« Nous passons par une entreprise de travaux viticoles pour la pose du Fortisève contre l’esca », témoigne Pierre Philibert au domaine Terres Destel
Dans le Var, le domaine Terres Destel fait appel à une entreprise de travaux viticoles pour poser les poches Fortisève. Reportage.
Dans le Var, le domaine Terres Destel fait appel à une entreprise de travaux viticoles pour poser les poches Fortisève. Reportage.
Bien qu’il soit commercialisé depuis plusieurs années, le produit de lutte contre l’esca Fortisève est très peu répandu dans le vignoble français. Il faut dire que cette solution, qui agit par perfusion, n’est pas des plus instinctive à poser (voir encadré). « Régulièrement les viticulteurs m’indiquent qu’ils ne peuvent pas installer les poches, parce qu’ils n’ont simplement pas le temps ou les moyens en interne », rapporte François Mavré, technico-commercial chez Sofrapar. D’où l’idée de travailler avec une entreprise de travaux viticoles (ETV). Dans le Var, la firme s’est rapprochée de Vignes du Sud, par l’intermédiaire d’un client. Le domaine Terres Destel, niché à l’entrée du massif de l’Esterel sur la commune de Saint-Raphaël, a été en 2022 l’un des premiers à faire appel à ce nouveau service.
« Nous avons une forte problématique d’esca, notamment sur cinsault et tibouren », relate Pierre Philibert, en charge du vignoble. Cette exploitation de 12 hectares est engagée depuis des années dans la lutte contre cette maladie. Tous les ans, les équipes comptent les pieds atteints et les marquent. Puis la taille est effectuée en deux temps : les ceps malades sont taillés au moment du débourrement avec du matériel régulièrement désinfecté, pour limiter le risque de propagation, et leurs bois brûlés. « Malgré cela nous observons de forts taux de maladie, regrette le responsable. Peut-être que le terroir n’arrange pas les choses. »
Une centaine de poches posées sur cinsault et tibouren
C’est Christophe Corvaisier, gérant de l’entreprise de travaux viticoles Vignes du Sud, œuvrant au domaine, qui lui a proposé de tester l’installation de la solution Fortisève. « Nous sommes une petite entreprise. Suggérer ce genre de prestation nous permet de nous démarquer, explique-t-il. Notre valeur ajoutée n’est pas seulement de faire les travaux courants, mais aussi de faire connaître de nouvelles méthodes ou produits que l’on découvre chez nos différents clients. » Une chose qui plaît particulièrement à Pierre Philibert, qui est lui aussi dans la recherche d’amélioration continue et de qualité. « Au-delà de la simple tache et de la facturation, c’est de l’échange, voire de l’entraide dans une filière qui fait face à de nombreuses problématiques », ajoute-t-il. Ainsi l’ETV est venue poser les poches la première semaine de mai au domaine Terres Destel. Pour ce premier essai, il était convenu d’en installer une centaine, répartie entre cinsault et tibouren, sur des pieds ayant exprimé des symptômes l’an dernier et ayant été marqués.
« Il existe deux manières d’appliquer le produit, précise François Mavré. Soit en préventif, avant l’apparition des symptômes, sur des ceps identifiés comme malades. Soit en curatif, généralement en juillet/août, au moment où la vigne exprime la maladie. Ici les pieds sont déjà marqués, donc autant le faire le plus tôt possible, au stade 8 à 10 feuilles étalées. » L’opération est assez rapide. Il s’agit de réaliser un petit trou sur le tronc à l’aide d’une perceuse sans fil et d’une mèche de 2,2 mm, dans du bois vivant. Puis de disposer la pipette dans ce trou et d’attacher la poche tête en bas à l’aide d’un lien, ou mieux, d’un collier de serrage. Procéder par perçage, plutôt que percer avec une aiguille par exemple, écarte le risque de compacter le bois et de boucher la pipette lors de l’enfoncement. L’opération, lorsque le coup de main est pris, prend moins d’une minute par cep. « Ce qui est bien plus rapide que le curetage », avance François Mavré. Les poches ont été retirées une quinzaine de jours plus tard, une fois le produit écoulé dans la sève.
Des ceps qui n’expriment plus aucun symptôme d’esca
À l’heure du premier bilan, courant juillet, Pierre Philibert est positif. « Les résultats sont loin d’être mauvais », assure-t-il. Sur la parcelle de cinsault, le taux d’efficacité atteint 80 %. Sur celle de tibouren, il est de 71 %. « Alors que 2022 est une année avec une grosse pression d’esca. Sur les pieds de mourvèdre qui ont été marqués mais non traités c’est une véritable hécatombe, il y a de nombreux morts », relate le responsable du vignoble. Les ceps considérés comme guéris n’expriment plus aucun symptôme de la maladie et ne montrent pas de signe de faiblesse particulier. Sofrapar assure que l’efficacité est pérenne : a minima cinq ans, d’après le recul existant.
« Je pense que l’on va poursuivre les tests sur plusieurs années, mais ça pourrait être une bonne alternative », estime Pierre Philibert. Pour lui, les huit euros par cep que représente la solution Fortisève coûtent toujours moins cher que d’attendre qu’un pied meure et de réaliser une complantation. D’autant plus que le domaine Terres Destel est sur un créneau à forte valeur ajoutée, et mise sur les vieilles vignes pour assurer le très haut niveau de qualité attendu. Renouveler l’expérience lui permettrait d’affiner le positionnement de la solution et de voir si la pertinence est la même sur tous les terroirs, car il semblerait que l’aspect de l’alimentation hydrique influence la réussite.
Qu’est-ce que la solution Fortisève ?