« Nous jouons la complémentarité entre œufs et cultures bio »
Pour maximiser ses revenus, la ferme du Moulin d’Aubin dans la Drôme est passée du poulet conventionnel certifié à la poule bio en 2007, puis à la complémentarité entre œufs, farine, huile et pâtes transformées à la ferme, vendus en direct ou en circuit long.
Pour maximiser ses revenus, la ferme du Moulin d’Aubin dans la Drôme est passée du poulet conventionnel certifié à la poule bio en 2007, puis à la complémentarité entre œufs, farine, huile et pâtes transformées à la ferme, vendus en direct ou en circuit long.
Son grand-père fut arboriculteur à Portes-lès-Valence dans la Drôme ; puis son père cultivateur et éleveur de volailles de chair conventionnelles jusqu’à ce qu’Aurélie Roux, éducatrice spécialisée, vienne rejoindre son père en 2007. Pour des raisons de santé, père et fille décidèrent de convertir l’exploitation à l’agriculture biologique et d’élever des pondeuses. L’objectif était également de vendre une partie des œufs en direct pour mieux valoriser les bénéfices environnementaux du bio et développer la transformation des produits de la ferme et améliorer leur valorisation.
Aurélie Roux a progressivement testé la production de farine, puis acquis une petite presse à huile. « Les produits avaient un goût qui a séduit les clients sur le marché où je vendais les œufs », se souvient-elle. En 2018, une salariée a remplacé son père partant à la retraite et son compagnon Manuel Faure l’a rejointe pour créer son activité de transformation. Avec ce développement, le nom du Moulin d’Aubin a pris tout son sens.
Faire face aux aléas économiques et sanitaires
Aujourd’hui, le Moulin d’Aubin est une exploitation de 40 hectares de culture bio (blé tendre, blé dur, tournesol, colza, maïs, luzerne et foin) avec deux poulaillers abritant 8 000 pondeuses. Depuis dix ans, 6 000 poules sont élevées dans le cadre d’un contrat avec la Compagnie générale d’agriculture (1) qui collecte les œufs deux fois par semaine. Toutes les volailles consomment des aliments fabriqués par Cizeron bio.
S’ajoutent les activités de transformation des céréales et oléagineux. « Notre moulin à meules de pierre, acheté dans la région du Diois (2), est devenu le centre de l’exploitation. Il permet de produire au long de l’année des farines et semoules de blé et maïs goûteuses, explique Manuel Faure. Je veille aussi à la fabrication des huiles de colza et tournesol décantées, mais qui ne sont pas désodorisées. »
Enfin, Manuel Faure est fier de mentionner que les pâtes qu’il fabrique depuis près de deux ans « tiennent bien à la cuisson », ce qui est capital dans les cantines scolaires. Une production qu’il entend développer sensiblement les prochaines années.
Équilibre entre circuit court et circuit long
L’investissement dans la transformation (séchoir, moulin, presse à huile, extrudeuse à pâtes) a été de 100 000 euros.
En 2022, le produit de la vente directe a atteint 135 000 euros réalisés à la ferme et sur le marché de Valence (45 %), dans la restauration collective (25 %) via deux plateformes de distribution (Agrilocal26 et Agri Court) (3), le reste dans un magasin de producteur et de petits commerces.
Quant à la vente en circuit long, elle a représenté 130 000 euros, dont 84 000 pour les œufs vendus à la Compagnie générale d’agriculture.
En jouant simultanément sur la vente en circuits courts et longs et la variété des transformations, l’exploitation trouve plus aisément un équilibre économique et résiste mieux aux aléas récents. « Depuis 2020, nous avons dû faire face à un vide sanitaire de huit mois dans les poulaillers, dû à la détection de salmonelles, puis à la grippe aviaire qui nous ont privés de deux lots de poulettes que nous avions repérés, explique Aurélie Roux. Par ailleurs, après la Covid-19 plusieurs épiceries locales ont fermé et nous avons perdu 50 % de notre chiffre d’affaires sur la gamme. Depuis novembre 2022, nous sommes revenus à un niveau moyen parce que l’attrait pour le local reste fort chez les consommateurs, au-delà du label bio. »
En savoir plus
L’œuf plus rémunérateur en direct
Vente directe : 80 000 € avec 2 000 poules
Contrat avec CGDA : 84 000 € avec 6 000 poules
Lauréate des talents au salon Tech & Bio
Le salon international Tech & Bio met en avant l’innovation, la technicité et la performance de l’agriculture bio, il se tient tous les deux ans à Bourg-lès-Valence dans la Drôme depuis 2007.
L’événement est centré sur le transfert de techniques, de pratiques et de savoir-faire entre agricultures bio et conventionnelle. Il est devenu une marque portée par le réseau national des chambres d’agriculture.
Les 20 et 21 septembre derniers, près de 20 000 visiteurs sont venus à la rencontre de 375 exposants et de 300 intervenants de 20 pays. Pour cette édition, 12 exploitations dans l’Hexagone – dont le Moulin d’Aubin – ont été désignées lauréates des talents Tech & Bio, sélectionnées par les chambres d’agriculture. Les diagnostics des fermes sont réalisés par des groupes d’étudiants d’établissements agricoles.
Des fientes valorisées pour des pâtes
Sur le modèle de l’économie circulaire, productions animales végétales sont interdépendantes au Moulin d’Aubin.
Le Moulin d’Aubin composte les fientes de ses 8 000 pondeuses bio durant six mois pour amender les cultures de blé dur. En effet, la conduite de la fertilisation azotée est primordiale pour obtenir une bonne teneur en protéines (proche des 14 %), qui conditionne la qualité pour la fabrication de pâtes de bonne ténacité.
Ce fumier de volailles est aussi le seul apport sur les céréales de blé tendre et le colza. Cette année, Manuel Faure estime que 12,7 % de taux de protéines du blé dur est satisfaisant. Toutefois pour assurer cette qualité, la sécheresse a nécessité une irrigation par aspersion à deux reprises.
Si la qualité de la semoule de blé dur est essentielle à la fabrication des pâtes semi-complètes, elle est confortée par le bon travail du moulin et surtout la technicité de la machine à pâtes de fabrication italienne choisie par Manuel Faure. « Je veille également à sécher lentement les pâtes, tous ces éléments contribuent à leur bonne tenue à la cuisson et au réchauffage », souligne-t-il. Un critère qu’il met en avant comme argument de vente face à la concurrence d’autres pâtes fermières des environs. Il transforme actuellement 8 tonnes de blé dur en pâtes.
Aurélie Roux et Manuel Faure ont essayé d’ajouter des œufs lors de la mise au point de la fabrication des pâtes. Cela n’a pas amélioré le goût ni la tenue à la cuisson, mais renchérissait le coût de production. Ils ont abandonné cette option.