Diviser les carcasses pour mieux régner sur le monde
La Nouvelle-Zélande découpe ses carcasses et envoie les morceaux les moins chers vers la Chine, les pièces plus rémunératrices vers l’Europe. Analyse des exports.
Bien que la consommation de viande ovine par habitant y soit toujours l’une des plus élevées au monde (environ 15 kg équivalent carcasse par habitant en 2016, contre 2,5 kg éc en France), le marché néo-zélandais n’absorbe que 15 % de sa propre production, en raison d'une population réduite (4,6 millions d’habitants en 2016). La production néo-zélandaise de viande ovine est ainsi orientée majoritairement vers l’export.
Alors que ces exportations comportaient encore une part importante de carcasses à la fin des années 1980 (58 % des volumes exportés en 1989), la filière a, depuis, fait le choix de privilégier les envois de découpes. Ce qui lui a permis de valoriser au mieux chaque morceau de la carcasse d’un animal, en le dirigeant vers le marché le plus rémunérateur. Cette évolution a impliqué d’importants travaux d’innovation, pour s’adapter au mieux aux différentes demandes des consommateurs internationaux. Le développement de la technologie du « chilled » notamment a ouvert de nouvelles opportunités sur le marché mondial. Le « chilled » est un conditionnement de la viande dans un emballage plastique étanche, sous vide ou atmosphère contrôlée (oxygène remplacé par du dioxyde de carbone), et maintenu à une température entre -1 °C et 0 °C. Cette technique permet d’augmenter la durée de stockage de la viande d’agneau, sans la congeler, jusqu’à 12-16 semaines.
Fondues chinoises aux poitrines de... Nouvelle-Zélande
Ainsi, en 2016, les envois néo-zélandais de viande ovine étaient ainsi constitués à 95 % par des découpes et 19 % des volumes étaient expédiés sous forme « chilled » (contre seulement 2 % en 1989). Cette stratégie a permis une forte progression de la valeur unitaire des envois (×3,3 depuis 1988, à environ 4,3 €/kg éc en 2016), et donc la hausse de la valeur totale exportée. La Nouvelle-Zélande est ainsi désormais en valeur le premier exportateur mondial de viande ovine.
Bien que l’Union européenne reste son premier marché à l’export (37 % des volumes et 47 % de la valeur en 2016), la diversification des débouchés est l’un des objectifs majeurs des Néo-zélandais. L’ouverture récente du marché chinois a ainsi été une formidable opportunité. Le pays exporte également des volumes conséquents vers les États-Unis et le Moyen-Orient.
Les produits exportés varient beaucoup d’un marché à l’autre. Ainsi les poitrines partent plutôt vers la Chine où elles sont très bien valorisées, alors que les gigots et les carrés sont orientés essentiellement vers les marchés à plus haute valeur (UE, USA, Japon, etc.). En Chine, la viande ovine est en effet traditionnellement consommée dans des « hot pots » (fondues chinoises) ou en brochettes épicées. Des types de plats qui s’accommodent très bien de morceaux relativement gras et pour lesquels la viande d’ovin adulte, plus forte en goût, est très appréciée.
Un flux vers la Chine qui devrait rester conséquent
Bien que relativement réduite (environ 1,8 kg équivalent carcasse en 2016), la consommation chinoise de viande ovine par habitant est en progression régulière depuis plusieurs années, boostée par l’augmentation des revenus des ménages et l’occidentalisation des modes de consommation dans le pays. Étant donné la démographie chinoise, ces légères hausses individuelles ont suffi à provoquer un bond du volume total de viande ovine consommé en Chine (environ +50 % entre 2000 et 2016).
Même si la Chine est le plus gros producteur mondial de viande ovine, la hausse de la consommation a été telle, ces dernières années, que les abattages chinois n’ont pas été en mesure de fournir l’intégralité des volumes supplémentaires. La Chine a donc eu recours à des importations massives sur le marché mondial à partir de 2013, principalement en provenance de Nouvelle-Zélande et d’Australie. À l’avenir, la Chine devrait rester un débouché important pour les Néo-zélandais, avec une place croissante pour des morceaux plus qualitatifs.
L’incertitude du contingent dans le Brexit
Malgré la montée en puissance du débouché asiatique, l’Union européenne demeure un marché plus sûr et plus valorisant. La Nouvelle-Zélande bénéficie d’ailleurs de conditions d’accès hyper privilégiées au marché européen : sur les 286 600 téc (tonnes équivalent carcasse) du contingent total d’importations de viande ovine en UE, elle dispose du quota le plus important (228 254 téc, soit environ 80 % du total). Si ce contingent était systématiquement saturé jusqu’en 2009, ce n’est toutefois plus le cas depuis 2010 avec la réorientation d’une partie des envois néo-zélandais vers l’Asie (en 2016, son taux de remplissage était de 76 %). L’ouverture prochaine de négociations en vue d’un accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne devrait pérenniser cet accès déjà extrêmement favorable au marché européen.
Historiquement, le marché britannique est la destination principale des envois néo-zélandais vers l’Europe. En 2016, il pesait pour 48 % des volumes, suivi par l’Allemagne (15 %), les Pays-Bas (13 %) et la France (9 %). Les décisions prises dans le cadre du Brexit, et notamment le découpage ou non du contingent néo-zélandais entre l’Union à 27 et le Royaume-Uni (sur une base historique), pourraient donc avoir des incidences majeures sur le marché européen de la viande ovine.
"Halal" ? Souvent et depuis longtemps
Outre la diversification des types de morceaux exportés, la Nouvelle-Zélande s’est positionnée depuis longtemps sur le segment « halal », toujours afin d’accéder à de nouveaux marchés. Aujourd’hui, la majorité des ovins néo-zélandais sont abattus selon ce rituel (avec étourdissement électrique réversible systématique). Toute la viande produite n’est cependant pas certifiée et étiquetée « halal », les opérateurs et les détaillants s’adaptant aux marchés visés.
Cinq semaines de bateau pour l'Europe
La France est la quatrième destination des exportations néo-zélandaises de viande ovine (12 000 téc en 2016 pour environ 72 millions d’euros). En 2016, ces envois étaient entièrement constitués de découpes, pour moitié conservées en « chilled ». Près de 40 % des envois ont lieu au premier trimestre, pour approvisionner le marché français, notamment en gigots, pour les fêtes de Pâques, car il faut environ cinq semaines de voyage entre la Nouvelle-Zélande et les ports européens.