Maîtres et chiens sur les bancs de l’école
La formation au travail avec un chien est indispensable pour que le compagnon à quatre pattes donne le meilleur de lui-même. Et pour que l’éleveur travaille en sécurité et en confort.
Le réseau « chien de troupeau » compte en France quinze formateurs agréés par l’Institut de l’Élevage en métropole et à La Réunion. Eux-mêmes éleveurs, ils forment environ 1 500 personnes par an à travers 400 jours de formation. « L’Institut de l’Élevage travaille sur la question du chien de conduite depuis 1983, date de création du réseau. Les formations sont organisées par les structures locales telles que les chambres d’agriculture et les associations d’utilisateurs de chiens de troupeau », explique Barbara Ducreux, animatrice du réseau « chien de troupeau » au sein de l’Institut de l’Élevage. « Depuis quelques années, on voit une évolution dans les profils des stagiaires. Les éleveurs d’ovins sont toujours bien présents mais il y a aussi de plus en plus d’éleveurs bovins », continue-t-elle en rappelant que le chien de troupeau s’utilise aussi en aviculture, en porcins et en caprins.
Développer l’outil de travail qu’est le chien
Même si un chien de troupeau travaille par instinct, il est indispensable de l’éduquer et de le dresser pour mettre ses aptitudes naturelles au service des éleveurs et le rendre opérationnel sur l’exploitation. Deux niveaux de formation existent. La première est l’initiation au travail avec un chien, qui s’adresse aux propriétaires d’un chiot de six mois minimum. Le but est de transmettre aux éleveurs une méthode validée et reconnue d’éducation et de dressage, qu’ils vont pouvoir mettre en application chez eux avec leur chien. « Les personnes qui viennent à ce type de formation cherchent en premier lieu à développer l’outil de travail qu’est le chien », remarque Marc Dudrut, conseiller en contention, comportement animal et chien de troupeau à la chambre d’agriculture de la Creuse. Cette initiation se déroule sur quatre jours. Le dressage d’un chien de troupeau requiert du temps et son apprentissage va se faire progressivement, ce qui explique que de quatre à six semaines sont laissées entre chaque journée de formation. La première journée comporte une partie théorique qui permet aux éleveurs de comprendre le comportement du chien, le fonctionnement du chien de troupeau, savoir comment choisir la bonne race, etc. puis s’ensuit un atelier pratique d’éducation hors troupeau : l’éleveur doit être capable par exemple de faire marcher son chien en laisse, de le rappeler ou de lui demander de s’arrêter à tout moment.
Un filet autour du troupeau pour le premier contact
Le formateur se fait alors rapidement une idée sur la relation qui s’est tissée entre le maître et son chien, relation qui joue un rôle prépondérant dans la réussite du dressage, et plus globalement sur le caractère de l’animal. « Dès l’initiation, on peut tester le comportement du chien dans diverses situations. Par exemple, si on avance brusquement vers lui, comment va-t-il réagir ?, détaille Marc Dudrut. S’il montre de la peur plus que de la surprise voire s’il fait preuve d’agressivité, on mettra en garde le propriétaire et on lui donnera des conseils pour améliorer la situation ».
La suite de la formation est exclusivement pratique et organisée autour de mises en situation, sur un lot d’animaux pédagogiques. Le formateur va proposer des exercices, adaptés à chaque maître accompagné de son chien. Ils vont permettre dans un premier temps de travailler la motivation du chien au troupeau, l’objectif étant de développer l’intérêt qu’il porte aux animaux. Pour que chaque protagoniste évolue en toute sécurité, les animaux (ovins, bovins ou caprins) sont dans un premier temps contenus dans un filet, disposé en cercle, pour que le maître puisse en toute quiétude laisser le naturel de son chien s’exprimer, en restant à l’extérieur.
La place du chien est à "midi"
L’instinct du chien va le faire réagir à chaque mouvement du troupeau, et il va naturellement se positionner et se stabiliser à midi, à l’opposé du maître : il a un rôle de rabatteur. À titre d’exemple, dans une conduite classique, par exemple un déplacement sur un chemin, l’éleveur sera toujours positionné devant le troupeau, en référent, et le chien restera à l’arrière et s’assurera que tous les animaux suivent l’éleveur. Ces mises en situation lors de la formation doivent permettre aussi de travailler les ordres de base (rappel, pas bouger, stop…) au troupeau ; l’éleveur doit être capable de maîtriser son chien à tout moment, même en présence d’animaux. Le cercle est aussi l’outil idéal pour apprendre au chien les directions. Pour cela, l’éleveur travaillera d’abord avec un bâton, qui va être l’extension de son bras. Ensuite il utilisera le bâton et la voix et enfin seulement la voix. Pour susciter chez le chien l’envie de travailler et s’assurer qu’il est prêt pour cette deuxième journée, le formateur suggère de le faire approcher d’un lot d’agnelles, contenues dans un cercle en filet qui fait toujours office de séparateur. L’éleveur fait bouger les brebis et cela doit éveiller l’aptitude du chien à bloquer leur fuite.
Crier ne fera que stresser l’animal
La troisième journée vise la bonne réactivité du chien aux ordres de direction lorsque le troupeau est toujours contenu. Cet apprentissage des directions peut être long selon le chien, mais il est essentiel qu’il soit bien assimilé pour la suite. L’éleveur a pour consigne de garder son sang-froid et d’utiliser toujours le même ton. Crier stressera le chien et le résultat n’en sera que plus mauvais. Ensuite, dès que le maître et son compagnon sont prêts, les mêmes exercices sont réalisés, avec cette fois les animaux en liberté, hors du filet. Pour que la formation soit vraiment bénéfique et que des progrès soient constatés, l’éleveur doit mettre en pratique chez lui ce qu’il a appris (cf. encadré « Entraînement intensif à la ferme »). « C’est toujours plus compliqué lors de l’arrivée du premier chien. Celui-ci est jeune, le troupeau n’est pas habitué à sa présence, il faut donc y aller très progressivement. Mais globalement, si le chien est motivé et que les conseils en formation sont bien suivis, il n’y a pas de raison pour que ça ne marche pas ! », rassure Sébastien de Montmollin, formateur agréé.
Deux ans pour devenir parfaitement opérationnels
Quelques mois après le premier niveau de formation, l’éleveur peut passer à la formation de perfectionnement. Étalée sur trois à quatre jours, celle-ci a pour objectif de confirmer le travail en liberté, avec des distances toujours plus importantes. Le chien bien expérimenté pourra être formé à la poussée, c’est-à-dire qu’il se positionnera du côté du troupeau où se trouve le maître. Au quotidien, cela peut servir lors d’un chargement en bétaillère par exemple. Cette étape doit être abordée seulement lorsque le chien maîtrise parfaitement son rôle de rabatteur ainsi que les directions et les ordres du maître. Au final, pour avoir un chien tout à fait opérationnel, il faut compter environ deux ans. Une fois le dressage achevé, n’importe qui, du moment que le vocabulaire utilisé est connu, peut travailler avec le chien.
La MSA propose également une formation troisième niveau, intitulé « Comprendre son troupeau pour travailler en sécurité avec son chien ». Dans un élevage, le chien de troupeau peut apporter du confort et faciliter le travail de l’éleveur en réduisant la pénibilité et les risques d’accidents. Mais, pour cela, il faut veiller à respecter les consignes de sécurité qui reposent sur la connaissance du comportement des animaux. En effet, une mauvaise utilisation des aptitudes naturelles du chien associée à un comportement mal maîtrisé du troupeau crée des difficultés lors des manipulations et expose les éleveurs à d’éventuels accidents. Cette dernière formation enseigne aux éleveurs des pratiques qui leur permettent d’avoir un troupeau docile et leur donne des conseils pour organiser leurs chantiers de travail de manière à assurer la sécurité des hommes et des animaux et de garantir la réussite des manipulations.
L’éleveur apprend à mieux connaître son troupeau
« C’est vrai que travailler avec un chien force l’éleveur à plus regarder son troupeau et à le connaître. Le chien fait ressortir le comportement global du lot manipulé mais aussi les caractères individuels de chaque animal », détaille Marc Dudrut. Les formations du réseau « chien de troupeau » sont reconnues par Vivea et les frais de participation sont pour tout ou partie pris en charge. « Ce réseau est important, car les formateurs sont eux-mêmes éleveurs et utilisateurs de chiens. Ils n’ont pas d’intérêts commerciaux et parlent donc toujours avec objectivité », apprécie le conseiller creusois, à l’occasion d’une journée sur la ferme du lycée agricole d’Ahun, qui accueille toutes les formations « chien de troupeau » du département.
L’éleveur peut également acheter un chien déjà dressé mais il faut alors compter autour de 2 000 euros à l’achat contre 500 à 600 euros pour un chiot de deux mois inscrit au LOF. Cette pratique peut être intéressante pour un éleveur qui a un besoin urgent de chien, mais le duo ne fonctionnera que si l’éleveur connaît le fonctionnement du chien de conduite en général et le « mode d’emploi » du chien qu’il vient d’acquérir. La formation est donc toujours vivement conseillée.
" C’est toujours plus compliqué avec le premier chien "
Quelques exercices avant la formation
Au cours d’une balade sur un chemin où il n’y a pas de distractions possibles (autres humains, animaux), le maître libère le chiot et fait demi-tour chaque fois qu’il le dépasse pour forcer celui-ci à suivre. De même, le maître peut se cacher dans la végétation pour que le chiot le cherche.
Entraînement intensif à la ferme
Choisir des brebis dociles qui bougent bien, par exemple des agnelles en post-sevrage qui sont en apprentissage des clôtures électriques.
Sélectionner un lot de dix à quinze brebis qui forment un groupe homogène. Le nombre et l’âge augmentera au fur et à mesure de l’apprentissage du chien.
Toujours travailler avec le filet en cercle d’environ 50 mètres de périmètre, pour garantir la sécurité du chien contre une brebis récalcitrante et celle des brebis contre un chien trop entreprenant qui pourrait mordre.