Aller au contenu principal

Télématique sur les moissonneuses-batteuses : des données en quête de débouché

Les principaux leviers pour faire adopter la télématique ne sont plus le transfert des cartes de rendement ou l'affichage du niveau de carburant de la moissonneuse-batteuse. Les arguments se tournent désormais vers l’amélioration du service des concessionnaires.

Suivi de flotte en temps réel, transfert de données, partage de lignes de guidage ou encore de réglages, formation à distance, gestion de l'entretien, analyse rétrospective des chantiers... Les possibilités offertes par la télématique – l'échange en temps réel des données machine – sont nombreuses. L'une des plus évidentes n'est autre que le transfert direct des cartes de rendement et d'humidité, évitant de recourir à une clé USB. Soit le remplacement d'une opération « manuelle » à répéter (trop?) fréquemment, et susceptible d'induire une perte de données. Mais malgré les bénéfices potentiels, le niveau d'adoption de cette technologie reste encore faible.

Peu de cartographie et de suivi de flotte

Quand les trois quarts des moissonneuses-batteuses vendues disposent désormais d'un capteur de rendement, seuls 4 % des agriculteurs en consultent les cartes (source : Observatoire des usages de l'agriculture numérique, AgroTIC). Leur usage complexe (étalonnages, transfert des fichiers, faible valorisation, manque d'outils d’interprétation) et l’accompagnement insuffisant des réseaux de distribution freinent le développement de cette étape de l’agriculture de précision susceptible de dégager 6 euros par hectare, selon John Deere. Alors que, suivant les constructeurs et le nombre de machines en parc, l'abonnement au service de télématique est facturé entre 300 et 800 euros par an.

Le suivi de flotte – localisation et état de fonctionnement des machines – avait aussi éveillé l'intérêt des entrepreneurs de travaux agricoles : pour aider leurs salariés à trouver une parcelle, ou encore prédire le ravitaillement en gazole. On imaginait aussi l'intérêt des réglages à distance pour aider un conducteur peu expérimenté, la télématique permettant même de les partager et/ou les répliquer dans des situations analogues. Le partage des lignes de guidage semble désormais séduire davantage. « La demande augmente avec la taille des exploitations et le travail partagé » note Kevin Étienne, chez John Deere, tout en déplorant comme ses concurrents que le taux d'utilisation peine encore à décoller. « Je ne connais pas encore une seule ETA qui analyse tous les matins les données, comme cela peut être le cas dans l'industrie. Les entrepreneurs suivent encore leurs machines chez le client, note Aurélien Pichard, chez New Holland. La télématique est souvent retenue en test. Mais le moindre paramétrage à faire aux champs est source d'abandon. On le voit avec les capteurs de rendement et d'humidité. »

Un service en étroite liaison

Certes, la temporalité des moissons – une période où la perte de temps n'est pas tolérée - n'aide pas. Aurélien Pichard espère alors que le nouveau portail de visualisation des cartes de rendement (issu du rachat d'AgDNA par CNH en 2019) permettra d'améliorer le taux d'utilisation de la télématique pour sa marque. A l'usine des moissonneuses-batteuses New Holland de Zedelgem, où l’on aimerait connecter toutes les machines, l'enjeu est encore plus grand : « On remonte les codes d'erreurs, et on a actuellement deux personnes qui les analysent. Un concessionnaire français est engagé dans un projet pilote, avec une personne qui suivra toutes les machines en parc pendant la saison 2020. Chez Iveco à Turin, le groupe a déjà une énorme salle de contrôle où l’on visualise tous les camions d'Europe, pour détecter les anomalies et en avertir les propriétaires. C'est ce qui va arriver avec les moissonneuses-batteuses. Nos solutions « 24 heures » lancées en janvier rejoignent cette idée », explique Aurélien Pichard.

Claas ne déplacera plus les mécaniciens de concession pour assurer les mises à jour des Lexion : « Avec la fonction Remote Service, on demande seulement au client de démarrer la machine dans sa cour à un moment donné », note le spécialiste de la marque Thibault Lefèvre. Quant à John Deere, qui offre actuellement cinq ans de connectivité au service JD Link Connect (transfert de données sans fil et accès distant à la console), le constructeur en profite aussi pour gérer l'entretien : « Les codes pannes sont disponibles sur le téléphone portable du client, et s'il le souhaite, sur le tableau de bord de l’atelier référent. Le technicien peut partir en dépannage avec des pièces et éviter des déplacements inutiles. Les outils de diagnostic à distance permettent de faire des gains estimés pour une flotte de matériels à 1,40 euro par hectare”, note Kevin Étienne, spécialiste produit, avant d'évoquer le dispositif d'anticipation des pannes Expert Alert : « Remplacer préventivement une pièce comme un échangeur EGR permet de gagner 4 heures en saison. Pour un entrepreneur qui peut faire 300 euros de chiffre d’affaires par heure, cet exemple représente un gain de productivité de 1 200 €. »

Du global au local

À moyen terme, la télématique permettra aux concessionnaires de mieux cerner les attentes de leurs clients : « Alors qu'en France, on n'a jamais vendu autant de chevaux par mètre de barre de coupe, la télématique permet d'objectiver la mécanisation. L'analyse de la charge moteur pourra aider à préconiser le bon modèle », remarque Thibault Lefèvre. Et si la télématique laissait espérer il y a quelques années, la possibilité du réglage à distance par un expert, la multiplication des capteurs et le développement d'automatismes chez toutes les marques semblent avoir rendu cette fonctionnalité obsolète. Car, la remontée de masses de données a justement permis d'améliorer les algorithmes, donc la pertinence des préconisations automatiques. « Dès 2021 sur les nouvelles Lexion, nous proposerons aux concessionnaires des réglages d'origine adaptés à leur secteur » annonce Thibaut Lefevre chez Claas. Avec la télématique, celui qui partage ses réglages et les résultats qui en découlent, participe désormais à améliorer les performances de toutes les moissonneuses-batteuses, dans la parcelle d'à côté, comme sur un autre continent.

Les plus lus

Remplissage du réservoir d'un engin agricole de GNR
Comment évolue le prix du GNR ?

Le prix du gazole non routier pèse sur le compte d’exploitation des agriculteurs qui en ont besoin pour alimenter leurs engins…

Deutz-Fahr, tractoriste le plus apprécié des concessionnaires européens

Pour l'année 2024, selon les résultats de l'enquête du Climmar, Deutz-Fahr se positionne comme la marque la plus appréciée des…

Les tracteurs de l'année 2025 dévoilés à l'Eima

Les tracteurs de l'année 2025 viennent d'être dévoilés. Voici les lauréats. 

 

Remplissage du réservoir d'AdBlue d'un tracteur
Comment évolue le prix de l'AdBlue ?

Au coût du carburant qui pèse sur le compte d’exploitation des agriculteurs, s’ajoute l’AdBlue nécessaire dans tous les…

Charles Rémy, agriculteur dans la Sarthe, devant son tas d'ensilage couvert avec le système de bâchage par filets Silage Safe de CBS Béton
« Je couvre mon silo de 470 m2 en une heure à l'aide de sangles »

Agriculteur dans la Sarthe, Charles Rémy s'est passé des pneus pour couvrir ses tas d’ensilage. Il utilise à la place des…

<em class="placeholder">Ramasseur de pierres derrière quad Stoneless au champ</em>
Stoneless - Ramasser les pierres n’est plus une corvée avec le quad

Une petite entreprise danoise propose un ramasseur remorqué derrière un quad.

Publicité