignants vis-à-vis de ses amis ou de sa famille. Si la production porcine s’est révélée passionnante pour Amandine, il n’en a pas été de même pour sa famille, sans lien avec le monde agricole. Il lui a fallu de la persuasion pour leur faire comprendre et accepter son choix professionnel. Une visite organisée sur son lieu de travail a permis de casser l’image négative de la production porcine trop souvent véhiculée par les médias.
Thierry Bellec
Femmes et agriculture au cœur du Sénat
En 2017, la délégation aux droits des femmes du Sénat a centré ses travaux sur les femmes et l’agriculture pour une égalité entre les territoires. Au terme des travaux et des différentes auditions, les sénatrices et les sénateurs ont porté auprès du Premier ministre et du ministre de l’Agriculture quarante recommandations (1) à mettre en œuvre pour une agriculture avec des femmes et des hommes. Les agricultrices des groupes Bretagne "égalité-parité : agriculture au féminin", dont Nathalie Marchand, Danièle Even et Josiane Mehouas, ont participé et suivi ces travaux.
nabila.gain@bretagne.chambagri.fr(1) Rapport sénatorial 2017 : Femmes et agriculture : pour l’égalité dans les territoires consultable et téléchargeable : www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-615-notice.html« Mettre les femmes au cœur des métiers de l’agriculture"
Nathalie Marchand, présidente du groupe Bretagne égalité-parité : agriculture au féminin
« Lors des travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat, j’ai mis en avant les femmes au cœur des métiers de la production en agriculture et plus en élevages. Il m’a paru nécessaire de ne pas limiter l’assimilation des initiatives d’agricultrices aux seules diversifications des activités. Nous sommes aussi des professionnelles de l’environnement, de la gestion techno-économique, de l’élevage et de bien d’autres domaines. Ces précisions sont essentielles pour déconstruire les représentations de la place des femmes en agriculture. Au regard de nos collègues hommes, nous devons faire valoir nos compétences techniques. Les conditions de travail ont évolué dans les élevages. Les postes de travail sont accessibles aux femmes et aux hommes. Il reste encore à faire… mais bon, je pense qu’en production porcine nous avons bien avancé. »
"La compétence n’a pas de sexe"
Danielle Even, présidente de la chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor
« L’agriculture connaît des tensions salariales récurrentes. L’attractivité des métiers et du renouvellement des générations est cruciale pour aujourd’hui et demain. En production porcine, le salariat féminin est présent et en progression. De réels progrès sont observés… Mais malheureusement le rapport sénatorial pointe de réelles difficultés pour des jeunes filles en formation à trouver des stages en élevages ou des employeurs encore réticents aux recrutements de salariées femmes. Ce constat est dommageable pour l’ensemble de la profession. La compétence n’a pas de sexe. Femmes et hommes trouvent leur place en élevage de porcs, de la maternité à l’engraissement. La polyvalence est de mise. Les ateliers sont structurés dans le but de simplifier la conduite pour l’éleveur et l’éleveuse. Vestiaires (douches/sanitaires), souplesse des horaires peuvent convenir à un public féminin. Toutes ces évolutions profitent in fine autant aux femmes qu’aux hommes. Elles sont des gages d’innovation et de progrès pour la filière porcine. »
« Pour la parité dans les organisations professionnelles »
Josiane Mehouas, membre de la commission communication de l’UGPVB
« Les femmes sont peu présentes dans le paysage décisionnel et, particulièrement dans le monde agricole et porcin. Pour atteindre la parité homme-femme, il faut instituer une loi qui oblige le 50/50 dans les lieux décisionnels des organisations professionnelles (groupements, coopératives, banques, assurances, centres comptables etc.). Des sanctions financières dissuasives feront changer les mentalités. Cet engagement nécessaire dans les instances professionnelles pose la question de la conciliation des temps de vie et du travail. Les remplacements sur l’exploitation et dans le privé doivent être une priorité. Le statut de l’élu doit progresser. Depuis de nombreuses années que je fréquente différentes instances territoriales, professionnelles et décisionnelles, je retiens que la formation, l’anticipation, la sensibilisation à la culture de l’égalité sont des préalables à tout engagement..
En savoir plus
Les groupes "égalité-parité : agriculture au féminin" sont portés par les chambres d’agriculture de Bretagne. Attractivité des métiers, acquisition des compétences, engagements-responsabilité et diffusion de la culture de l’égalité sont les quatre axes de travail. Nathalie Marchand (35), Isabelle Salomon (29), Sylvie Trancevent (22) et Nicole Le Peih et Laurence Annic (56) sont les responsables professionnelles référentes. Alain Lamour (29), Lise Marrec (56) et Nabila Gain-Nachi (22, 35) est l’équipe en charge de la coordination.
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