« Je me lance dans la modulation avec une solution adaptable »
Hubert Caron, installé à Graincourt-lès-Havrincourt dans le Pas-de-Calais, a investi dans la cartographie de ses sols et dans un équipement de modulation compatible avec son semoir et son épandeur d’engrais, qu’ils soient Isobus ou non.
Hubert Caron, installé à Graincourt-lès-Havrincourt dans le Pas-de-Calais, a investi dans la cartographie de ses sols et dans un équipement de modulation compatible avec son semoir et son épandeur d’engrais, qu’ils soient Isobus ou non.
« Je pratique depuis plusieurs années la modulation intraparcellaire manuelle en fonction des zones de terre. Mais pour être plus précis et mieux valoriser les intrants, l’automatisation devenait incontournable, justifie Hubert Caron, agriculteur sur 270 hectares à Graincourt-lès-Havrincourt (62). Je cherchais une solution technique qui me laisse suffisamment d’autonomie dans la mise en œuvre des cartes de modulation et qui soit compatible avec mon parc matériel. » Après avoir cartographié une centaine d’hectares par l’intermédiaire de la société Opticultures, distributeur de la solution anglaise Soyl, Hubert Caron s’est lancé au printemps dernier, en s’équipant d’un iPad et de l’application iSoyl du même fournisseur. « L’application, le câblage pour se connecter au boîtier du semoir et le paramétrage m’ont coûté environ 700 euros, auxquels s’ajoute l’achat de l’iPad. J’ai pu ainsi mettre en œuvre la modulation automatique de la dose de semis avec mon combiné Kuhn qui n’est pourtant pas compatible Isobus. Il suffit d’importer les cartes de préconisation en wifi depuis le PC. »
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L’épandeur d’engrais en Isobus
En revanche, pour la modulation de la fertilisation de fond (P et K), l’épandeur d’engrais Kverneland TL Geospread récemment renouvelé, dispose d’un pilotage Isobus avec une modulation indépendante droite/gauche. « Dans ce cas, j’utilise la console GreenStar de mes tracteurs John Deere ou le terminal IsoMatch Tellus de l’épandeur, en important les cartes avec une clef USB. » À noter qu’Hubert Caron module également ses apports azotés, grâce à l’Isobus sur son pulvérisateur Horsch Leeb LT, mais en faisant appel cette fois-ci à l’OAD Wanaka.
Pour préparer ses chantiers, l’agriculteur accède à l’ensemble des cartographies de sol et aux cartes de préconisations (semis et fumure) fournies par Opticultures, depuis le portail web MySoyl. « C’est appréciable de pouvoir garder la main sur les cartes. Il est possible de changer la dose par zone, voire même, quand on est dans les champs, de modifier la dose en pourcentage sur l’ensemble de la parcelle. En cas de gros changement météo par exemple, je peux l’ajuster au dernier moment. Il est aussi envisageable de créer une zone en bordure de parcelle pour tenir compte d’un dégât de gibier. Autre cas, au semis de lin, j’ai augmenté la dose en bordure de parcelle en tenant compte des attaques d’altise. »
Un potentiel d’économies sur la fumure de fond
C’est d’ailleurs à l’occasion de l’implantation de lin ce printemps, que l’agriculteur a testé pour la première fois la modulation automatique. « J’ai ajusté la dose à une moyenne de 2 000 graines/m2 avec une variation de plus ou moins 200 gr/m2, selon les zones. Dès cet automne, je vais moduler les semis de blé. »
En ce qui concerne la fertilisation en engrais de fond, la mise en œuvre de la modulation s’avère plus ardue. « C’est impossible à envisager avec des engrais binaire ou ternaire. Je me contente donc de moduler lorsque j’ai la possibilité d’utiliser des engrais simples, tout en sachant que je perds du temps à passer deux fois », regrette l’exploitant. Pour sa première année, Hubert Caron s’est montré prudent en ne suivant pas à la lettre les préconisations fournies par Opticultures pour les betteraves. « Le niveau des doses en phosphore et potasse était tellement bas, que je n’ai pas osé appliquer les baisses en totalité. Je me suis contenté de 50 %. Je n’ai donc pu économiser que 60 euros par hectare sur les 120 potentiels. Cela m’aurait rentabilisé le coût de la prestation dès la première année sur les 20 hectares de betteraves. »
En chiffres
Assolement 2020-2021
270 ha de SAU
130 ha de blé
58 ha de lin textile
40 ha de betteraves
30 ha de pommes de terre
12 ha de haricots
Caractériser le sol avant de moduler
L’ensemble de la surface (102 ha) engagée dans la modulation a été caractérisé par des analyses de sol (une par hectare) et des mesures de conductivité. Les premières permettent d’établir des cartes de teneurs chimiques des parcelles pour différents éléments : phosphore, potassium, magnésium, pH, CEC et calcium échangeable. « J’ai également fait réaliser des cartes de matière organique », précise Hubert Caron. De ces mesures, Opticultures établit des cartes de préconisation en fonction de la culture, du type de sol, de l’historique de fertilisation et des objectifs de rendement. « En détectant les zones carencées, on va pouvoir mettre la bonne dose au bon endroit et ainsi mieux valoriser la fumure de fond. » Dans le forfait de 115 euros par hectare, les préconisations sont fournies pour une durée de quatre ans.
Refaire des analyses de sol au bout de cinq ans
« À partir de la cinquième année, il faut payer un supplément pour obtenir les cartes, mais de toute façon, il est fortement conseillé de refaire des analyses de sol. Cela paraît logique pour évaluer l’effet de la modulation sur l’homogénéisation des teneurs, estime l’agriculteur. Je ferai donc le bilan dans cinq ans et j’envisage de poursuivre la démarche sur le reste de l’exploitation, une fois qu’aura abouti le remembrement lié au canal Seine-Nord Europe. Ces analyses auront, en plus, l’avantage de m’apporter rapidement une connaissance des terres que je vais récupérer. »
Les cartes de modulation de la dose de semis sont établies à partir du zonage obtenu par des mesures de conductivité, associé à un sondage à plus d’un mètre de profondeur caractérisant le sol dans chaque zone. Là encore, le choix des densités se fait en accord avec les objectifs de l’agriculteur.
Avec l’expérience, Hubert Caron pourra par la suite intégrer ses cartes de rendement à la plateforme dans le but d’affiner son diagnostic, mais aussi établir ses propres cartes de modulation. « Cela supposera un investissement supplémentaire de 700 euros par an. » Il prévoit par ailleurs de moduler les épandages de compost réalisés par une ETA.