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Pâturage : « On a passé un cap dans la gestion des paddocks grâce à Happy Grass »

Le Gaec Charpiot, dans le Jura, utilise depuis deux ans l’outil de gestion du pâturage Happy Grass. À la clé, une meilleure visibilité et des prises de décision facilitées aux moments-clés de la saison de pâturage.

À Champvans, à 230 mètres d’altitude dans la plaine du Jura, Anthony Charpiot, installé en 2016 et tout jeune papa, conduit en lait à comté un troupeau de 45 montbéliardes à 6 800 litres en bio, avec son père Guy. « Les laitières sont en pâturage plat unique du 15 avril au 15 juin, mais nous aimerions aller plus loin en valorisant mieux la conduite de l’herbe. Or, ce n’est pas toujours évident techniquement, confie l’éleveur. D’autant que nous avons des terres très hétérogènes dont le potentiel n’est pas très élevé. » Sur les 110 hectares de SAU, l’herbe occupe 80 hectares sous forme de 50 hectares de prairies permanentes et 30 hectares de prairies temporaires essentiellement à base de RGA, trèfle violet, dactyle, fléole et fétuque des prés.

Les éleveurs pratiquent un pâturage tournant depuis trois ans. « Avant même l’installation, je participais aux échanges en groupes d’éleveurs et je voyais bien que l’on pouvait progresser au niveau économique en valorisant mieux le pâturage, avance Anthony. C’est ce que j’essaye de faire depuis 2019 à l’aide de l’outil Happy Grass (anciennement PaturNET), proposé par Eva Jura. Cela m’a aidé à mettre le pied à l’étrier et surtout à prendre confiance dans mes décisions au fil de la saison de pâturage. » Cet outil web d’aide à la gestion des prairies et du pâturage est diffusé en France dans 58 départements, essentiellement par les organismes de conseil en élevage.

« Nous avons commencé par redécouper le parcellaire en vingt et un paddocks d’un hectare chacun, correspondant à une journée de pâturage pour les laitières », décrit Anthony qui subdivise encore ses parcelles en deux : une partie pour le jour et l’autre pour la nuit. « Cela permet déjà une meilleure valorisation de l’herbe. » L’arrivée d’un herbomètre sur la ferme a également contribué à améliorer les pratiques. « C’est devenu un outil indispensable. Il m’a coûté 400 euros, mais il est très pratique et il a été amorti dès la première année grâce à l’économie de stocks fourragers et de concentrés permise. »

Sur chaque parcelle, Anthony enregistre directement sur son smartphone les hauteurs d’herbe mesurées. « L’appli Happy Grass fonctionne sans connexion internet, apprécie-t-il. C’est assez intuitif. Pas besoin d’être une bête en informatique pour y arriver. » Le premier avantage de l’outil tient justement à la saisie de tout ce qui a trait au pâturage. L’éleveur peut remplir son calendrier de pâturage en direct de la parcelle dans laquelle il lâche ses vaches chaque jour. « Je renseigne en même temps les fourrages complémentaires distribués. Comme tout est saisi au fil de l’eau, on sait toujours quand et sur quelle parcelle étaient les vaches, et on peut se référer à cet historique plus tard. »

Au préalable, toutes les parcelles ont été pré-enregistrées avec leur surface et caractéristiques de sol, flore, densité. Chacune a été classée selon un potentiel de pousse (favorable, défavorable, très défavorable) par rapport la moyenne de la courbe de référence de croissance de l’herbe locale.

Avoir la vue sur le stock d’herbe disponible

Mais Happy Grass est plus qu’un calendrier de pâturage numérique. L’un de des autres intérêt est de visualiser, à l’instant t, le stock d’herbe sur pied de chaque paddock (en kg MS/ha/j), et de calculer l’offre en herbe en kg MS/VL/j en fonction de la sévérité du pâturage désirée. « Avec un objectif d’hauteur d’entrée à 12 cm et de 6 cm en sortie, je sais quelle quantité de biomasse il y a à consommer et le nombre de jours d’avance cumulés. Ce repère m’aide au quotidien, soit pour ramener des fourrages complémentaires si je vois que je suis trop juste en nombre de jours d’avance, soit au contraire pour les arrêter si j’ai de la marge. » L’outil simule également l’incidence sur le stock d’herbe disponible si une ou plusieurs parcelles sont débrayées pour la fauche. « C’est rassurant de voir ce que ça va donner concrètement avant de prendre la décision. »

Trois scénarios possibles d’évolution de la pousse

Happy Grass va encore plus loin en calculant l’évolution possible de la pousse, à 15 ou 30 jours, selon trois scénarios : optimiste (+15 % par rapport à la normale), pessimiste (-15 %) ou normal. L'éleveur peut faire varier ce pourcentage (en fonction de la météo). Selon le scénario retenu, il recalcule « en dynamique » le stock d’herbe disponible, l’offre en herbe et les jours d’avance afin de vérifier la cohérence avec les besoins des animaux. « L’intérêt est surtout de voir comment évolue le nombre de jours d’avance au fil du temps, considère Florian Anselme, d’Eva Jura. L’éleveur peut alors jauger la marge de manœuvre ou le risque qu’il prend avec telle ou telle pratique, dans tel ou tel contexte de pousse. » L’outil établit un calendrier de pâturage prévisionnel indiquant l’ordre des parcelles à pâturer et le nombre de jours où les vaches doivent rester sur chacune.  

Anthony apprécie le bilan annuel fourni par l’appli en fin de saison. Et plus particulièrement, le rendement en herbe pâturé, déduit du seul calendrier de pâturage (sans nécessiter de mesures d’herbe), du nombre de vaches et des fourrages complémentaires enregistrés. « Je regarde le tonnage par hectare parcelle par parcelle et sa répartition durant la saison. Selon le résultat, je peux ajuster la fertilisation, décider de renouveler ou de sursemer certaines », poursuit l’éleveur. « C’est instructif d’analyser a posteriori les pratiques en s’intéressant de plus près à la hauteur moyenne d’exploitation, aux temps de repos entre les cycles pour détecter une sur- ou une sous-exploitation. On peut aussi comparer les courbes de croissance de l’herbe à celles d’autres élevages du même groupe (altitude et profondeur de sol) », poursuit Florian Anselme. Enfin, cerise sur le gâteau, Happy Grass comptabilise le nombre annuel de jours de pâturage. S’il n’y a pas de minimum requis en filière comté, ce calcul peut se révéler utile pour d’autres cahiers des charges.

Avis d’expert : Vincent Mamet, d'Eva Jura

« La progression est encourageante »

 

 
 © E. Bignon
© E. Bignon
« Anthony avait tendance à faire surpâturer les vaches. Il descendait trop bas, et manquait rapidement d’herbe dans la saison. Depuis qu’il utilise l’herbomètre et Happy Grass, il pilote davantage en fonction du stock d’herbe disponible. Les hauteurs d’entrée sont mieux maîtrisées, les parcelles sont mieux finies et le profil de pâturage en escalier montre bien qu’il parvient à mettre en place un vrai décalage de pousse. Les rendements en herbe et la flore des parcelles se sont améliorés. Les vaches se répartissent plus uniformément sur les parcelles. Économiquement, dès la première année, en 2019, les résultats ont été au rendez-vous. Sur les mois de printemps, le coût de concentrés a diminué de 40 €/1 000 l par rapport à la même période de l’année précédente pour une production similaire. Il reste des points d’amélioration mais le Gaec est sur la bonne voie ! »

 

Découper le parcellaire

Happy Grass offre trois fonctionnalités : la gestion du pâturage (Happy Grass Pâturage) qu’utilise Anthony, la gestion des prairies (Happy Grass Prairies) et le découpage des parcelles (Happy Grass Parcelles). Ce dernier module est un outil cartographique permettant de visualiser le parcellaire à partir d’images satellite et d’envisager un redécoupage des paddocks. « On peut facilement délimiter des nouveaux paddocks en fonction de la surface souhaitée pour chacun. C’est une bonne base de discussion pour améliorer la gestion du pâturage », indique Florian Anselme. L’outil estime aussi les différents coûts d’aménagements : clôtures, chemins et adduction d’eau.

Côté éco

Happy Grass est disponible via certains Ecel. Deux offres sont proposées : l’offre Découverte (gratuite un an avec des fonctionnalités limitées) ou l’offre Expert avec toutes les fonctionnalités au prix de 14,99 €/mois.

 

 

 

L'objectif de hauteur en entrée de parcelle est-il respecté ?

Au 29/04, on voit clairement que l’offre en herbe va dépasser largement la demande des vaches et s’accentuer dans le temps (si la croissance reste dans la moyenne franc-comtoise). La courbe de cohérence orange indique que les vaches vont entrer au-dessus des 12 cm d’objectif dans chaque parcelle. Nous avons 24 jours d’avance (JA) devant nous, ce qui signifie que les vaches peuvent se nourrir de 100 % de pâturage pendant 24 jours si la croissance s’arrête, ce qui est déjà trop quand on sait qu’à cette époque les prairies mettent entre 15 et 20 jours pour revenir à une hauteur d’entrée correcte. Nous constatons qu’il y a même 31 jours de pâturage disponibles (JPaD) en tenant compte des 3 kg de foin apportés en complément dans la ration. La première chose à faire est donc déjà de supprimer le foin.  

 

 

 

Peut-on débrayer des parcelles pour la fauche?

En supprimant les 3 kg de foin apportés au pâturage, les jours de pâturage disponibles (JPaD) diminuent à 25 jours. C’est encore trop ! Il faut dégager de la surface en fauche en écartant 3 parcelles. Simulons le passage de 47 à 40 ares/VL. Nous obtenons 18 JPaD ce qui est encore légèrement trop car quelques parcelles vont arriver avec plus de 12 cm, mais cela permet de voir venir si un ralentissement de la croissance se fait sentir. Idéalement en pleine pousse (70 kg MS/ha), il ne faudrait pas plus de 35 ares par vache et 15 jours de JPaD.

 

 

 

Dans ces 3 scénarios, on peut faire varier la pousse comme on le souhaite, en prenant une hypothèse pessimiste et une optimiste (+/- 30 % de pousse par rapport à la normale). On voit que si la croissance freine beaucoup (31 kg MS/ha/j), on risque de manquer d’herbe à moyen terme (13 jours de JPaD puis 10) ; au contraire ,si elle explose à 58 kg MS/ha/j, on va être débordé (22 puis 27 jours de JPaD).

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