à Gigors-et-Lozeron dans la Drôme
Un pâturage hivernal pour le troupeau
Au cœur du parc naturel régional du Vercors, le Gaec du Savel tient à valoriser au maximum ses surfaces pastorales.
Chez Nicolas Peccoz, la gestion optimisée de l’herbe est résolument un défi à relever de tous les jours. Installé depuis 2005, il élève – avec son épouse Catherine – 355 brebis mère, des merinos ainsi que des croisées mourérous. Ces races sont adaptées à la conduite pastorale et le croisement avec des mourérous permet par ailleurs d’obtenir des gabarits plus conséquents. Il faut dire que le principal débouché de l’exploitation est aujourd’hui la vente directe.
Pâturage quasi-intégral, mode d’emploi
Le troupeau est principalement conduit à l’extérieur. Une pratique qui permet à la fois de valoriser au maximum les surfaces pastorales tout au long de l’année, entretenir les paysages, mais aussi réduire les charges. Si l’exploitation est autonome pour son fourrage, des céréales sont toutefois achetées auprès d’un prestataire. « Nous en achetons 12 tonnes par an au maximum. Nous les avons produits un temps sur l’exploitation mais ce n’était pas rentable. Nous avons préféré nous concentrer sur la maîtrise du troupeau. Les surfaces concernées ont par ailleurs été basculées en prairies afin d’augmenter notre marge de manœuvre », explique Nicolas Peccoz.
Concrètement, le troupeau est à la bergerie de mi-février à mars. « Les bêtes ne rentrent à la bergerie que pour l’agnelage. Il n’y a pas de repasse, seules 4 ou 5 ne prennent pas au maximum », précise l’éleveur. Entre avril et fin mai, le cheptel pâture sur les surfaces de l’exploitation. Avant de transhumer vers la Savoie, de fin mai à mi-octobre. « L’herbe y est meilleure. On finit des agneaux là-haut, ils sont ensuite prêts à être tués. Chez nous, en Drôme, l’herbe est de moins bonne qualité, on ne peut pas finir les agneaux. Les parcelles sont aussi difficiles d’accès et il n’y a pas d’eau », poursuit-il.
Valoriser les surfaces pastorales
Entre mi-octobre et février, les animaux pâturent sur des terres appartenant à l’exploitation ou sur des surfaces mises à disposition par des voisins. La superficie de ces dernières – et parfois même la ressource – peut varier d’une année à l’autre. « Pâturer chez les voisins implique de devenir herbassier, et donc de garder non plus en filets mais à bâton planté », indique-t-il aussi.
Les bêtes profiteront d’abord de luzerne (troisième ou quatrième coupe) et elles iront dans des prairies semées temporaires ou naturelles jusqu’au mois de décembre. « Décembre, c’est le mois du gel. La luzerne doit avoir été mangée avant. À partir de ce moment-là, on part dans des collines », ajoute-t-il. Le pâturage dans les vignes est également favorisé par l’exploitation. L’herbe y est en effet plus à l’abri face au gel. L’éleveur prend d’ailleurs actuellement part à une expérimentation qui vise à terme à étendre cette pratique à toute la vallée de la Drôme. Il s’agit aussi de déterminer le risque de toxicité du cuivre et de communiquer sur les bonnes pratiques. Ce qui est sûr, c’est que Nicolas Peccoz n’a, pour l’heure, jamais rencontré de problème quant à cette solution. À noter que les animaux n’y restent que trois à quatre semaines maximum par an.
Lors de la descente des estives, les agnelles sont par ailleurs séparées des mères. Elles passent deux mois dans des landes, à consommer une ressource très rustique, afin de parfaire leur éducation alimentaire. L’herbe pousse au printemps, et reste sur pied pendant l’été et lors de l’automne. « Elles savent comme cela ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Une fois adultes, elles se débrouillent. Certains savent valoriser ces mauvaises ressources », indique encore Nicolas Peccoz.
Le loup peut tout remettre en cause
Nicolas Peccoz reste satisfait quant à la mise en place de ce système herbassier. « L’hiver, on fait comme on peut. Même l’an dernier où la sécheresse a été terrible, on a réussi à passer l’hiver sans foin », précise-t-il. Bien que ce système puisse paraître des plus économes, l’aspect nutritif est au rendez-vous, tout comme l’apport en matière sèche. « Les brebis et les agneaux sont plutôt jolis », glisse encore l’éleveur.
Aujourd’hui, ce n’est pas tant la sécheresse - ou plus globalement le changement climatique - qui l’inquiète. « Il faut que le printemps soit pluvieux et l’herbe des collines poussera », reconnait-il volontiers. Il faut également sélectionner les espèces végétales qui résistent au sec. L’éleveur craint ainsi pour les légumineuses dans les prairies. Il constate également qu’il y a de moins en moins de trèfles violets et blancs.
Mais la vraie menace est la prédation du loup, bien qu’il possède six chiens de protection de race kangal. « Le loup, c’est une catastrophe. La pression est énorme. Le système de pâturage quasi intégral comme nous est à terme condamné », lâche-t-il enfin.
En bergerie que pour l’agnelage
chiffres clés
Avis d’éleveur
"Les rythmes naturels des animaux et des végétaux sont respectés"
« Je pense que ce système fonctionne car il est calqué sur le rythme naturel des animaux et des végétaux. Les brebis sont mises à la reproduction en saison naturelle. La lutte se fait d’une part au sevrage des agneaux et d’autre part sur des repousses de luzerne. L’agnelage de printemps est calé avec la pousse de l’herbe. En alpage, on est sur le même schéma avec une herbe fraîche favorisant le maintien du lait des mères et la croissance des agneaux. C’est un système qui fonctionne naturellement, avec très peu d’intrants. Les résultats techniques sont corrects au vu de l’extensivité du système (148 % de prolificité en 2018 pour 125 % de productivité numérique). Il nécessite cependant une adaptation quasi quotidienne en matière de gestion de l’herbe et donc de pâturage. Je crois qu’il faut être berger avant d’être éleveur »,