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Melon : quels leviers agroécologiques permettent la réduction des traitements ?

Le projet Agrecomel qui combine des leviers agroécologiques utilisables en culture de melon pour tenter réduire les indices de fréquence de traitement, enregistre des résultats encourageants mais variables lors des trois premières années d’essais. Maintenir un résultat économique satisfaisant reste un défi.

Le projet Agrécomel vise à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires en culture de melon, tout en maintenant des résultats économiques suffisants. « Sur les six sites d’expérimentation, les modalités Agrécomel ont permis de limiter les indices de fréquence de traitements (IFT) chimiques, tout en maximisant l’utilisation de produits de biocontrôle. L’objectif de réduction de 60 % des IFT chimiques est atteint dans 10 cas sur 18 », témoigne Marie Torres, du CTIFL(1). Selon les années, ces réductions varient entre 2 % et 100 %. « Un fort effet 'année' est observé et les IFT totaux les plus importants sont observés en 2021, où les conditions climatiques furent propices aux maladies fongiques », précise-t-elle.

Des variétés cumulant un ou deux gènes de résistance

Le projet Agrécomel se base avant tout sur un ensemble de leviers agroécologiques ayant prouvé un intérêt pour limiter l’application de produits phytopharmaceutiques. Le principal levier mis en œuvre sur l’ensemble des sites est la résistance variétale. Pour la culture de melon, les progrès génétiques sont notables et les producteurs bénéficient aujourd’hui d’un grand nombre de variétés présentant des gènes de résistance de types VAT (résistance intermédiaire à la colonisation par le puceron Aphis gossypii et à la transmission des virus), IR Fom 1.2 (résistance intermédiaire à la fusariose causée par Fusarium oxysporum f. sp. melonis), et/ou IR Px 3.5 (résistance intermédiaire à l’oïdium Podosphaera xanthii race 3.5).

Les variétés cumulant l’ensemble de ces gènes sont rares, mais il est souvent possible, selon la zone de production et la date de plantation, de cultiver une variété présentant au moins un ou deux de ces gènes de résistance. Par ailleurs, des moindres sensibilités aux bioagresseurs existent et ont notamment été mises en évidence dans le projet Melvarési. Ce levier permet, dans le cas où les variétés ne présentent pas de résistance, de choisir une variété tolérante.

Les lâchers d’auxiliaires et la lutte biologique par inondation

Favoriser la biodiversité fonctionnelle est le deuxième levier mobilisable pour limiter les IFT. « Cela peut se faire par l’utilisation de bandes fleuries aux abords des cultures de plein champ, l’utilisation de plantes-relais en culture de melon sous abris et en plein champ ou l’utilisation de plantes-banques », mentionne la spécialiste. Les lâchers d’auxiliaires et la lutte biologique par inondation sont une troisième possibilité.

Depuis 2019, différents auxiliaires ont été lâchés dans des essais sous abris à l’Association provençale de recherche et d'expérimentation légumière (Aprel) : Aphidius colemani, Neoseiulus californicus, et Adalia bipunctata. « Durant ces trois premières années d’essais, les pratiques ont évolué pour aboutir à une gestion suffisante des ravageurs, tout en maintenant un résultat économique intéressant », résume Marie Torres. Cette stratégie sera validée au cours des deux dernières années du projet, en 2022 et 2023. Dans le Sud-Ouest, des lâchers de trichogrammes sont régulièrement utilisés pour lutter contre les pyrales. Cette technique, éprouvée en grandes cultures, se montre également très intéressante en culture de melon. Un modèle de prévision des risques et un outil d’aide à la décision (OAD) existent aussi pour le melon.

Mais compte tenu de l’évolution du mildiou (épidémiologie, conservation, agressivité des souches), le modèle Milmel a été abandonné du fait de la faiblesse de sa fiabilité. L’OAD bactériose mis au point par le centre d'expérimentation Cefel et qui vise à prévoir les attaques en fonction des conditions climatiques, est utilisé par l’ensemble des stations qui mènent des essais en conditions de plein champ. Enfin, une technique basée sur des appâts blé-maïs installés dans les passe-pieds a été mise en place par l’Association collaborative de production d'expérimentations et de références légumières (Acpel) sur des parcelles fortement touchées par les taupins. « L’objectif est de semer, entre les planches de culture de melons, des cultures très attractives pour les taupins dans le but de les détourner de la culture de melons », explique Marie Torres. Ainsi, depuis le démarrage du projet, les dégâts de taupins n’ont pas été préjudiciables à la culture de melons.

Des efforts sur la prévision du risque

Plus classiquement, les techniques de bonnes pratiques agronomiques ont aussi été mises en œuvre : rotation des cultures, diversification des cultures, utilisation de produits de biocontrôle (principalement LBG, soufre, Beloukha, Contans, Armicarb, Amylo-X, Sluxx…), gestion du climat, mise en place d’intercultures, pilotage précis de l’irrigation et de la fertilisation. Et « des techniques plus novatrices comme les plantes sentinelles, l’augmentorium ou les coupelles contre les taupins ont été imaginées dans le projet Agrécomel. Pour celles non encore étudiées de manière factuelle, leur efficacité reste à prouver », confie la spécialiste (voir encadré). En 2022 et 2023, il est également prévu de tester et d’inclure de nouveaux leviers basés sur des techniques encore exploratoires : lâchers d’auxiliaires en plein champ, traitement par UVc pour lutter contre le mildiou, transfert forcé d’auxiliaires depuis les zones refuges jusqu’aux cultures, séchage des plants par pulvérisation à vide. Toutefois à ce jour, seul le site sous abri a pu être exempt de traitements phytosanitaires chimiques, à raison d’une utilisation massive d’auxiliaires.

Pour la fin du projet, des évolutions seront mises en œuvre pour réduire très fortement les IFT chimiques, quitte à tester les limites de cet objectif. « En effet, la prise de risque s’est avérée trop faible ces dernières années sur plusieurs sites, notamment sur le centre d'expérimentation CTIFL de Balandran, Invenio et Sudexpé où les objectifs de réduction des IFT ne sont pas atteints alors que les objectifs de qualité et de quantité de melons récoltés sont largement dépassés », relève Marie Torres. En effet si les données économiques sont en cours de traitement, celles relatives au rendement et à la qualité de production indiquent que les modalités Agrécomel sont souvent équivalentes ou supérieures au rendement de référence. « La cause principale de cette situation reste le mildiou, champignon dévastateur et en recrudescence, pour lequel les alternatives aux produits phytosanitaires sont très rares, le cuivre restant une alternative très employée. Des efforts doivent être menés sur la prévision du risque afin d’anticiper les épidémies et appliquer au mieux les produits phytosanitaires », conclut-elle.

(1) Agrécomel – Bilan des trois premières années d’expérimentation : quelles marges de manœuvre pour réduire les indices de fréquence de traitement en culture de melon ? - Infos CTIFL octobre 2022.

La prise de risque s’est avérée trop faible ces dernières années sur plusieurs sites d'expérimentation du CTIFL, où les objectifs de réduction des indices de fréquence de traitement ne sont pas atteints alors que les objectifs de qualité et de quantité de melons récoltés sont largement dépassés

Marie Torres, ingénieure d'expérimentation au CTIFL

Les trois techniques novatrices d’Agrécomel

1. Les plantes sentinelles

Les plantes sentinelles sont des plantes ou des variétés très sensibles à une maladie ou un ravageur. Par observation régulière de ces plantes hypersensibles, il est possible d’anticiper les épidémies sur la culture. Plusieurs plantes sentinelles ont été testées vis-à-vis des pucerons, du mildiou et de l’oïdium. Dans la plupart des cas, les plantes sentinelles ne se sont pas révélées efficaces. Cette technique, qui semble prometteuse sur le papier, sera retravaillée dans le cadre du projet. Pour anticiper les risques de mildiou, des plantes sentinelles constituées de concombre vont être mises en place.

2. L'augmentorium

Cette technique, travaillée au CTIFL, vise à limiter la propagation des pucerons sur la parcelle, tout en permettant la multiplication des auxiliaires sur les foyers de pucerons. Le principe simple vise à couvrir le foyer de pucerons d’un filet qui laisse passer les auxiliaires mais limite la propagation des ravageurs sur la parcelle. Les faibles pressions en pucerons observées ces trois années n’ont pas nécessité la mise en place de ce dispositif.

3. Coupelles contre taupins

Face au manque cruel de solutions pour limiter les attaques de taupins, les idées a priori les plus farfelues ont été imaginées. La mise en place de protection physique, par la pose de coupelles en plastique sous les fruits, est une technique très efficace qui limite totalement les attaques de taupins sur fruits. Une analyse technico-économique réalisée par la station de recherche appliquée Sudexpé, qui a imaginé cette technique en 2018, a montré qu’en cas de forte attaque, la technique reste économiquement intéressante. Cette technique a été mise en place sur le centre CTIFL de Balandran à la suite de l’échec de la protection de la parcelle par piégeage de masse d’adultes de taupins.

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