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Pommes de terre : Quelle exportation face à un marché mondial post-Covid ?

Si la France demeure une championne dans le domaine, l’actuelle donne économique complique fortement le travail des opérateurs en pommes de terre.

La France exporte une pomme de terre sur deux de sa production. Si les marchés européens demeurent la première destination, d’autres plus lointains peuvent se révéler intéressants.
© Philippe Gautier-FLD

La France est le premier pays exportateur en pommes de terre de conservation (en frais comme en industrie). En moyenne chaque année, 3 Mt sur une production globale de 6 Mt sont expédiées au-delà de nos frontières, soit une pomme de terre sur deux.

La quasi-totalité, soit environ 98 %, est absorbée par l’Union européenne où la France dispose de solides bastions. C’est le cas de l’Europe du Sud : le trio Espagne, Italie et Portugal représente ainsi environ 1 Mt lui seul. L’Allemagne, qui importe en moyenne 90 000 t par an, est un client important, où la pomme de terre française arrive à bien se valoriser.

Les pays de l’Europe centrale et de l’Est sont la deuxième zone de destination avec 220 000 t exportées. La situation actuelle rend cette destination plus hasardeuse. À ces grands marchés s’ajoutent aussi Moyen-Orient et destinations plus lointaines (Indonésie, Malaisie). Une telle performance n’est pas anodine : elle est le résultat d’une filière particulièrement compétitive.

Lire aussi : La guerre en Ukraine et l’explosion des coûts de production rendent les producteurs de pommes de terre européens incertains

D’indéniables forces à l’exportation

La force de l’exportation française de pommes de terre vers l’Union européenne tient à plusieurs critères. " La situation géographique de la France par rapport à ses principaux marchés est un avantage certain, note Ali Karacoban, responsable des Affaires économiques du CNIPT (Comité national interprofessionnel de la pomme de terre). Mais la filière dispose, par ailleurs, des infrastructures, spécialement en matière de conservation, pour assurer un flux tendu d’exportation de pommes de terre de qualité. Pareillement, ces installations permettent de répondre aux demandes des clients à l’étranger : pommes de terre lavées ou brossées, conditionnées en big-pack ou en préconditionnées… "

La transformation, un marché d’importance

L’exportation des pommes de terre françaises s’inscrit dans la durée avec les pays clients : les relations sont durables, ce qui fortifie la qualité de service et la réponse aux attentes. " La France dispose aussi d’une grande richesse de terroirs, entre les Hauts-de-France, principale région de production, le Centre-Val de Loire, la Normandie, l’Est et le Sud. Cela constitue une offre diversifiée, qualitative et compétitive ", plaide Ali Karacoban.

En moyenne, la moitié des 3 Mt exportées par an sont à destination de l’industrie. Cette filière est particulièrement importante. " La France a une position stratégique sur ce secteur avec un potentiel intéressant pour la fabrication de chips et de frites, souligne Francisco Moya, président du comité Export du CNIPT. La demande est d’autant plus forte que plusieurs usines de transformation sont en construction actuellement, et elles se tournent vers l’origine France pour leur approvisionnement ".

 

 

Exporter vers le Moyen-Orient, un mirage ?

Les Émirats arabes, et en particulier Dubaï, demeurent un marché intéressant. "Le produit est valorisé sur les GMS locales et dans les restaurants gastronomiques " explique Ali Karacoban. Environ 20 000 t sont exportés sur la péninsule arabe, dont 5 000 t vers les Émirats arabes. Le niveau de qualité est en augmentation sur cette destination. " La tendance est à des pommes de terre lavées mais aussi à des produits micro-ondables. La segmentation usage/conditionnement, axée sur la praticité, très demandée par les GMS locales, se développe dans un marché en cours de structuration " souligne-t-il.

Considérer l’approche logistique des pays lointains

Le potentiel pour la pomme de terre française est bien là, en face d’autres origines concurrentes comme l’Égypte ou le Pakistan. Francisco Moya confirme, mais précise : " Il existe bien un potentiel et une capacité à payer mais il faut considérer l’approche logistique de ces marchés. Et cela est d’autant plus vrai pour des destinations encore plus lointaines où il faut appréhender le transit time et la concurrence de pays producteurs – je pense aux États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie – présentant une très bonne qualité et une proximité des marchés qui influe évidemment sur les coûts logistiques ». Certains signes faibles montrent néanmoins que le grand export pourrait être, toute chose étant égale par ailleurs, une destination à considérer. Ainsi, en octobre 2021, des ventes ont été réalisées vers l’Indonésie (1 532 t) pour la première fois en trois ans : une volumétrie humble, mais c’est déjà un début.

Une concurrence frontale plus vive

Les derniers mois, marqués par la pandémie, ont bien évidemment impacté la filière pommes de terre et la situation actuelle, marquée par l’inflation, pose aussi son lot de problèmes.  " La fermeture de la restauration a fait que les pays où la France exporte, et qui produisent aussi, se sont retrouvés avec d’importants stocks de pommes de terre de qualité intermédiaire. Du coup, sur l’Espagne et l’Italie, il a été plus difficile de valoriser ce type de produits alors que la haute qualité se porte toujours bien, précise Ali Karacoban. L’augmentation des coûts de production – le prix de l’énergie pour le stockage a doublé en 2021 –, la désorganisation du transport maritime pour le grand export et l’augmentation des tarifs du transport routier, faisant face à une pénurie de chauffeurs, sont autant d’éléments qui pèsent sur la performance ». Ils se répercutent sur le coût d’importation : la compétition sur les marchés se fait plus vive, surtout dans un contexte de consommation moindre.

 

L’interdiction du CIPC complique la donne

L’interdiction du CIPC (l’antigerminatif chlorprophame) pour la conservation des pommes de terre a aussi un impact comme le précise Francisco Moya : « Cela réduit la période d’exportation pour la pomme de terre française [NDLR : le pic se situe entre janvier et avril]. Du coup, certains pays se reportent sur leur production locale ou importent à partir d’autres origines. On a ainsi pu voir l’Espagne acheter entre mars et mai, des pommes de terre en provenance d’Israël et de l’Afrique du Nord. Ces origines entrent en concurrence frontale avec le produit français ». L’Italie et les pays d’Europe centrale, avec un produit basique, développent leur présence sur le marché allemand. Quant au marché britannique, depuis le Brexit, le courant d’affaires est pratiquement à l’arrêt.

« Le produit français a de l’avenir car il est coté : sa qualité moyenne reste supérieure à celle de ses concurrents, tempère Francisco Moya. L’important est aujourd’hui de bien appréhender les marchés que l’on aborde et d’être intraitable sur la qualité de la pomme de terre ».

« La situation géographique de la France par rapport à ses principaux marchés est un avantage certain. »

La demande en pommes de terre d’industrie est particulièrement forte : plusieurs usines de transformation sont en construction, et elles se tournent vers l’origine France pour leur approvisionnement

 

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