Guerre en Ukraine : la rareté des protéines non OGM met à mal les filières animales françaises
Déjà très tendu avant la guerre en Ukraine, le marché des protéines pour les filières non OGM atteint un point critique avec l’arrêt des expéditions de tourteaux de tournesol HiPro ukrainiens. Ils avaient pris en effet une place croissante pour remplacer les importations de soja non OGM.
Déjà très tendu avant la guerre en Ukraine, le marché des protéines pour les filières non OGM atteint un point critique avec l’arrêt des expéditions de tourteaux de tournesol HiPro ukrainiens. Ils avaient pris en effet une place croissante pour remplacer les importations de soja non OGM.
Laurent Houis, président de Solteam, tire la sonnette d'alarme car il ne voit plus de solutions pour alimenter en volume le marché des animaux nourris sans OGM en France, pourtant en croissance. Le dirigeant de Solteam, spécialisé dans l’approvisionnement de ces filières depuis les années 90, vient d’écrire aux structures professionnelles en détaillant une situation quasiment inextricable, en raison du blocage des origines zone mer Noire de tourteaux de tournesol High Pro, les acheteurs frôlant même la rupture dans un contexte prix jamais connu.
« Auparavant, le flux principal de soja non OGM venait du Brésil, mais cette culture couvre désormais moins de 2 % des surfaces en soja du pays, les semences sont de moins en moins disponibles et de plus en plus chères, la différence de rendement de 25 % avec le soja OGM n’incitant pas les semenciers à faire des recherches ni les fermiers à semer », résume le spécialiste. Pour qu’un producteur fasse le choix du non OGM, il lui faut donc une prime qui, non seulement compense la différence de rendement, mais soit réellement incitative. Et c’est sans compter sur la difficulté à maintenir la ségrégation tout au long de la chaîne (logistique, stockage, trituration) avec des volumes qui s’effritent. La prime n’arrête donc pas de monter et restera probablement haute.
« Pour pallier aux faibles ressources en soja non OGM du Brésil, nous avions des contrats en Inde, au Nigeria et en Europe de l’Est. A l’été 2021, l’Inde puis le Nigeria ont été en défaut dans les soubresauts de la crise Covid. Cela a mis le feu aux marchés. La Chine et l’lnde sont venues piller l’Afrique pour se couvrir Le retrait de l’origine baltique pour un sourcing en Russie et en Biélorussie, et celui de la zone mer Noire pour le bassin ukrainien, nous ferment désormais toutes les autres portes », s'inquiète Laurent Houis. Le soja du Danube est capté par l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Les tensions sur le soja non OGM italien sont également extrêmes. De 500 000 t de soja non OGM en 2019, les importations se sont contractées à 350 000 t en 2021 et sont clairement orientées à la baisse pour la campagne en cours. « Le premier trimestre est stable mais la baisse de volume devrait s’accentuer très rapidement », anticipe Laurent Houis.
Des solutions de substitution bloquées
« Depuis une dizaine d’années, nos clients fabricants d’aliments ont fait feu de tout bois pour réduire leur dépendance en soja non OGM d’importation en allant chercher les protéines du blé, d’autres tourteaux comme le colza et des acides aminés de synthèse », poursuit le spécialiste. Dans ce concert, le tournesol High Pro a pris une belle place en quelques années, d’abord pour les ruminants puis pour les monogastriques. Ce sont désormais les porcs, les poulets et les poules pondeuses qui peinent à trouver des solutions. Le blocage des origines zone mer Noire (entre 800 000 t et 1 Mt de tourteau High Pro importées par an en France) renvoie naturellement les acheteurs vers d’autres origines… Mais lesquelles ? L’Argentine est un petit fournisseur. Et, malgré tous les plans Protéines, les disponibilités dans l’Hexagone en soja, comme en tournesol ou en protéagineux, restent sans commune mesure avec les besoins à court terme. Et les perspectives sur la prochaine campagne sont encore assombries par le risque que les terres ukrainiennes ne soient pas ensemencées en avril prochain.
« Il existe donc de vrais risques de rupture sur ces matières premières sensibles. Je pense que nous sommes clairement à un point de bascule », conclut Laurent Houis.