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En Nouvelle Aquitaine
Une dynamique autour de l’herbe avec le pâturage Herby

Porté par la Caveb, le projet Herby, qui vise à déployer le pâturage tournant dynamique et qui s’est étalé sur six ans, a permis de relancer l’intérêt pour l’herbe et le pâturage.

Remettre l’herbe et le pâturage au centre des élevages : c’est ce que propose le projet Herby porté par la Caveb, qui a mobilisé pendant six ans 131 éleveurs de Poitou-Charentes et de très nombreux partenaires financiers, scientifiques et techniques. Inspiré de la méthode d’André Voisin, qui prévoyait une division des prairies en paddocks et un temps de séjour court sur chaque paddock, et d’un voyage en Nouvelle-Zélande, le projet avait pour but de déployer sur la région Nouvelle Aquitaine une technique de pâturage tournant dynamique, avec création d’une marque, Herby. « Le pâturage tournant dynamique est basé sur la physiologie des graminées, a expliqué Alice Poilane, de la Caveb, lors du séminaire de clôture. Dans son développement, une graminée atteint son équilibre et son niveau maximum de réserves glucidiques à trois feuilles. L’idée est donc de faire entrer les animaux dans le paddock à trois feuilles, ne jamais pâturer les repousses en ne les y laissant pas plus de trois jours, et de les sortir avant d’attaquer la gaine. Le temps de repos du paddock est ensuite ajusté selon la saison. Le découpage des parcelles peut se faire en clôture fixe, mobile ou au fil, mais l’abreuvement sur chaque parcelle est essentiel. »

Entrée à trois feuilles et pas plus de trois jours

Pendant six ans, les conseillers de sept structures en bovin viande, bovin lait, ovin et caprin ont donc incité des éleveurs en Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Haute-Vienne et Charente-Maritime à tester la technique sur une partie de leurs prairies. 131 exploitations se sont engagées dans la démarche avec l’appui de leurs conseillers. 35 parcelles ont été suivies de près pendant six ans pour leur production fourragère, les sols, les haies… 50 élevages ont été analysés pour leurs performances environnementales et des analyses économiques ont été réalisées.

Une production fourragère proche des références

La diversité des exploitations et le travail sur le terrain et non en station expérimentale ne permettent pas de tirer de conclusion technico-économique généralisable. Mais les constats sont positifs sur de nombreux aspects. « Les productions d’herbe mesurées sont proches des références régionales et sont obtenues avec de faibles niveaux de fertilisation, grâce à la présence de légumineuses et au recyclage des minéraux au pâturage » indique François Gastal, d’Inrae. La valeur nutritive de l’herbe est également élevée, notamment en automne-hiver, mais très dépendante de la biomasse à l’entrée des animaux et de la part de légumineuses. Elle se maintient au cours des années.

Sur le plan économique, le pâturage Herby permet de répondre aux attentes du marché. L’étude de 2014 à 2018 de 300 exploitations fournissant la Caveb a ainsi montré que la part d’agneaux abattus au quatrième trimestre est similaire en système Herby et en non-Herby, avec un âge à l’abattage similaire ou supérieur. La part d’agneaux valorisés en IGP Poitou-Charentes est similaire et la part valorisée en label rouge Le Diamandin est plus élevée. « Malgré un âge pouvant être supérieur, le pâturage Herby permet donc d’être en adéquation avec le marché et d’avoir une bonne valorisation des agneaux sous signe officiel de qualité », souligne Anne Porchet, de la Caveb. Les études montrent aussi que le pâturage Herby n’a pas d’effet sur les lombrics, malgré un chargement instantané élevé. Les performances énergétiques et le stockage du carbone sont améliorés quand la part de pâturage Herby augmente. Et tous les éleveurs engagés dans la démarche sont convaincus de l’intérêt de l’arbre et des haies pour le pâturage et pour l’élevage en général.

Gain d’intérêt et de technicité sur le pâturage

Le ressenti des éleveurs dans leur ensemble est également très positif. Aucun des éleveurs engagés dans la démarche ne veut aujourd’hui l’abandonner. La plupart veulent même augmenter la part de prairies en pâturage tournant dynamique. La technique est simple à mettre en œuvre. Et aux bénéfices techniques et économiques qui ont pu être mesurés au niveau individuel s’ajoutent des atouts ressentis. Les éleveurs constatent ainsi que les animaux sont plus dociles, plus faciles à manipuler car habitués à changer de champ tous les jours. Au niveau du travail, parce qu’ils font plus pâturer, la plupart apprécient d’avoir moins de travail en bâtiment et moins de travaux de culture. « Il faut par contre être très rigoureux, observer chaque parcelle une fois par semaine et anticiper », note un éleveur.

En exploitant davantage certaines prairies, la méthode leur permet aussi de faire plus de stocks sur les autres. Certains notent que la portance des sols est améliorée, du fait d’un meilleur développement racinaire et d’un temps de séjour plus court sur chaque paddock. Et surtout, les éleveurs ont le sentiment d’avoir gagné en technicité sur le pâturage, grâce notamment à l’appui technique qui leur a été apporté pendant le projet. « Herby nous a fait progresser sur l’ensemble de l’exploitation et nous amène à repenser globalement le système », déclare un éleveur. « Le projet Herby a remis le pâturage et l’herbe au centre de l’exploitation comme étant l’option la plus rentable et la meilleure pour le bien-être animal et l’environnement », résume Anne Farrugia, d’Inrae. Enfin, le pâturage s’inscrit localement dans le projet de parc naturel régional de la Gâtine, dans l’objectif de transition écologique de la région Nouvelle Aquitaine et dans les objectifs d’adaptation au changement climatique et de paiement pour services écosystémiques de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.

Avis d’éleveur : Marc Mermet, éleveur de 200 brebis en Deux-Sèvres

"Je peux faire plus de foin sur les autres prairies"

« Je me suis installé début 2018 par reprise d’une exploitation, avec 200 brebis et 95 ha, dont 60 ha d’herbe. Tous les agneaux sont vendus en direct. Dès le début du projet Herby, alors que j’étais encore en stage de parrainage, j’ai développé la méthode Herby sur 8 ha que j’ai divisés en paddocks de 3 000 m², avec une arrivée d’eau et un abreuvoir mobile sur chaque paddock. De février à mi-juillet, les brebis y pâturent avec leurs agneaux, pendant 48 heures sur un paddock, avec une rotation de 21 jours en période de pleine pousse de l’herbe, 25-26 jours à partir de début juin. Et quand il fait plus sec, je sèvre les agneaux et les engraisse à l’herbe en les faisant tourner sur les paddocks. La qualité de carcasse est très correcte, car les praires sont riches en trèfle. Comme 8 ha suffisent pour les brebis et agneaux de février à mi-juillet, je peux aussi faire plus de foin sur les autres parcelles. Et les brebis sont plus dociles, plus faciles à manipuler, ce qui est appréciable car je n’ai pas de chien. Les agneaux sont par contre plus sauvages car ils sont toujours dehors. Mais ils sont peu parasités avec le pâturage tournant dynamique. Pour la moitié des agneaux, qui sont vendus avant six mois, je n’utilise aucun vermifuge. Mon idée est donc de passer dix hectares de plus en pâturage Herby. »

Chiffres clés

Le projet Herby

2,7 millions d’euros, cofinancés par les fonds européens Life + (50 %), la région Nouvelle Aquitaine et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne
22 conseillers
131 éleveurs, dont 23 en lait
2 670 ha de prairies en pâturage Herby

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