Le nouvel angle d’attaque des semoirs à disques inclinés
Les semoirs à disques inclinés semblent résoudre certains problèmes rencontrés par les utilisateurs d’appareils de semis direct à disques droits.
Les semoirs à disques inclinés semblent résoudre certains problèmes rencontrés par les utilisateurs d’appareils de semis direct à disques droits.
Seules quelques marques proposent dans l’Hexagone des semoirs à disques inclinés. Elles se nomment Aurensan, Sly France, Weaving ou plus récemment Duro France. Leur argumentaire repose sur la conception de leurs éléments d’enterrage censée s’affranchir des difficultés de pénétration en sol sec et de fermeture du sillon en conditions humides, des phénomènes bien connus des utilisateurs d’appareils à disques droits. L’atout de limiter le poinçonnement de la paille au fond du sillon est un autre critère avancé. Cette faculté a d’ailleurs été étudiée par Arvalis-Institut du végétal et, selon Damien Brun, ingénieur en agroéquipements, les résultats demandent encore d’être affinés, en adoptant, par exemple, de nouvelles méthodes de gestion des pailles (voir encadré). Il rappelle par ailleurs que le principe des semoirs à disques inclinés n’est pas nouveau. Il a en effet été développé au début des années 80, puis repris par la suite pour, notamment, permettre aux pays en voie de développement de se lancer dans le semis direct avec des tracteurs de faible puissance.
-
Aurensan retient deux parallélogrammes
Le constructeur Alain Aurensan recense, depuis la sortie en 2012 de son premier appareil, 120 semoirs à disques inclinés en service, dont 70 % utilisés en grandes cultures. Son élément semeur breveté, monté sur parallélogramme avec ressort de traction, utilise un seul disque ouvreur incliné. Il dispose d’une roue de jauge à bandage caoutchouc, accolée au disque, qui contrôle la profondeur de semis et opère un premier rappuyage du sillon. Celui-ci est ensuite fermé par une roue montée sur parallélogramme et orientable, afin de s’adapter aux conditions de semis. La gamme se compose de modèles rigides portés de 1,5 à 4 m de large, à distribution mécanique, et de versions pneumatiques de 3 à 6 m d’envergure, à châssis fixe ou repliable. Les plus larges sont généralement alimentés par une trémie frontale ou accrochés sur des chariots pourvus d’une ou plusieurs trémies et de systèmes de distribution. Comme l’ensemble des semoirs de la marque, leur interrang minimal est de 16 cm.
-
Des doubles disques chez Weaving
Représenté en France par Éric De Wulf, agriculteur dans l’Aisne, le constructeur britannique Weaving compte dans son catalogue de semoirs un modèle porté de 3 mètres pourvus d’une à trois trémies. Ce matériel affiche à vide une pression au sol par élément semeur de 138 kg. Le fabricant propose aussi des appareils semi-portés de 4 ; 4,80 ; 6 ; 6,40 et 8 m d’envergure, dont la pression au sol se règle jusqu’à 200 kg par rang. Tous ces semoirs adoptent le même interrang de 16,6 cm. Ils se distinguent par leur dispositif d’enterrage à double disque incliné, monté sur un bras pivotant en respectant un angle d’entrure de 25 degrés. Le plus grand disque, de 400 mm de diamètre, ouvre le sol, tandis que le petit, de 350 mm, soulève la bande de terre. La graine est déposée par un tube injecteur entre les deux disques, puis la bande de sol reprend sa place par gravité avant l’action de rappuyage par la roue arrière, qui assure également le contrôle de la profondeur.
-
Sly France écarte la paille avec un chasse-débris
Le semoir à disques inclinés Le Boss se décline en châssis semi-porté de 3 à 12 m de large, avec des interrangs de 16,7 ; 18,75 ; 20 et 25 cm. Chacun de ses éléments semeurs se compose d’un disque doublement incliné, dénommé Undercut, présentant respectivement des angles d’attaque et d’entrure de 11 et 22 degrés. Ce disque est associé à un soc déposant la graine et à une roue latérale à bandage caoutchouc montée sur ressort. Celle-ci assure le nettoyage du disque et retient la bande de terre. Une seconde roue, située à l’arrière, referme le sillon et assure le rappuyage. Son orientation s’ajuste pour peaufiner le travail. Pour évoluer en présence de débris végétaux, Sly France monte en option, à l’avant de chaque élément semeur, un chasse-débris rotatif. Cet accessoire, contrôlé par un poumon pneumatique, écarte les risques de poinçonnement de la paille au fond du sillon. Chaque élément semeur est monté sur parallélogramme intégrant un vérin hydraulique contrôlant la pression au sol. Le terrage est, lui, géré par la roue arrière en semis direct. Pour mieux gérer la profondeur de semis sur un sol préalablement préparé, la roue latérale reçoit en option un réglage de position. Le Boss reçoit jusqu’à trois trémies de 1 200 ou 2 000 litres, pour implanter des espèces différentes ou de l’engrais. Il se complète en option d’un microgranulateur de 200 litres pour l’apport d’antilimace.
-
Double inclinaison de disque sur le SDI de Duro France
Le fabricant Duro France vient tout juste de rejoindre le club très restreint des constructeurs de semoirs à disques inclinés. Baptisé SDI, son appareil, conçu pour intervenir en direct, se compose de deux rangées d’éléments semeurs poussés à disques inclinés (7 degrés d’attaque et 21 degrés d’entrure). Il se décline en interrang de 16,7 ; 18,75 ; 20 et 25 cm. Le contrôle de la profondeur est assuré par une roue de jauge, positionnée à l’opposé de la face du disque soulevant la terre. La graine est déposée à la verticale de l’axe du disque, une languette rappuyant celle-ci. Derrière chaque élément semeur monté sur suspension par boudin caoutchouc, une roue de rappuyage s’ajuste, de manière centralisée, en pression et en position (décalée de +/- 4 cm par rapport à la ligne de semis). Le SDI dispose de deux têtes de répartition, une pour chaque rangée d’éléments semeurs, permettant l’implantation simultanée de deux cultures distinctes à des profondeurs éventuellement différentes. Disponible en largeurs de 3 à 6 m, le semoir Duro s’appuie sur deux roues de jauge avant et six arrière dans sa version la plus large. Il peut être également proposé en version semi-portée de 3 m de large avec une trémie.
-
« Les disques inclinés en toutes cultures et toutes conditions »
François Girard, agriculteur dans le Loiret, sème depuis quatre ans la majeure partie de ses cultures avec des appareils à disques inclinés.
François Girard, agriculteur à Arrabloy dans le Loiret (45), a aujourd’hui la possibilité d’utiliser deux semoirs à disques inclinés. Il possède en effet son propre appareil Weaving porté, de 3 m de large, et adhère à la Cuma d’Ouzouer-sur-Trézée (45), qui a récemment investi dans un modèle semi-porté, de même marque, de 6 m d’envergure. Le céréalier cultivant 200 hectares possède des terres difficiles, dont certaines très pierreuses. « Je me suis lancé dans le semis direct en 2013, après la récolte catastrophique de 12 hectares de blé emblavés après labour en terres battantes avec un combiné herse rotative-semoir, se rappelle-t-il. La première année, pour limiter l’investissement, j’ai testé la technique avec un John Deere 750 A acheté d’occasion. » Après un an de nouvelles pratiques culturales, l’exploitant enregistre une petite baisse des rendements, toujours vraie aujourd’hui. « La perte de production est largement compensée par la réduction du nombre d’heures de tracteur », affirme-t-il.
Le sillon bien refermé
En 2014, l’exploitant renouvelle son semoir John Deere par un modèle porté à disques inclinés, de 5,80 m de large, du constructeur français Aurensan. « J’ai opté pour cet appareil pour sa faculté à bien refermer le sillon. La bande de terre soulevée par ses disques inclinés est en effet bien rappuyée par la roue arrière, assurant ainsi un parfait contact terre-graine. Aussi, le dispositif d’enterrage remuant peu de terre évite de remettre des graines d’adventices en germination », souligne-t-il. L’agriculteur reconnaît en revanche que les organes d’enterrage inclinés placent quand même de la paille au fond du sillon, mais en plus faible quantité que les disques droits. Satisfait du principe d’enterrage de son premier semoir à disques inclinés, le céréalier vient de le renouveler par un Weaving. Cet appareil d’origine britannique se caractérise par l’adoption d’éléments semeurs à double disque montés chacun sur pivot, autorisant notamment le semis en courbe. Le modèle porté de 3 m de large du céréalier reçoit une trémie principale de 1 600 litres, ainsi qu’un microganulateur muni d’une cuve de 180 litres pour l’antilimace, ou l’apport d’engrais starter. Avec ce semoir attelé sur un tracteur de 160 chevaux, l’exploitant implante environ 150 hectares de cultures sur son exploitation (blé, orges de printemps et d’hiver, sarrazin, millet, pois et Cipan). Il réalise également une cinquantaine d’hectares en prestation de service chez des voisins agriculteurs.
Le colza semé avec une plante compagne
Pour les semis de colza avec incorporation d’engrais et implantation simultanée de féverole, l’agriculteur fait appel à la Cuma de la Trézée. « Le semoir Weaving de 6 mètres s’avère plus adapté, car il possède deux trémies de 3 600 litres dotées chacune d’un doseur, ainsi qu’un distributeur de microgranulés », précise-t-il. La féverole en plante compagne occupe l’espace et évite le développement des adventices. Elle sert aussi de leurre pour les insectes qui, à l’automne, ne repèrent pas le colza mélangé à la légumineuse. Cette plante gélive est naturellement détruite durant l’hiver. Elle présente aussi l’intérêt, au printemps, de restituer au colza les unités d’azote qu’elle a captées dans l’air. Le semoir de la Cuma intervient en majeure partie sur des terres préalablement préparées par deux, voire trois passages de déchaumeur. Dans ces conditions, l’agriculteur apprécie la surface sillonnée du sol laissée par les roues de rappuyage, estimant que ce profil limite les effets de battance. Utilisé également en direct, le Weaving a, cet été, trouvé ses limites dans certaines parcelles, tellement le sol était sec (aucune précipitation entre mi-juin et fin août).
D. L.
AVIS D'EXPERT : Damien Brun, ingénieur agroéquipements à Arvalis-Institut du végétal
« Rester vigilant sur la gestion des pailles »
Arvalis-Institut du végétal réalise depuis deux ans un suivi technique des semoirs à disques inclinés Aurensan, Sly et Weaving. « La capacité à limiter le poinçonnement de la paille au fond du sillon a été l’un des principaux critères étudiés sur ces matériels, indique Damien Brun, ingénieur agroéquipements à Arvalis-Institut du végétal. Les agriculteurs en semis direct sont confrontés à ce problème, lorsqu’ils interviennent avec leurs appareils à disques droits après une céréale avec paille non exportée. Certains s’affranchissent de ces conditions particulières en utilisant des semoirs à dents, afin d’obtenir un fond de sillon quasi exempt de résidus. Cette pratique oblige alors à investir dans deux outils distincts. » Les arguments en faveur des semoirs à disques inclinés les annoncent capables de travailler en toutes conditions, mais les résultats des essais de l’Institut ne sont pas aussi catégoriques. « Les organes d’enterrage à disques inclinés se révèlent, certes, plus efficaces que les modèles à disques droits en présence d’un matelas de paille. En revanche, ils n’égalent pas l’action des semoirs à dents et déposent quand même un peu de paille au fond du sillon, précise Damien Brun. Nos premières observations vont dans ce sens mais nécessitent d’être affinées. » Un nouvel essai de gestion des pailles a donc été mis en place cet été pour mesurer l’intérêt ou non de faucher plus haut, afin de limiter leur volume au sol. « Avec moins de résidus à terre, le risque de pousser la paille au fond du sillon est réduit. » L’ingénieur reconnaît, en revanche, que les disques inclinés présentent une réelle aptitude à travailler en présence de couverts végétaux développés avec un faible niveau de perturbation du sol.