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Mycotoxines : « Nous avons perdu 4 litres de lait par vache »

Dans la Manche, Romain Boudet, installé en individuel, a vu ses résultats techniques chuter après l’ouverture du silo de maïs 2023. Les mycotoxines ont touché tout le troupeau.

Selon Cyril Bapelle, vétérinaire nutritionniste (à gauche), « il faut réfléchir la gestion des mycotoxines en particules ingérées par vache et par jour ».
Selon Cyril Bapelle, vétérinaire nutritionniste (à gauche), « il faut réfléchir la gestion des mycotoxines en particules ingérées par vache et par jour ».
© J. Pertriaux

« Quand j’ai attaqué le silo de maïs 2023, les vaches ont dégringolé en lait. J’ai pensé que c’était dû à la transition alimentaire avec du maïs que j’avais acheté pour faire le complément en attendant la récolte. Mais les problèmes se sont maintenus, voire accentués. » Romain Boudet a pris de plein fouet les conséquences d’un maïs contaminé aux mycotoxines sur son troupeau de normandes. Il est passé par toutes les étapes avant de résoudre le problème. « Cela m’a coûté 20 000 euros », lâche-t-il.

Fiche élevage

2 UMO

80 normandes

27 kg/VL en 2022 contre 23 kg/VL en hiver 2023

106 ha de SAU dont 32 ha de maïs ensilage sur lesquels il applique un désherbant, mais pas de fongicide

Blé-maïs en rotation

Pas de signe clinique caractéristique

Retour en arrière. Romain Boudet finit d’ensiler le maïs le 11 octobre 2023. Il attaque le silo dès la fin du mois. Et les problèmes arrivent en escadrille en novembre. D’abord, la production chute : « quatre litres en moins par vache. Mais les taux étaient toujours là, à 39 de TP et 46 de TB, voire meilleurs », contre « 37 et 44 d’habitude ». Romain Boudet, qui est dans une logique d’augmenter sa référence laitière sans accroître le nombre de vaches, pense d’abord que le chargement est trop élevé dans l’étable.

Puis, la reproduction, elle aussi, rencontre des difficultés. « Les vaches ne revenaient pas en chaleur. De 85 % de taux de réussite d’insémination, j’étais descendu à 50 %. » Mais surtout, il fait face à quatre avortements – dont trois rapprochés et un sur une femelle gestante de cinq ou six mois –, et à trois symptômes méningés sur une vache, une génisse et un veau. « Ça touchait toute l’étable. Les vaches étaient pourtant en état, elles ruminaient et n’avaient pas de signe clinique particulier, décrit l’éleveur. Le seul point commun, c’était la ration. »

Deux analyses, un impact fort sur la santé des vaches

Les avortements sont l’élément déclencheur : l’éleveur, sur proposition de sa coopérative d’approvisionnement, déclenche une analyse des mycotoxines du maïs. Le rapport fait état de recherche sur deux types de mycotoxines, le DON (famille des trichothécènes) et la zéaralénone. « Très rapidement, on m’a vendu un capteur, un mélange de trois argiles et de levure. Les résultats se sont un peu améliorés mais pas beaucoup. »

Romain Boudet fait part des résultats à son vétérinaire. « Je ne pouvais pas les interpréter, car il manquait des informations comme le taux de matière sèche auquel le maïs est analysé », reprend Cyril Bapelle, vétérinaire nutritionniste de l’exploitation. Il recommande une analyse complète, réalisée par la méthode référencée au laboratoire Labocéa, de Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor. L’échantillon est prélevé au silo. Trois semaines plus tard, le couperet tombe : plus de 3 900 ppb pour le DON et 975 ppb pour la zéaralénone. Soit « des seuils très élevés, engendrant un risque de fort impact sur la santé des vaches ».

+3,5 kilos de lait en une semaine

Exit le premier produit, jugé « inefficace. Les capteurs à base d’argile et de levure fixent les mycotoxines dans le rumen et les empêchent de traverser la paroi. Or, le DON se capte difficilement dans le rumen ». Le vétérinaire aiguille Romain Boudet vers un biotransformateur, qui « transforme la structure chimique des mycotoxines pour les rendre inactives ». L’éleveur l’intègre dans la ration, à raison de 100 grammes par jour. En parallèle, il diminue la part de maïs et augmente celle d’herbe à hauteur de 35 %. « Au bout d’une semaine, les vaches ont repris 3,5 kilos de lait. Nous n’avons pas eu d’autres avortements et les chaleurs se sont déclarées », apprécie l’éleveur.

Tout mis bout à bout – les pertes de reproduction, celles de production, les avortements, les pics de lactation manqués –, Romain Boudet estime avoir perdu 20 000 euros. Il inclut les coûts du second capteur, à raison de 100 g/VL/j. Pour un troupeau de 80 vaches, cela représente 9,6 sacs par mois, soit un coût de 1 200 euros par mois. « Il s’agit d’un investissement non négligeable, mais à mettre en parallèle du coût direct et indirect de la présence de mycotoxines dans la ration », relativise Cyril Bapelle. Et Romain Boudet de conclure : « L’année prochaine, je ferai une analyse de mycotoxines en laboratoire dès la récolte. Car elle ne m’a coûté que 200 euros. »

Un maïs pourtant beau

« Avant l’ensilage, j’ai fait le tour de mes parcelles. Le maïs était bien vert, retrace Romain Boudet. Et il y a eu un coup de chaud mi-septembre. J’ai voulu avancer la date d’ensilage mais ce n’était pas possible dans le planning de l’ETA. » Si l’éleveur n’a vu ni charbon ni pyrale, la plante a subi un stress thermique à cause duquel les mycotoxines se sont développées. Il récolte à 38 % MS/ha. « Plus les maïs sont récoltés secs, et plus le risque de fusariose de la tige ou de l’épi est important, avec pour conséquence un risque accru de contamination aux mycotoxines, prévient Cyril Bapelle. Il faut être d’autant plus vigilant lors de récolte à plus de 34 % MS. »

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