Vol de machines agricoles : Prévenir plutôt que guérir
Technologies, sécurisation et vigilance sont les moyens à portée des agriculteurs pour lutter contre les vols de matériels, bien souvent perpétrés par des réseaux internationaux.
Le vol de machines agricoles fait régulièrement l’objet de la rubrique des faits divers. La valeur des machines agricoles, notamment des tracteurs, attise la convoitise des voleurs de plus en plus organisés et de plus en plus formés. Les concessionnaires de machines agricoles figurent en premier lieu, puisque les tracteurs sont présents en nombre et sont neufs pour une partie d’entre eux. « De plus, lorsque les tracteurs sont fraîchement débarqués d’usine, les roues sont configurées en version étroite pour une question de gabarit de transport, explique Nicolas Morel de New Holland. Cette configuration plaît aux voleurs, qui peuvent rapidement camoufler ces tracteurs dans des semi-remorques bâchés et qui passent ainsi inaperçus. » Le fait de pouvoir démarrer n’importe quel tracteur d’une marque avec une clé d’un autre tracteur de même marque facilite d’autant l’enlèvement des véhicules.
Un jeu du chat et de la souris
Pour contrer ces vols, plusieurs solutions techniques ont été proposées par les constructeurs de machines agricoles. S’appuyant sur une antenne GPS combinée à la téléphonie GSM, les équipements de télémétrie ont été exploités : l’agriculteur ou le concessionnaire définit un secteur en dehors duquel le tracteur n’est pas censé aller. Si cela se produit, son propriétaire reçoit alors un message l’en informant, permettant d’être réactif s’il s’agit d’un vol. Mais les voleurs ont trouvé la parade en coupant l’alimentation électrique privant le système de positionnement, donc d’alerte.
D’autres systèmes de traçage des véhicules ont fait leurs apparitions sur le marché. Compacts et discrets, ces systèmes embarquent GPS et carte SIM pour transmettre la position. Mais de mieux en mieux formés, certains voleurs savent très vite déceler, désactiver et/ou démonter ces traceurs positionnés sur la transmission, les vérins de direction, etc. « Nous nous sommes rapprochés du système Track’R, qui combine GPS et signaux radios, poursuit Nicolas Morel. En cas de court-circuitage du GPS, les signaux radio continuent d’être reconnus par la gendarmerie si celle-ci croise par hasard le chemin du semi-remorque qui commet le forfait. Mais j’ai appris depuis que des brouilleurs avaient été retrouvés sur un camion pour contrer le signal radio. Les voleurs gardent toujours une longueur d’avance. »
Abandonner la clé universelle
Alors que faire ? Pour Raphaël Lucchesi, président du Sedima, le syndicat des concessionnaires de machines agricoles, la réponse est simple : « Il faut commencer par systématiser la clé de démarrage codée sur les tracteurs et machines agricoles. » Certains tractoristes commencent à proposer cette solution notamment sur les tracteurs de forte puissance.
Une autre solution pourrait arriver d’outre-Manche. En Grande-Bretagne, tous les tracteurs neufs, quelle que soit la marque, sont vendus avec une étiquette triangulaire à l’avant et à l’arrière, identifiant chaque véhicule. « Les étiquettes sont très difficiles à enlever, explique Nicolas Morel, et lorsqu’elles sont ôtées, elles laissent des traces, semant ainsi le doute sur l’origine du tracteur. Mais ces autocollants indiquent également que des puces RFID sont intégrées dans les vitres et la transmission. Ces puces servent également à identifier le véhicule à l’aide d’un lecteur. » Résultat, le nombre de vols de tracteurs neufs s’est fortement réduit, les voleurs se rabattant sur les véhicules d’occasion qui n’en sont pas équipés.
Privilégier les armes de dissuasion massive
De leurs côtés, les concessionnaires n’ont pas attendu l’arrivée de ces technologies pour réagir. Les voleurs ne passent à l’action que s’ils jugent que l’opération sera facile et juteuse. Le Sedima diffuse toute une série de conseils auprès de ses adhérents, conseils également valables pour les agriculteurs, Cuma et ETA. « Il faut tout faire pour les dissuader. Plus il y aura de travail de préparation avant le chargement du matériel, plus le risque d’être pris est élevé », affirme Raphaël Lucchesi. Cela commence par ne pas laisser les clés sur le tracteur, verrouiller les portes, ne pas laisser le matériel au champ, élargir les voies, dans la mesure du possible, pour que le tracteur dépasse 2,50 mètres et ne puisse pas rentrer directement dans un véhicule bâché, ou encore atteler le tracteur à un outil. Faire pousser une haie autour de son hangar à matériel réduit les risques d’attiser la convoitise. Installer des projecteurs avec détecteurs de mouvement, pouvant être combinés à des systèmes d’alarme, tend à dissuader les voleurs. Les caméras facilitent également l’identification des auteurs du forfait. Essayez de les placer dans un endroit discret et à une distance minimale d’un éclairage pour que les voleurs ne les voient pas, ne les désactivent pas, voire ne les détruisent pas.
Certains installent une clôture métallique tout autour de leurs locaux. Privilégiez des portails difficilement démontables. Des concessionnaires ont même creusé des tranchées et/ou placé des enrochements.
Même s’ils peuvent être désactivés, les traqueurs GPS constituent une entrave au vol, pouvant dissuader un voleur moins expérimenté. D’une centaine d’euros, ces appareils se vendent dans les magasins spécialisés dans les systèmes de surveillance, sur internet et même chez certains concessionnaires de machines agricoles.
Rester vigilant
Une autre méthode pour lutter contre les vols consiste à confondre les auteurs. « Les voleurs opèrent généralement en trois temps, détaille Jean-Luc Vilmain, commandant de gendarmerie en Mayenne. Le premier, c’est le repérage. Le deuxième consiste à pénétrer dans la propriété avec un véhicule léger pour préparer le matériel, avant la troisième phase, le chargement, qui ne dure généralement pas plus de vingt minutes. La vigilance commence dès la première phase. Si vous observez un véhicule circulant à vitesse plutôt basse, avec une plaque d’immatriculation qui n’est pas locale, cela doit alerter : il s’agit peut-être d’un repérage. » Le gendarme encourage vivement à appeler un gendarme référent de sûreté — il y en a au moins un par département — et lui communiquer le descriptif du véhicule, ainsi que sa plaque. « Si ce véhicule apparaît plusieurs fois dans notre banque de données, il peut être signalé comme suspect, qui plus est lorsqu’il est repéré dans des départements différents, les voleurs étant mobiles pour ne pas être repérés. » Raphaël Lucchesi encourage notamment à sensibiliser également le personnel salarié des entreprises, des exploitations, des Cuma à cette vigilance. « Plus nous sommes nombreux à être vigilants, plus nous avons de chance de les intercepter. »
S’appuyer sur la solidarité agricole
Ce message a été bien compris dans certains départements où un système d’alerte a été mis en place. La Loire-Atlantique figure parmi les pionniers. Convention signée entre des acteurs du monde agricole et la gendarmerie, Alertes Agri 44 permet d’informer les agriculteurs par SMS de tout vol de machines agricoles commis sur le département. La marque, le modèle, l’immatriculation sont renseignés. Le système a déjà prouvé son efficacité puisque des tracteurs volés ont été repérés par des agriculteurs ligériens et les auteurs arrêtés. Ce système a depuis été repris dans d’autres départements.
Pour terminer, la gendarmerie encourage les agriculteurs à solliciter les référents de sûreté départementaux, pour que ces derniers viennent, à titre gracieux, réaliser sur l’exploitation une consultation de sûreté et donner des conseils d’amélioration.
Retrouvez les coordonnées de votre référent de sûreté sur www.referentsurete.com/localisez-votre-referent-surete.html
Deux autres conseils de la gendarmerie
1/ En cas d’absence prolongée, évitez les messages d’absence sur votre répondeur. Faites relever régulièrement le courrier par un proche et inscrivez-vous à l’opération tranquillité vacances pour que les rondes des gendarmes passent chez vous.
2/ Si vous êtes victimes, appelez le 17 ou le 112. Ne prenez aucun risque si les cambrioleurs sont encore présents sur l’exploitation. Ne touchez à rien qui pourrait compromettre les indices sur les voleurs.