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« N’importe qui peut conduire ce microtracteur viticole », Alice Bouvot, vigneronne à Arbois

Le domaine de l’Octavin, dans le Jura, s’est équipé d’un microtracteur qui réalise aujourd’hui toutes les opérations sur l’exploitation.

Bien que compacts, les microtracteurs peuvent recevoir des outils interceps entre roues.
Bien que compacts, les microtracteurs peuvent recevoir des outils interceps entre roues.
© L. Vimond

« On l’appelle le courageux », annonce Alice Bouvot, vigneronne à Arbois, à la tête du domaine de l’Octavin. Cultivant 4 hectares de poulsard, trousseau, chardonnay, pinot noir et savagnin, cette productrice de vins tranquilles en biodynamie recherchait un tracteur sur lequel fixer des interceps entre roues. « Sur mon tracteur de 80 ch, les interceps étaient positionnés sur un cadre arrière, avec les risques de casse liés au porte-à-faux et le manque de maniabilité que cela implique », explique-t-elle. Sollicitant les concessionnaires locaux, elle se laisse convaincre pour une démonstration avec un tracteur Pasquali de 35 ch par la concession Aviet. « Avant la démo, je n’étais pas convaincue, se souvient-elle. De par mon expérience avec mon tracteur de 80 ch et les difficultés que je rencontrais avec, je pensais que ça ne marcherait jamais. »

 

 
Thomas Jacquet et Simon Thiébaud préfèrent la conduite du microtracteur sans cabine de 35 ch à celle du tracteur vigneron de 80 ch.
Thomas Jacquet et Simon Thiébaud préfèrent la conduite du microtracteur sans cabine de 35 ch à celle du tracteur vigneron de 80 ch. © L. Vimond
La démonstration lui prouve le contraire. Bluffée, elle décide de s’équiper d’un microtracteur Pasquali Era de 35 ch. « Le vieux tracteur de 80 ch ne sort plus, résume Simon Thiébaud, l’un des deux salariés de l’exploitation. Même si je peux faire les traitements avec le gros, je préfère le petit Pasquali. »

Des interceps entre roues qui rentrent partout

Malgré sa plus faible puissance, le tracteur Pasquali n’en demeure pas moins performant. « Avec le gros broyeur Humus, il manque peut-être un peu de poids sur l’avant, reconnaît Thomas Jacquet, le deuxième salarié de l’exploitation. Mais avec le lestage adapté, il fait le travail. » Dans le petit parcellaire typique du Jura, le temps gagné par la maniabilité du microtracteur lors des demi-tours compense les performances plus réduites sur les longueurs. « Au final, on va tout aussi vite », résume Simon Thiébaud.

À cela, s’ajoute le plaisir de conduire le petit tracteur, qui bénéficie d’un montage entre-roues des outils interceps. « Pour le travail du sol, les outils sont positionnés juste devant les yeux, apprécie Simon Thiébaud. On n’a pas à se retourner sans cesse pour voir le travail effectué, au risque de donner un petit coup de volant et d’abîmer les vignes. Si on voit que les réglages en largeur ou en profondeur ne sont pas corrects, on a les commandes sous la main, on rectifie et on constate immédiatement les effets. » Bien que le tracteur soit léger, Alice Bouvot est étonnée par la capacité de pénétration des interceps entre roues. « En conditions dures et sèches, il rentre là où le vieux tracteur et le cadre péchaient », ajoute-t-elle.

Ses limites toujours repoussées

Avec des outils adaptés, le microtracteur se montre également polyvalent. « Cela faisait partie du cahier des charges d’origine, rappelle Alice Bouvot. Traitements, bêchage, épandage des extraits fermentés, travail du sol interceps, broyage. On s’arrange toujours pour avoir au moins deux outils dessus, quand ce n’est pas trois, explique la vigneronne. On repousse toujours ses limites, en se disant qu’on va arriver au max de ses capacités. Mais à chaque fois, il nous surprend. »

Il reste un atout majeur de ce tracteur : son poids. « Dans nos marnes lourdes, on a toujours l’impression de tasser, même par temps sec, ironise Simon Thiébaud. Avoir un tracteur léger ne peut être que bénéfique en termes de tassement. »

Enfin, la simplicité de conduite du tracteur figure aussi comme l’un de ses avantages. « On peut le mettre dans les mains de n’importe qui, même quelqu’un qui n’a jamais conduit de tracteur », explique Simon Thiébaud, citant pour exemple récent une stagiaire en BTS, novice en conduite et qui l’a maîtrisé en un aller-retour dans les vignes.

« La cellule de pulvérisation est restée au garage »

 

 
Luc Fieux, salarié au Cellier des Tiercelines : « avec trois microtracteurs, on serait les rois du monde ».
Luc Fieux, salarié au Cellier des Tiercelines : « avec trois microtracteurs, on serait les rois du monde ». © L. Vimond
« On en aurait trois, on serait les rois du monde », annonce Luc Fieux, salarié au Cellier des Tiercelines, un domaine viticole basé à Arbois, dans le Jura, qui réalise également de la prestation de services. Avant l’acquisition du microtracteur Pasquali de 35 ch en 2021, les travaux étaient partagés entre un porteur multifonction et un tracteur vigneron de 75 chevaux, jumelés pour traiter dans les vignes dont un rang sur cinq a été arraché.

Malgré une année assez humide, l’exploitation a réussi à limiter à huit le nombre de traitements. « Et tout a été fait avec le Pasquali, annonce Luc Fieux. Cette année, la cellule de pulvérisation n’a même pas été montée sur le porteur New Holland, qui est resté attelé avec sa tête de récolte. À côté, le petit pulvé de 200 l sur le Pasquali est tellement plus simple à nettoyer et le microtracteur beaucoup plus maniable. »

Lesté de 60 kg de masses et les roues gonflées à l’eau, le Pasquali réalise de nombreux travaux au sein de l’entreprise et affiche déjà 800 heures au compteur après deux campagnes. Se déplaçant à 30 km/h sur route, il étonne par ses capacités de traction en vignes pentues. « Dans les parcelles délicates comme les dévers ou les fourrières mal fichues, le fait d’être proche du sol facilite sa conduite. Il y a beaucoup moins de risque de renversement ou de faire de la casse sur les vignes ou le palissage. » Quant à la consommation, Luc Fieux l’estime deux fois moindre que le tracteur de 75 ch. « Le plein de 22 l nous permet de faire une journée de travail, pour un débit de chantier loin d’être ridicule. »

Arrêter la course à la puissance

L’intérêt récent pour les microtracteurs dans les vignes se justifie dans les régions où la main-d’œuvre peu qualifiée ne manque pas.

Dans un contexte d’exploitations viticoles de plus en plus grandes, la puissance moyenne des tracteurs des exploitations suit le même mouvement. Pourtant, certaines exploitations viticoles nagent à contre-courant et reviennent à des petits tracteurs simples, à l’instar des microtracteurs d’espaces verts. Concessionnaire à Arbois, dans le Jura, Jocelyn Aviet l’a bien compris. « Les tracteurs interlignes et les enjambeurs sont de plus en plus chers, constate-t-il. Et cet investissement n’est pas toujours facile à justifier. Bon nombre de nos clients ont fait le choix du microtracteur d’espace vert. Sur ces petits engins, pas de filtre à particules ni d’AdBlue. Un Solis de 26 ch équipé d’une boîte 2x3 vitesses se négocie à 10 000 euros HT, un Pasquali de 35 ch, sa boîte 3x4 et son inverseur synchronisé, à 24 000 euros HT. »

Des engins qui limitent les tassements du sol

Sur la région, la concession est obligée de réaliser des modifications pour rendre les microtracteurs plus étroits, ce qui gonfle sensiblement le tarif (moins de 15 000 euros pour un Solis de 26 ch). « Mais pour le prix d’un enjambeur, on achète trois, voire quatre microtracteurs. »

 

 
Jocelyn Aviet de la concession éponyme commercialise et adapte des microtracteurs pour le vignoble jurassien.
Jocelyn Aviet de la concession éponyme commercialise et adapte des microtracteurs pour le vignoble jurassien. © L. Vimond
Dans les vignes plus larges, où les besoins de modifications sont moindres et les prix des tracteurs très compétitifs, cette comparaison peut également être réalisée face à des tracteurs interlignes. C’est le constat réalisé par Olivier Ouly, chef de produits pour la gamme compacts chez Kubota, qui a lancé en 2022 un modèle particulièrement adapté aux vignobles : le LX-351 DR développe 35 chevaux et dispose d’une transmission 12x12 (24 km/h maxi), de deux distributeurs double effet, d'un relevage de 1,15 tonne, d'un contrôle d'effort de série et d'un inverseur au volant. Simple, ce tracteur à arceau est très maniable et se décline en largeurs hors-tout de 1 à 1,36 m (vignes à partir de 1,30 m). D’un poids d’une tonne, cet engin peut être chaussé en monte de 320 mm, limitant les tassements du sol. « En viticulture (qui représente deux tiers des ventes de ce tracteur), il est vendu principalement dans la moitié Sud de la France, pour réaliser du travail du sol, de l’entretien interrangs et interceps, de la tonte ou encore du semis de couvert », explique le chef produits.

Compacité et maniabilité sont au rendez-vous

Si le choix des microtracteurs implique davantage de personnel, la simplicité d’utilisation, la compacité et la maniabilité de ces tracteurs n’imposent pas du personnel qualifié. « Dans les domaines équipés de multiples microtracteurs, les outils y sont souvent à demeure, ajoute Jocelyn Aviet. On gagne ainsi beaucoup de temps sur les opérations d’attelage-dételage qu’il faut réaliser sur un plus gros tracteur. »

 

 
Simples, légers, maniables, les microtracteurs peuvent facilement être mis dans les mains des conducteurs novices.
Simples, légers, maniables, les microtracteurs peuvent facilement être mis dans les mains des conducteurs novices. © Kubota
Les potentialités de ces microtracteurs sont loin d’être ridicules. « À trois microtracteurs, on va traiter plus dans une journée qu’un gros tracteur pour le même tarif d’achat », poursuit-il. Pour le concessionnaire, tous les travaux de la vigne peuvent être réalisés par ces petits engins. « Même une rogneuse sur mât, avec déport et dévers, peut être montée sur un microtracteur de 35 ch, en choisissant un modèle adapté et remplaçant la pompe hydraulique d’origine (20 l/min) par deux de 25 l/min, l’une pour les lames, l’autre pour le positionnement des lamiers. »

Enfin l’utilisation de ces microtracteurs présente des avantages agronomiques : ils sont beaucoup moins lourds et donc moins générateurs de tassements, mais aussi économiques. « On optimise en permanence l’utilisation de la puissance de ces microtracteurs, alors qu’un tracteur de 110 ch sera largement sous-exploité, en plus de tasser inutilement le sol, lorsqu’il passe des interceps. »

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