Les outils pour semer les couverts à la moisson
Semer les couverts végétaux juste avant ou au moment de la moisson procure un réel gain de temps, mais le résultat en termes de levée diffère selon les matériels utilisés et les conditions pédoclimatiques.
Semer les couverts végétaux juste avant ou au moment de la moisson procure un réel gain de temps, mais le résultat en termes de levée diffère selon les matériels utilisés et les conditions pédoclimatiques.
Les avantages agronomiques et environnementaux des couverts végétaux ne sont plus à démontrer. L’implantation après la récolte de ces cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) ou des surfaces d’intérêt écologique (SIE), s’avère en revanche particulièrement gourmande en temps et coûteuse. Elle impose généralement un travail du sol, même léger, et coïncide de surcroît avec d’autres interventions, telles que le ramassage de la paille ou les semis de colza. Pour étaler la charge de travail estivale, des agriculteurs sèment alors les couverts végétaux juste avant la moisson, voire au moment de la récolte avec un système embarqué sur la moissonneuse-batteuse.
Des levées aléatoires avec l’épandage à la volée
« Le semis à la volée dans les céréales sur pied, réalisé quelques jours avant la moisson, permet à la graine de profiter de l’humidité gardée au sol par la culture, favorable à la germination. Il doit impérativement s’effectuer dans des parcelles exemptes d’adventices, notamment de vivaces (liseron, laiteron…), pour éviter la concurrence. Les levées restent aléatoires en fonction des conditions pédoclimatiques. Une terre trop sèche et l’absence de précipitations peuvent mettre à mal la réussite. Le recours à ce procédé ne doit donc pas être systématique et n’est pas à envisager sur l’ensemble des parcelles », prévient David Bouvier, conseiller à la chambre d’agriculture de Dinan (Côtes-d’Armor). Pour semer les couverts à la volée, différentes possibilités s’offrent aux agriculteurs : épandeur d’engrais centrifuge, distributeur pneumatique à rampe, semoirs à petites graines montés sur rampe… L’idéal est d’intervenir dans les traces de traitement pour ne pas détruire de récolte. Pour pouvoir semer sur de grandes largeurs compatibles avec les largeurs de rampes du pulvérisateur, le recours à des outils spécifiques s’avère incontournable. Le traditionnel épandeur d’engrais centrifuge trouve, en effet, ses limites en termes de distance de projection des petites graines, du fait de la hauteur de travail dans une végétation développée. De manière anecdotique, certains montent leur appareil sur un mât élévateur pour gagner en largeur de travail. Cette solution n’est envisageable qu’avec un épandeur à entraînement hydraulique. Pour travailler facilement sur 24 mètres ou plus, il existe bien les distributeurs pneumatiques à rampe, comme l’Eco-Mulch Précis, le Kongskilde Wingjet ou le Kuhn AGT, mais ces appareils coûtent cher.
Intervenir dans les 15 jours précédant la récolte
Le système Maxi Couv’développé en Côtes-d’Armor par la chambre d’agriculture, avec le concours des établissements Devrand, constitue une solution plus économique (moins de 20 000 euros) et efficace pour semer les couverts à la volée. D’une envergure de travail réglable à 18, 21 et 24 mètres, il sème jusqu’à 20 ha/h. Cet appareil, encore à l’état de prototype, s’accroche sur le relevage arrière du tracteur et se compose d’une rampe supportant deux semoirs à petites graines Delimbe évoluant 1,20 mètre au-dessus de la culture. Testé depuis 2017 en Bretagne, il donne plutôt satisfaction, à condition d’implanter les bonnes espèces au bon moment. « Nos nombreux tests de semis à la volée, menés depuis 2015, ont permis d’identifier que la moutarde, le radis, le colza fourrager et la phacélie se révèlent les plus adaptés à la technique, précise David Bouvier. La période la plus propice se situe dans les quinze jours précédant la moisson, voire dans les deux à trois jours pour la phacélie. »
Les couverts s’implantent aussi à la récolte avec des mini-semoirs embarqués sur les moissonneuses-batteuses. Ces équipements se composent d’une trémie solidaire de la barre de coupe, ou fixée à l’arrière de la machine, et d’une rampe dotée d’éclateurs répartissant les graines à la surface du sol, derrière le tablier. Ce principe économise un passage de tracteur et fonctionne bien dans les régions où les précipitations ne font pas défaut l’été, comme la pointe bretonne. Il reste en revanche sensible aux conditions trop sèches. Dans ce cas, des problèmes de levée surviennent, surtout si la paille est exportée, car plus rien ne garde l’humidité.
Un semoir à disques intégré au convoyeur
Le meilleur résultat en termes de germination et de développement du couvert s’obtient lorsque la graine est mise en terre. La chambre d’agriculture de Bretagne s’affaire à développer, sur son site expérimental de Kerguehennec (Morbihan), une ligne de semis sur moissonneuse-batteuse. Son premier concept, testé en 2016 sur une machine équipée d’une coupe de 4,50 mètres, utilisait des organes d’enterrage à dents placés à l’arrière de l’automotrice. Il a donné de très bons résultats en conditions extrêmement sèches, mais a vite trouvé ses limites techniques, car les dents accrochaient les andains. Le prototype en test actuellement reçoit des disques semeurs et prend place sous le convoyeur. Il a été assemblé par la société bretonne Labbé Rotiel à partir d’éléments Sulky Xeopro avec roulettes de rappuyage. L’alimentation est réalisée par un semoir à distribution électrique à débit proportionnel à l’avancement et transport pneumatique. « L’enterrage des graines, suivi de leur rappuyage, donne de très bons résultats, parfois même trop bons. L’été 2018, la moutarde implantée assez tôt était déjà en fleurs au 20 août », souligne David Meallet, technicien à la station morbihannaise. En intervenant juste derrière la coupe, les problèmes d’interférence avec les andains n’existent plus. Le transport de cet équipement n’est pas trop contraignant, car il se replie vers l’avant. « Cette architecture rend possible le montage de ce type de rampe de semis avec des coupes de 9 à 10 mètres, tout en respectant le gabarit routier de la moissonneuse-batteuse », indique David Meallet. Le technicien voit d’autres pistes de valorisation pour le semoir à disques intégré au convoyeur, comme l’emblavement du blé au moment de la récolte du maïs grain. Il reste maintenant à voir si les constructeurs valident le montage sur leurs machines et si le surpoids lié au dispositif est en phase avec le PTAC. Il faut également que les chauffeurs acceptent de gérer un semoir, en plus des nombreux paramètres à surveiller lors de la conduite de la moissonneuse-batteuse.
Le drone polyvalent sème 5 à 8 ha/h de couverts
Le drone est une des pistes pour implanter les couverts à la volée avant récolte. La société Ovalie Innovation, filiale recherche et développement des groupes coopératifs Maïsadour et Vivadour, a développé, en partenariat avec la société bordelaise Reflet du Monde, un appareil quadrirotor équipé d’un semoir. Elle propose désormais la prestation d’épandage après trois années d’essais au champ. Son programme prévoit de semer cette année 400 hectares de couverts et 500 hectares de trichogrammes avec deux drones, à un tarif d’environ 20 euros/ha (hors semences). L’épandage au drone s’effectue en août au-dessus du maïs développé, généralement avant le dernier ou avant-dernier tour d’eau. « L’irrigation ou la pluie à la suite du semis sont indispensables à la levée et au développement du couvert, qui mesure 5 à 10 centimètres, voire plus, à la récolte en octobre novembre. Ce volume de végétation ne gêne pas en cas de passage du broyeur de tiges après la récolte. Il garantit surtout une couverture plus efficace que celle obtenue avec un semis effectué après battage, dont la pousse est freinée par les températures hivernales », indique le chargé de projets.
11 kg de semence embarqués
Le drone spécifique, aussi valorisé à l’épandage de trichogrammes, est prévu à terme pour la pulvérisation de produits liquides de biocontrôle. Animé par quatre hélices, il présente un poids total autorisé en charge de 25 kg et emporte jusqu’à 11 kg de semences. Son autonomie par vol oscille entre 20 et 25 minutes en fonction du poids transporté. Évoluant à 10 mètres de haut, le drone sème de 5 à 8 ha/h à une dose de 10 kg/ha. Le ravitaillement en graines (phacélie, moutarde, trèfle, luzerne…) demande moins d’une minute, échange des batteries compris. Même s’il se guide seul dans la parcelle grâce au GPS, ce drone ne peut être utilisé que par un pilote habilité et après validation du plan de vol par les autorités compétentes. Il faut également que les conditions climatiques soient favorables : peu de vent et pas de pluie. L’engin vaut à lui seul 50 000 euros. Il s’adresse essentiellement aux coopératives, groupements d’agriculteurs, Cuma et ETA, susceptibles de le rentabiliser sur de grandes surfaces et avec diverses prestations.
Avancer l’implantation pour compenser le manque d’eau l’été
Dans le Loiret, Sébastien Quentin, de la chambre d’agriculture, conduit actuellement un essai sur blé tendre consistant à implanter un couvert végétal avec différentes espèces. Réalisé avec un distributeur pneumatique à rampe de 24 mètres d’envergure, le test comprend 12 modalités et se déroule en deux temps : mi-mars et première quinzaine de juin. « Comme dans notre département le potentiel de précipitations estivales peut mettre en difficulté la levée, nous espérons, en anticipant l’implantation, obtenir une végétation déjà développée à la récolte, afin de bénéficier d’une action maximum du couvert végétal », précise le conseiller. Lors des cinq premières modalités, quatre légumineuses pérennes (lotier, luzerne, trèfle blanc et trèfle violet), ainsi qu’un mélange de ces espèces ont été implantées séparément. L’intérêt serait de garder ces couverts dans la rotation durant un à deux ans et d’y semer les cultures en direct. « Les relevés effectués mi-mai donnent des résultats en dessous de nos espérances. Les plantes mesurent environ trois à quatre centimètres de haut, mais présentent une faible densité. Plusieurs pistes sont envisageables pour expliquer le manque de population : graines mangées par des ravageurs, rémanence des traitements herbicides, concurrence du blé ou incidence de la période sèche en début d’année », souligne Sébastien Quentin. La seconde modalité, non réalisée au moment de l’écriture de l’article, prévoit, elle, de semer distinctement des espèces annuelles : trèfle d’Alexandrie, vesce de printemps, féverole, crotalaire, mélange trèfle d’Alexandrie et moutarde d’abyssinie, sorgho fourrager, mélange colza-trèfle blanc-sarrasin. Pour cette dernière modalité, le colza et/ou le sarrasin pourraient être récoltés si leur développement le permet.