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Robot viticole : un Ted « en propre » pour gagner du temps

Depuis 2018, le château Fombrauge désherbe 5 hectares avec le robot enjambeur Ted, de Naïo Technologies. Un changement bénéfique à tous les niveaux selon le chef de culture.

Buttage, passage de décavaillonneuse, de lames, de doigts Kress et de disques, travail dans l’interrang (passage de rouleaux et griffes). Telles sont les opérations réalisées, depuis 2021, par le robot Ted de Naïo Technologies, sur 5 hectares du château Fombrauge, situé à Saint-Émilion, en Gironde, et appartenant au groupe Bernard Magrez. Pourtant, pour arriver à ce résultat, trois années ont été nécessaires.

Une prise en main progressive

Sensibilisé à l’impact des désherbants, le groupe impose à toutes ses propriétés, depuis 2018, de suivre un itinéraire technique basé sur le travail des sols. Pour gérer les adventices des 62 hectares de vigne, toutes les solutions ont été mises sur la table. « Le groupe a toujours été très tourné vers les nouvelles technologies, pose Emmanuel Massé, chef de culture du domaine. Le château Pape Clément (autre domaine du groupe, NDLR) était déjà équipé d’un tracteur électrique ». De quoi expliquer en partie l’acquisition, en 2018, du robot enjambeur Ted. Les premières années suivant l’achat, le robot a fait l’objet d’une phase de codéveloppement entre le domaine et Naïo Technologies, qui a donné lieu à des tests, des rapports, et des modifications régulières sur le robot.

Au-delà de cette période de codéveloppement, la prise en main au vignoble n’a pas été immédiate. « Nous avons abandonné tout autre moyen de désherbage sur ces 5 hectares seulement depuis 2021 », dévoile le chef de culture. Et pour cause, adopter un robot ne se résume pas à sa prise en main, qui est plutôt intuitive.

« Pour tous les travaux en autonomie, il nécessite une cartographie très fine du vignoble, ce qui représente un très gros travail en amont », prévient Théo Chaumet, apprenti au château Fombrauge et responsable du Ted. Pour cela, il a fallu arpenter les parcelles à pied, en définissant à l’aide d’un GPS un point tous les 10 mètres de chaque rang. Un processus fastidieux, qui n’est jamais terminé, puisque des corrections doivent régulièrement être apportées. « Pour la cartographie du reste du domaine, nous testons actuellement l’utilisation du drone pour gagner en rapidité, même si la précision est moindre », admet Théo Chaumet. Comme tout équipement, le Ted a également nécessité, en plus des mises à jour et des corrections de bugs régulières, un processus de familiarisation.

Il assure le désherbage et collecte des données

Aujourd’hui, l’enjambeur assure à la fois les travaux sous le cavaillon (buttage, passage de décavaillonneuse, lames, doigts Kress et disques) et dans l’interrang (passage de rouleaux et griffes). « Il ne possède pas de prise de force, ce qui ne permet pour l’instant pas d’utiliser tous les outils, comme ceux nécessaires à la tonte », ajoute Emmanuel Massé.

En plus du travail du sol, le Ted sert à l'acquisition de données. Équipé d’un capteur à l’avant, il est capable de mesurer le nombre de pieds manquants, ou encore la vigueur de la vigne. « En comparaison avec les observations à l’œil nu et les résultats que nous avons obtenus avec d’autres outils de mesure, nous constatons une grande précision du dispositif », se réjouit Théo Chaumet, en insistant sur la complémentarité des moyens d’observation. Les données sont envoyées à l’outil d’aide à la décision Chouette, avec lequel travaille le château.

Intercep, robot, Ted, travail du sol.

Autonome mais surveillé de près

Bien que le Ted fonctionne seul, il nécessite tout de même des moyens humains. Dès son arrivée au domaine en 2021, Théo Chaumet a donc suivi une formation spécifique. « Cela a pris la forme de documents et d’un questionnaire en ligne, puis d’une journée de formation et d’échange sur place avec les équipes de Naïo Technologies », détaille-t-il. Un apprentissage éclair et complet à la suite duquel il a tout de même fallu assimiler le réglage de chaque outil, comme pour un tracteur classique.

Aujourd’hui, l’alternant est le seul à s’occuper du robot. Pour cela, il définit les parcours de travail et procède au réglage des outils en amont. Une fois dans les vignes, il sélectionne l’intervention du jour sur l’écran de la machine, la parcelle concernée, la vitesse et la profondeur de travail et les rangs à couvrir. Il valide les paramètres, et l’enjambeur démarre. « Ensuite, on n’a plus besoin d’intervenir, mais on le suit pour vérifier que tout va bien », précise Théo Chaumet.

Équipé de sa télécommande, l’apprenti marche derrière le robot, en complétant le désherbage à la main lorsqu’un haut niveau de surveillance n’est pas indispensable. « Je garde toujours un œil sur lui, je ne me verrais pas faire une opération à part entière, comme du pliage pendant qu’il roule », complète-t-il. Pour lui, cette obligation de présence est nécessaire, d’abord d’un point de vue sécuritaire. En effet, le robot ne s’arrête qu’en cas de choc avec un obstacle au niveau des bumpers en mousse situés à l’avant de l’appareil, ce qui n’empêche en rien un accident si une personne se trouvait par hasard sur le domaine. Mais au-delà de la sécurité, la présence de l’apprenti permet également d’optimiser les interventions. « Il arrive qu’il y ait un bourrage d’herbe dans les lames, ou qu’une pièce soit légèrement desserrée, illustre-t-il. Dans ce cas, je stoppe la tâche et j’interviens directement ».

Le robot est capable de travailler environ 8 heures d’affilée, même sous la pluie, et nécessite ensuite une recharge de 10 heures. Théo Chaumet l'utilise toute une journée, en le rechargeant sur le temps du déjeuner. Pour tout entretien, il ne requiert qu’un nettoyage et rinçage de temps en temps. Quant au déplacement d’une parcelle à une autre, il est possible d’utiliser la télécommande ou bien de planifier un itinéraire au préalable. Cependant, le vignoble étant morcelé en deux, le Ted est véhiculé sur une remorque, en raison de l’interdiction pour un robot agricole d’emprunter la route.

Rentabilité sur 12 hectares et absence de tractoriste à la clé

« Nous avons fait un calcul de rentabilité en 2019, qui nous a montré que l’utilisation du robot sur 12 hectares du domaine serait deux fois plus rentable que l’usage d’un tracteur au bout de dix années », indique Emmanuel Massé. Le calcul prend notamment en compte l’amortissement des véhicules, la cartographie, le système RTK, les assurances et la main-d’œuvre. Et, d’après les deux hommes, l’engin sera toujours aussi performant dans dix ans, d’autant plus que le château bénéficie d’un appui constant de la start-up.

Mais l’aspect économique n’est pas la seule qualité du robot. « Il travaille plus rapidement, et ne nécessite pas de tractoriste », pointe Emmanuel Massé. Un atout de poids.

Moins d’émissions de CO2 et de tassements

Par ailleurs, fonctionnant à l’énergie électrique, il permet une réduction des émissions de CO2 d’un facteur 10. Son faible poids, de l’ordre d’une tonne et demie, engendre une réduction du tassement du sol de l’ordre de 3. « Il y a des avantages sur tous les plans : écologique, économique et agronomique », résume Emmanuel Massé. À cela s’ajoute la précision, puisque le robot travaille à une profondeur constante réglable d’un outil à l’autre. Et à condition que la cartographie soit précise, il entraîne une diminution du nombre de ceps abîmés.

En revanche, sur la parcelle du château en pente de 30 %, le Ted n’a été testé qu’une seule fois, sans grand succès. « Je pense que ce niveau de pente est sa limite. Pour aller plus loin il faudrait ajouter de la puissance et des chenilles », estime Emmanuel Massé. Une problématique qui amène le domaine à s’intéresser au robot chenillard Jo de Naïo Technologies, car il espère généraliser à l’avenir l’usage du robot sur davantage de surfaces.

Ted

Constructeur Naïo Technologies

Dimensions (lxLxh) 1,80 m x 4 m x 2,37 m

Poids 1,2 t

Vitesse 5 km/h maximum

Capacité motrice 24 V roues, 36 V direction, 36 V vérin

Autonomie 8 heures, temps de charge 10 heures

repères :

Château Fombrauge

Surface 62 ha

Dénomination AOP saint-émilion

Encépagement 85 % merlot et 15 % cabernet franc

Type de sol argilo-calcaire

Effectif 18 ETP

Production 300 000 à 350 000 bouteilles par an

Prix 25 à 33 euros la bouteille

Commercialisation essentiellement négoce

Retrouvez tous les articles de notre dossier sur les robots viticoles à l'épreuve du terrain ici :

Les robots viticoles à l’épreuve du terrain

Robot viticole : le recours à l’ETA est adapté aux petites surfaces

Robot viticole : en Cuma, le Jo travaille un parcellaire très morcelé

 

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