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GALE
Soigner avec une double injection  

L’acarien responsable de la gale provoque de fortes démangeaisons. Le troupeau est soigné par une double injection et, à long terme, il faut limiter les mélanges d’animaux en étant vigilant lors des transhumances et des achats.

Elles se grattent… Ou plutôt ils se grattent car, souvent, cela démarre par le lot des béliers… Ils ne font plus que de se mordiller les flancs. On voit des brins de laine pendre entre les dents, accrochés aux mangeoires, aux piquets de clôture… Est-ce bien la gale ? Car la gale n’est pas la seule cause de « grattouse ». Il y a aussi les poux, fréquents sur les jeunes de certaines races (les Romanes y sont très sensibles), avec du prurit modéré et quelques mèches de laine arrachées sur le dos. En s’appliquant, on arrive à distinguer les bestioles, semblables à ceux de nos gamins (photo a). Les mélophages, ces petites mouches sans ailes, se faufilent rapidement dans la toison en chatouillant les ovins. Assez discrets, on les découvre souvent le jour de la tonte (photo b). Les tiques peuvent déclencher un grattage là où elles sont à portée de sabot ou de dent, donc sur les flancs, ce qui indique qu’il y en a déjà beaucoup ailleurs. Faciles à voir, elles laissent également des « déjections » de sang cristallisé caractéristiques (photos c). Le pica, lui, est fréquent dans les lots de béliers, confinés et manquant de distractions : ils broutent la laine sur le dos des plus faibles, leur donnant un aspect misérable : mais eux-mêmes ne se grattent pas ! (photo d). Assez rare, la gale du museau est très localisée et engendre des croûtes bien reconnaissables (photo e). Ne pas confondre avec l’ecthyma, qui lui, ne gratte pas.

Mais hélas, c’est bien souvent la gale qui provoque ces irritations au point que les animaux se grattent sans cesse, contre tous les supports possibles. Ils se mordillent les flancs puis les croûtes plutôt jaunâtres au début, parfois sanguinolentes, apparaissent et s’étalent en cercle, surtout sur le dos et l’encolure. Typique également, le réflexe de « flemming », précieux en tout début de maladie, avant que les dégâts ne soient trop flagrants. On cherche un « bouton » croûteux, sur la zone léchée, ou en périphérie du « front », et lorsqu’on le gratte, on déclenche le retroussement de la lèvre. C’est le « rire sardonique de la gale » ; parfois, l’animal cherche carrément à mordre ! (photo f). Les tests de labo ou les raclages cutanés sont hélas peu spécifiques car l’acarien responsable de la gale est difficile à isoler… même si la bestiole est bien là !

Des risques lors des déplacements

Comment la gale a pu venir dans mon troupeau ? Non, ce n’est pas la faute des chevreuils ! Ni des sangliers, renards ou blaireaux. Les corbeaux et les chiens n’y sont pour rien non plus. Cette gale, dite « psoroptique », est spécifique aux ovins. Les ramasseurs d’agneaux, collègues, stagiaires et même vétérinaires ne sont « dangereux » que s’ils ont manipulé auparavant dans un élevage touché, ne se sont pas changés, et viennent à nouveau brasser des animaux dans l’élevage. Normalement, cela ne doit pas arriver !

La tonte est à vérifier car le plancher de bois et les habits ou les chaussons de feutre peuvent être de bons refuges pour l’acarien. A priori, tondeurs et attrapeurs savent s’ils ont fait auparavant un chantier à risque mais il pouvait s’agir d’un troupeau en début d’incubation. Le risque augmente dans le cas de petits troupeaux ou de lots d’agneaux à engraisser : si le tondeur fait plusieurs adresses dans la journée, cela complique les nettoyages et changements d’habits…

Un risque existe aussi lors des transports avec emprunts de remorques ou de camions. Lors des foires et expositions, la transmission peut avoir lieu si les lots sont mal séparés. C’est même arrivé lors du Salon de Paris… Lors des transhumances, même si les camions sont nettoyés, on peut se contaminer dans les parcs de déchargement (piquets de bois, troncs d’arbres) puis tout au long de la « draille », si un troupeau porteur est déjà passé par là jusqu’à 17 jours plus tôt.

Une contagion par la brebis galeuse ou le bélier galeux

Cependant, neuf fois sur dix, c’est un mouton, ou un lot de moutons, mélangé en estive ou introduit, en chair et en laine, qui a bel et bien propagé la bestiole ! L’expression « brebis galeuse » est donc parfaitement justifiée, même s’il s’agit souvent d’un bélier ! Mais qui, et quand ? C’est là que souvent ça se complique… Car il peut y avoir une période de latence : un, deux ou trois mois pendant lesquels l’animal introduit, ou le troupeau mélangé, ne présentent rien d’anormal. Lors de mélanges en estive, par exemple, on ne saura pas toujours exactement quelle marque a pu être à l’origine du problème. Pire, un des troupeaux mélangés, ou un animal acheté, bélier par exemple, a pu être « piqué » par l’éleveur ou le vendeur, une fois, avec une matière active qui va masquer le problème un certain temps. Et lorsque l’animal se regrattera visiblement, il aura eu largement le temps de contaminer tous les lots mis en contact.

C’est cette sorte de latence qui explique que tous les « plans gale » possibles n’ont jamais réussi à éradiquer une maladie vieille comme le monde. Même pas dans les îles britanniques, où les balnéations furent pourtant obligatoires pendant des décennies…

Molécule injectable par voie intramusculaire

Que faire quand la gale est dans le troupeau ? Dans l’urgence, deux types de produits, et de stratégies, sont actuellement disponibles : les solutions externes et les injectables. Les solutions externes sont à administrer en bains de préférence car les douches et pulvérisations soulagent mais ne guérissent pas définitivement. Il s’agit de pesticides organo-phosphorés : le dimpylate (délai d’attente 14 jours) et le phoxime (28 jours). Ces temps sont relativement courts, mais la toxicité aiguë est forte, surtout pour la faune sauvage en cas de rejets dans la nature… Chez l’humain, leur usage répété est de plus en plus incriminé dans l’apparition de maladies tumorales ou neurologiques… C’est d’autant plus gênant que la balnéation doit être prolongée, avec une immersion totale de la tête deux fois de suite. Les anciennes baignoires mobiles tournantes étaient efficaces, mais le chantier était très lent, et le malheureux opérateur central en prenait pour son grade.

Très pratiqués depuis une trentaine d’années, les injectables sont plus faciles à mettre en place malgré un coût élevé (plus d’un euro la dose) et des délais d’attente longs (de 28 jours pour l’ivermectine, jusqu’à 104 jours pour la moxidectine dite « longue action »). Au fil des décennies, bien des stratégies ont été proposées… Sans entrer dans tous les détails, notre pratique actuelle consiste à préconiser une molécule injectable par voie intramusculaire, doramectine ou moxidectine ; au moyen d’aiguilles courtes (16 mm maxi) ; à la dose standard est d'un millilitre par 50 kg de poids vif mais c’est un strict minimum. Dans la plupart des cas, on part sur 1,5 ml par brebis (au moins 2 pour un bélier), et on ajuste pour les animaux plus légers (les seringues spéciales sont réglables au dixième de ml).

Deux injections pour supprimer l’acarien

Mais surtout, si l’on veut vraiment éradiquer la gale, deux injections à 10 jours d’intervalle sont nécessaires. Sinon, les fatidiques 17 jours de survie de l’acarien, sur n’importe quel support, lui permettront de recoloniser quelques animaux… et le processus redémarrera un beau jour. Il faut donc traiter, les mêmes jours, tous les ovins présents : depuis l’agneau naissant jusqu’aux lots promis à la boucherie ou la réforme. Ce qui implique de caler les dates en fonction de délais d’attente très longs : 70 ou 82 jours. Ce sera le problème majeur, à bien discuter avec le vétérinaire référent…

Cela dit, les méthodes par voie sous-cutanée, y compris à la base de l’oreille pour la spécialité « LA », ont pu donner parfois satisfaction. Mais l’expérience montre qu’il est, et de loin, bien plus facile de rater une sous-cutanée qu’une intramusculaire. Or il suffit d’un seul animal raté ou « sous-dosé » pour voir la maladie redémarrer quelques semaines ou mois plus tard. Et ce risque augmente très vite avec la taille du chantier or les troupeaux transhumants sont souvent importants et leur contention n’est pas toujours facile.

Il est prudent d’associer les animaux (chèvres, chevaux, ânes, lamas, voire patous) en contact étroit avec vos moutons au protocole pour limiter un éventuel rôle de refuge temporaire. Une réflexion à soumettre au vétérinaire. Autre remarque, le traitement du milieu, à base de pesticides généralement organo-phosphorés, est difficile en bergerie, notamment à cause des grattoirs en bois, et illusoire à l’extérieur. Mieux vaut compter sur la vingtaine de jours de protection issue de la double injection et se concentrer sur les bétaillères, matériels de tonte, vêtements et chaussures…

De la vigilance en montée de transhumance comme en descente

La gale disparaitra-t-elle un beau jour de nos élevages ? Difficile à croire ! Naguère, elle était réglementée ; mais jamais déclarée… Une politique autoritaire aurait-elle une chance de réussir ? En Cévennes, zone de transhumance à pied, il y a une dizaine d’années, les GDS ont orchestré une campagne collective, avec double injection intramusculaire synchronisée en été, puis « rappel » systématique en période hivernale. De fait, la gale du museau, installée là-bas depuis toujours, a effectivement disparu. Mais celle de la laine, largement répandue en France et au-delà, bien plus coriace, peut revenir à tout moment.

Les deux grandes situations à risques sont bien connues : les transhumances et les achats. Beaucoup de troupeaux reçoivent une injection à la montée en estive, histoire de couvrir la durée du voyage : camion, parc de déchargement, accès aux sites d’estive. Au passage, les strongles et œstres récoltés au printemps sont également remis à zéro. Il reste le risque en montagne (partenaires contaminés, mélanges imprévus en crête) et la redescente. Là où la partie pédestre est importante – Var, Alpes-Maritimes – une politique autoritaire se justifierait. Dans la pratique, entre la variété des provenances, le caractère frontalier, et le climat d’exaspération dû aux loups, la sérénité du consensus n’est pas acquise au départ…

Double injection après l’achat et une vraie quarantaine

Les achats sont l’autre situation à risque. Cela concerne surtout les béliers qui viennent parfois de loin et sont souvent passés par des intermédiaires, plus ou moins sérieux… Depuis quelques années, les OS et OP pratiquent en général la double injection à l’entrée en station ou centre d’allotement ; voire la formule LA appliquée correctement. Dans les foires et autres circuits libres, c’est la loterie et le risque est très présent. Même si la toison est impeccable au jour donné. Même risque lors d’importations d’agneaux à « finir », à l’occasion des fêtes notamment.

Beaucoup de négociants ne jurent que par un « bon IvomecTM » (une fois !) et n’en démordront jamais. Le bélier se grattera mais suffisamment tard pour que « tu vois, il l’a chopé chez toi, ça devait être latent ! Ou tous ces chevreuils, ces renards… » Le minimum serait de disposer d’un petit flacon d’injectable et de respecter une dizaine de jours de « vraie » quarantaine. Une phrase de consolation pour terminer ? « La gale, c’est emmerdant et ça coûte cher, mais on y arrive. Tandis que le piétin… »

Ça vous gratouille ou ça vous chatouille ?

La région Paca prend la gale au sérieux

Au comptoir sisteronnais des peaux, société qui trie et conditionne 80 % des peaux de l’abattoir de Sisteron, la recrudescence des affections de la peau des ovins est sensible. Il y a 20 ans, 1 % des peaux étaient déclassées. Aujourd’hui ce sont environ 15 % des peaux qui sont concernées. Même si la gale n’est pas la seule cause de déclassement, ses lésions caractéristiques, avec des épaississements du cuir, sont souvent rencontrées.

En région Provence-Alpes-Côtes-d’Azur, les raisons de la recrudescence de la gale psoroptique peuvent être à chercher dans des directions diverses. D’abord, la balnéation tend à être abandonnée. Au profit des douches moins efficaces (zones inaccessibles lors de l’aspersion, débit, temps de passage plus court,…) et moins maîtrisables (récupération de la solution médicamenteuse, variabilité plus grande des modes d’aspersion,…). Depuis les années quatre-vingt, ces balnéations ont le plus souvent été remplacées par l’utilisation des endectocides dont les qualités et les limites n’ont peut-être pas toujours été bien exposées. La précision et la durée de la rémanence dépend ainsi, entre autres, de l’état d’engraissement des animaux traités.

Les grands troupeaux plus difficiles à traiter intégralement

Autre raison de la recrudescence de la gale, le délai entre l’injection et la mort des acariens : les avermectines tuent plus lentement les acariens que les antiparasitaires externes. L’augmentation de la taille des troupeaux, la délégation de certaines tâches et l’évolution des conduites d’élevage ont pu aussi favoriser la recrudescence de la gale. La conduite d’un grand troupeau est parfois plus compliquée avec des lots plus nombreux, y compris en transhumance. Il est plus probable de manquer l’administration de l’antiparasitaire à un animal sur 1 000 plutôt qu’à un sur 200. Enfin, le fait de devoir rassembler en estive les animaux pour la nuit notamment, du fait de la présence des loups, est un facteur favorisant différentes pathologies contagieuses dont la gale.

Heureusement, une prise de conscience par les éleveurs, les OP, les vétérinaires et les laboratoires a permis de rappeler les préconisations en matière de lutte contre la gale. Des actions de sensibilisation auprès des éleveurs ont été mises en place et la gale semble moins présente cette année.

Que faire en cas d’échec de traitements ?

En cas d’échec de traitement, la question du diagnostic doit se poser car l’investissement en temps et en finances mérite de confirmer ce diagnostic. L’idéal est de trouver à la loupe binoculaire les acariens qui seront ensuite identifiés sous le microscope. Une taille moyenne de 650 microns, un rostre pointu, des pattes dépassant le rostre en avant ainsi que des ventouses situées au sommet de pédicules tri-articulés sont les critères de diagnose de Psoroptes ovis.

L’avantage de cet examen c’est qu’il oblige le vétérinaire à mettre le nez dans la toison où d’autres responsables de dermatoses prurigineuses (qui grattent) peuvent être rencontrés : des poux broyeurs, des mélophages, des tiques, des fragments de végétaux un peu agressifs… Cependant, cet examen spécifique n’est pas très sensible : on peut passer à côté des acariens sans les voir. Les professionnels regrettent aussi l’arrêt de commercialisation du test de dépistage sérologique de la gale à Psoroptes ovis qui permettait une meilleure connaissance du statut des troupeaux vis-à-vis de cette parasitose.

S’assurer de la bonne administration des médicaments

Une fois le diagnostic confirmé, le traitement de la gale peut être contrarié à divers niveaux. Le premier biais peut venir de la technique d’administration des médicaments. Par exemple, la balnéation et la pulvérisation reposent sur la mise en contact du parasite avec la solution antiparasitaire. L’éleveur doit alors se poser la question du volume de la baignoire, de la concentration initiale en principe actif, de la concentration plus importante de la recharge, du temps de contact de chaque animal avec la solution… De même, les injections imposent une estimation du poids des animaux et tous les animaux doivent être traités simultanément.

Si les grattages persistent, le vétérinaire peut s’interroger s’il ne s’agit pas d’une hypersensibilité cutanée, ce n’est alors plus le parasite qui démange l’animal mais les inflammations de la peau ou les surinfections causées par les anciens grattages.

En cas d’échec de traitement malgré le respect de la posologie et du mode d’administration, le vétérinaire établira si besoin un rapport de pharmacovigilance. L’inefficacité des médicaments anti-gale n’a pas été prouvée à ce jour mais une résistance des Psoroptes aux molécules n’est pas à exclure.

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