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Océanie
La Nouvelle-Zélande se lance dans le lait de brebis

Pour alimenter les marchés asiatiques, la Nouvelle-Zélande développe sa filière de lait de brebis. La génétique et le savoir-faire français intéressent la ferme Waikino Station.

Mondialement connue pour son cheptel ovin viande de près de 30 millions de têtes, la Nouvelle-Zélande voit depuis peu son cheptel ovin lait s’accroître à grande vitesse afin de faire face à la demande asiatique. En effet, les laiteries néo-zélandaises visent surtout les marchés asiatiques (Chine, Philippine, Taïwan, Japon, Corée du Sud, Malaisie…) ainsi que les USA. Elles misent principalement sur l’aspect santé du lait de brebis (digestibilité, richesse en calcium, alternative au lait de vache) pour vendre des produits plutôt hauts de gamme tels que poudres de lait, poudres de lait infantiles, yaourts, ou compléments alimentaires. Ces marchés devraient à terme offrir une valorisation intéressante puisque la poudre de lait entier est vendue aux alentours de 55 dollars néo-zélandais (environ 35 euros) pour une boîte de 700 grammes et les comprimés de compléments alimentaires riches en calcium affichent quant à eux un tarif de 45 dollars (30 euros) pour 200 grammes.

L’élevage ovin laitier représente aussi une alternative à l’élevage bovin laitier qui, outre l’insécurité liée à la fluctuation du prix du lait et l’augmentation du prix des terres en Nouvelle-Zélande, est de plus en plus décrié quant à son impact environnemental.

Trois grandes entreprises qui visent l’export

De fait, le troupeau ovin laitier néo-zélandais ne cesse de croître. Il atteignait 19 000 têtes en 2016 mais le cheptel national est en augmentation ainsi que le nombre d’entreprises passé de quatre en 2013 à 12 en 2016. Le cheptel se répartit, d’une part, dans de petites entreprises produisant une variété de produits tels que du fromage, des yaourts, de la crème glacée et du lait frais pour le marché domestique et, d’autre part, dans trois grandes entreprises visant à développer l’exportation à l’international et notamment vers l’Asie.

Blue River Dairy, l’une des sociétés pionnières du lait de brebis de Nouvelle-Zélande, a vendu son usine de transformation et sa marque à une entreprise chinoise en 2015. L’entreprise trait aujourd’hui environ 12 000 brebis, dans deux fermes situées dans le Sud de l’Île-du-Sud, et équipées de salles de traite avec « rapid-exit - herringbone » dont l’une comporte 120 postes. Blue River transforme son lait en poudre de lait, lait infantile, lait frais et une gamme de fromages (pecorino, feta, halloumi, cheddar…).

Spring Sheep, qui appartient pour moitié à l’État néo-zélandais via son fonds d’investissement Landcorp, est un autre acteur majeur du lait de brebis néo-zélandais. Créé en 2014, le gouvernement prévoit d’y investir encore 19 millions de dollars NZ, soit 12 millions d’euros, pour développer l’activité et augmenter le troupeau de 4 000 brebis actuellement.

Enfin, Maui Milk, une joint-venture associant Maoris et Chinois, a été créée en 2015 dans le but d’accéder au marché protégé qu’est la Chine. Située sur l’Île-du-Nord, Maui Milk disposait initialement d’une ferme de 3 000 brebis élevées en plein air intégral et traites depuis une dizaine d’années. En 2016, dans la même région, la partie chinoise de l’entreprise acquiert une autre exploitation dans l’idée d’en faire une ferme vitrine pour la promotion de l’élevage ovin laitier en Nouvelle-Zélande.

Waikino Station, une vitrine de l’élevage ovin laitier néo-zélandais

Cette ferme, Waikino Station, se veut une ferme modèle dédiée à l’amélioration génétique et l’optimisation des techniques d’élevages. Maui Milk, qui cherche à multiplier le nombre de ses fournisseurs de lait de brebis, s’appuie sur Waikino Station pour promouvoir l’élevage ovin laitier en Nouvelle-Zélande. Pour cela, l’entreprise met à disposition de tout éleveur souhaitant potentiellement convertir son activité pour produire du lait de brebis une génétique laitière et une expertise technique reposant à la fois sur l’expérience de conversion de Waikino Station et la collaboration de l’entreprise avec les experts et éleveurs d’autres pays, notamment français.

La Nouvelle-Zélande ne disposait d’aucune race laitière locale. Les seules brebis laitières présentes dans le pays sont soit des Awassi majoritairement importées pour le commerce de viande et non disponibles pour un programme laitier, soit des animaux issus d’une petite importation de Frisonnes réalisée en 1992. Cependant, cette race s’avère mal adaptée aux conditions d’élevage néo-zélandaises (problèmes respiratoires, coups de soleil, race non sélectionnée pour être menée en grand troupeau). Maui Milk veut donc, à partir de brebis néo-zélandaises et par l’utilisation du croisement, créer une brebis laitière spécifiquement adaptée aux conditions du pays. L’importation de nouveau matériel génétique ovin laitier est alors nécessaire et l’entreprise se tourne vers la race Lacaune au schéma de sélection organisé.

Des brebis nourries avant tout par le pâturage

Les trois entreprises à vocation d’exportation de lait de brebis en Nouvelle-Zélande (Blue River, Spring Sheep et Maui Milk) utilisent actuellement toutes les trois des systèmes de production extensifs où les animaux restent peu en bergerie. Blue River Dairy et la première ferme de Maui Milk ont adopté une conduite entièrement extensive. Spring Sheep s’oriente vers un système mixte où les animaux resteraient à l’intérieur environ la moitié du temps. À Waikino Station, on estime que l’idéal se trouve certainement autour d’un quart du temps en bergerie. Leur moyenne de production se situe entre 120 et 160 kg de lait par brebis et par an.

À Waikino Station, l’alimentation des brebis repose fortement sur le pâturage, notamment de luzerne, avec une complémentation en céréales en salle de traite selon leurs besoins. L’usage judicieux des bergeries permet d’héberger les brebis pour l’agnelage et de les protéger des conditions climatiques les plus rudes ou lors du pic d’eczéma facial. En effet, l’eczéma facial est une maladie très présente en Nouvelle-Zélande et liée au sol et au climat. Elle est causée par un champignon (Pithomyces chartarum) qui se développe dans les pâtures lorsque le temps est chaud et humide. Son impact dépend de l’importance du pâturage dans la ration alimentaire des animaux. Visuellement, l’eczéma facial se caractérise par l’altération de la peau suite aux irritations provoquées par la photosensibilité résultant de l’accumulation de déchets résiduels dans le sang. Cette maladie affaiblie fortement les animaux qui peuvent cesser de s’alimenter et lentement perdre de l’état.

Quelques heures après leur naissance, les agneaux sont séparés de leur mère et du colostrum (trait ou récolté dans des fermes bovines) leur est distribué en nurserie. Une fois habitués à l’allaitement artificiel, les mâles qui ne seront pas conservés sont envoyés chez d’autres éleveurs qui les élèveront pendant que Waikino Station se concentre sur les animaux qui feront son renouvellement. Allaités dans un bâtiment dédié, ils reçoivent trois tétées par jour pendant trois semaines au moins et sont complémentés avec un aliment pour agneau et du foin. Les agneaux élevés à Waikino Station sont ensuite mis à l’herbe, puis sur de la luzerne et leur alimentation lactée est progressivement diminuée.

Demain, une race ovine laitière Made in New Zealand

Sur le modèle de la « Kiwi cross », cette vache croisée Jersiaise et Holstein aujourd’hui dominante dans le troupeau néo-zélandais, le pays disposera peut-être dans quelques années de sa propre race ovine laitière. En effet, même si l’objectif premier de Waikino Station reste de produire du lait pour Maui Milk, l’idée de développer une activité à la fois lucrative et durable pour la Nouvelle-Zélande est prépondérante. Celle-ci est notamment entretenue par deux experts de la génétique animale qui ont souhaité s’associer au projet de Waikino Station et de Maui Milk. Avec la partie chinoise de Maui Milk, ils ont créé Southern Cross Dairy Sheep Technology, c’est-à-dire la partie génétique et expertise du projet siégeant sur l’exploitation. Outre le développement, l’expérimentation et la promotion de nouvelles techniques d’élevage, l’une de leurs motivations principales est de créer la brebis « Southern Cross », dont les caractéristiques idéales seraient qu’elle soit laitière, rustique, adaptée au pâturage maximal, à la conduite en grand troupeau et à la monotraite. Cette race composite, et peut-être relativement non fixée, contiendra dans une proportion indéterminée les races Lacaune, Frisonne, Awassi, Coopworth et potentiellement autres races locales. Cette brebis « Southern Cross » pourra être croisée avec les brebis autres races locales des éleveurs qui voudront convertir leur activité et apporter du caractère laitier à leur troupeau. Son nom fait appel à la croix du sud qui, en plus de figurer sur le drapeau néo-zélandais, correspond à l’étoile polaire de l’hémisphère nord.

Une filière laitière développée pour l’export

Le saviez-vous ?

Le potentiel laitier de la race Awassi

Originaire du Moyen-Orient et adaptée au climat aride, la race Awassi a une queue grasse et souvent les membres et/ou la tête colorée de marron, les oreilles pendantes et beaucoup de laine. Elle peut être élevée pour sa laine, sa viande ou son lait. En Nouvelle-Zélande, cette race introduite en 1991 via une importation d’embryons d’Israël n’a pas été sélectionnée pour ses qualités laitières. Son potentiel laitier intéresse cependant de plus en plus puisque certains la considèrent comme étant la seconde race productrice de lait. Elle a notamment été utilisée dans la composition de la race Assaf qui est beaucoup utilisée dans les élevages laitiers espagnols par exemple. L’accès à la génétique Awassi reste très contrôlé et coûteux.

Un savoir-faire français qui intéresse

Waikino Station compte 770 ha, dont 135 de luzerne en 2017. Presque 3 000 brebis croisées Frisonne et Coopworth (race allaitante locale) y sont nées et y ont été inséminées en avril 2017 avec de la semence Lacaune importée, via l’Upra Lacaune, des deux entreprises de sélection françaises. Les retours ont été réalisés avec des béliers croisés Frisonne et Awassi.

Début septembre 2017, Waikino Station a débuté sa toute première campagne laitière avec une salle de traite rotative de 64 postes achetée chez l’entreprise française Albouy équipement et deux bergeries (2 000 places au total) avec tapis d’alimentation et cornadis du même fournisseur. Les brebis donnent naissance à des agneaux croisés Lacaune qu’elles laissent aux mains expérimentées de soigneurs au fort accent français. L’expérience ovine laitière étant quasiment inexistante en Nouvelle-Zélande, Waikino Station est en effet allé la chercher outremer et l’équipe à l’œuvre pour cette première campagne compte neuf Français sur 14.

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