Essai : Valtra S416 « Un tracteur léger qui valorise bien ses 420 chevaux »
Mathieu Ondet, agriculteur à Manthelan en Indre-et-Loire, a testé le nouveau Valtra S416 cet été durant une semaine. Il nous livre ses impressions sur ce tracteur de 420 chevaux.
Mathieu Ondet, agriculteur à Manthelan en Indre-et-Loire, a testé le nouveau Valtra S416 cet été durant une semaine. Il nous livre ses impressions sur ce tracteur de 420 chevaux.
Dévoilés il y a tout juste un an, les six Valtra de la série S6, développant de 280 à 420 chevaux, sont désormais fabriqués en Finlande, alors que leurs prédécesseurs, les S4, étaient assemblés à Beauvais dans l’Oise. Ces tracteurs logent le six-cylindres Agco Power de 8,4 l qui est dorénavant dépourvu de système EGR de recirculation des gaz d’échappement, au profit d’une baisse de la consommation de GNR, selon le constructeur. Ce moteur délivre un boost de 30 chevaux, excepté sur le modèle S416 essayé, pour lequel la puissance maximale de 420 chevaux est atteinte dès 1 850 tr/min. Tous les S6 reçoivent une transmission à variation continue Agco ML260, dont la fabrication est aussi rapatriée en Finlande. Ils profitent d’un pont arrière et d’une cinématique de prise de force renforcés, afin d’accepter davantage de puissance et de couple.
Jusqu’à 400 l/min de débit hydraulique
Le système hydraulique fournit un débit de 200 l/min, une valeur obtenue à un régime moteur de 1 650 tr/min avec l’option Eco. Ces tracteurs sont également éligibles au circuit 400 l/min, composé de deux pompes load sensing de 200 l/min. Partageant désormais la cabine avec les Q5, les S6 sont personnalisables à souhait, grâce au studio Unlimited, qui permet à l’acquéreur de choisir la couleur, mais aussi de profiter du montage d’usine pour de nombreux accessoires, tels que le télégonflage, le système audio haut de gamme, le graissage centralisé ou encore le dispositif de caméras intelligentes détectant la présence de personnes autour du tracteur.
Les conditions du test
Arrivé fin juillet juste après la moisson, le Valtra S6 de 420 chevaux a surtout été utilisé au déchaumage avec un appareil à disques indépendants Grégoire Besson Occitan de 7 m. Les transferts entre les sites de l’exploitation ont permis de juger son comportement routier. À noter que nous avons bénéficié d’un modèle de présérie, pas autant abouti que les tracteurs de série qui sortiront de l’usine cet automne.
Les plus
Capacité de traction
Gabarit polyvalent
Simplicité d’utilisation
Les moins
Taille de la cabine
Niveau sonore
Commandes du joystick
Au travail « La puissance passe bien au sol »
Avec le lourd déchaumeur (13 t) à grands disques planté à 10 cm de profondeur, ce tracteur, plutôt léger (12 t à vide) au vu de sa puissance, offre une capacité de traction remarquable. Il est bien équilibré avec son empattement de 3,10 m, la masse de 2,3 t sur le relevage avant et celles de 750 kg dans chaque roue arrière élevant son poids à 16 t. Dans les montées sur les chaumes, on arrive à valoriser 100 % de la puissance avec seulement 10 % de patinage. Le moteur très coupleux et la gestion réactive de la transmission laissent la possibilité de limiter le régime moteur, de façon à réduire le bruit en cabine. En jouant sur le droop (réglage de chute de régime), il se maintenait ainsi autour de 1 700 tr/min pour conserver une vitesse de 11 km/h, sauf dans les quelques zones les plus difficiles où l’ASR réduisait automatiquement l’allure pour limiter le patinage. J’ai relevé une consommation moyenne de GNR de 10 l/ha, un chiffre satisfaisant pour le travail effectué avec ce gros déchaumeur. En revanche, il ne faut pas négliger la consommation d’AdBlue qui grimpe à 8 %, obligeant à refaire le niveau à chaque plein de GNR.
Le Valtra S6 est assez maniable, le bon angle de braquage des roues compensant son empattement long. Les séquences de bout de champ sont très simples à enregistrer et à mettre en œuvre. Mais comme elles sont complètement indépendantes des réglages de chaque commande, on ne peut rien modifier en cours de travail sans retourner dans le paramétrage de la séquence. J’ai aussi apprécié la simplicité du système d’autoguidage, qui autorise notamment de définir des lignes après arpentage de la parcelle. La création d’une ligne de guidage est aussi hyperintuitive. En revanche, le système Valtra n’offre pas autant de possibilités de réglages pour affiner le fonctionnement du guidage, en comparaison à la solution que j’utilise sur mes tracteurs.
Sur la route, je n’ai quasiment pas touché aux freins, malgré les 13 t du déchaumeur, grâce à un ajustement très précis de l’effet de frein moteur activé en tirant sur le joystick. Il y a cinq niveaux de réglage, qui procurent une réelle différence de sensation. Ajusté au maximum, le ralentissement est même trop violent à mon goût. Bien que je regrette de devoir toujours être à l’arrêt pour passer en gamme route, la transmission Agco reste un modèle de souplesse et de réactivité. Même si l’on roule souvent à bas régime, le bruit du moteur est encore trop présent dans l’habitacle sur ce tracteur de présérie. Le confort est aussi impacté par le manque de souplesse de la suspension de cabine à deux poumons pneumatiques. Dommage que celle-ci ne soit pas réglable. Il faut espérer que Valtra gomme ces désagréments sur les modèles produits en série.
L’attelage arrière reprend l’agencement bien connu des productions Agco. Il est assez complet, mais on peut lui reprocher d’avoir des distributeurs hydrauliques un peu haut perchés et en retrait du relevage. J’étais par exemple en limite de longueur de flexibles pour atteler le déchaumeur. Même reproche pour les mains du freinage pneumatique. Le gros troisième point hydraulique n’est pas facile à manier. J’aurais apprécié un dispositif qui accompagne son mouvement pour limiter l’effort. Par ailleurs, on remarque que Valtra a mis le paquet pour l’éclairage avec de nombreux projecteurs à LED et des petits détails comme une activation automatique du gyrophare à partir d’une certaine vitesse ou des feux arrière quand on recule. Il y a aussi des répétiteurs de clignotants de chaque côté du toit de cabine.
En cabine « Un habitacle trop étroit »
Valtra réutilise la même cabine que sur les séries N, T et Q. Si celle-ci est modernisée et embarque des équipements supplémentaires, elle souffre de la comparaison avec les tracteurs concurrents de la catégorie des 300-400 chevaux. L’habitacle manque d’espace, surtout en largeur. Pour preuve, je n’arrive pas à pivoter complètement le siège sans que l’accoudoir ne vienne taper sur l’aile. Cela limite aussi l’amplitude de réglage de l’accoudoir. Pour pouvoir proposer un poste inversé en option, le tractoriste n’a d’autre choix que de positionner les rangements en hauteur sur les ailes, ce qui impacte la visibilité. Même s’il reste encore pas mal de plastiques durs, Valtra a soigné la finition : on n’entend aucun bruit parasite. Dommage que l’insonorisation n’arrive pas à filtrer suffisamment le bruit du moteur. Il faut dire que la fixation du pare-brise n’est pas très bien ajustée sur ce modèle de présérie. Ce sera sûrement corrigé [NDLR : Valtra indique que les modèles de série bénéficieront d’une isolation phonique supplémentaire sous les capitonnages et entre le pont arrière et la cabine]. La climatisation m’a paru suffisamment efficace. Attention, quand il fait très chaud, l’accumulation des bruits de ventilation de la climatisation, du siège ventilé et celui du rangement refroidi, ainsi que de la glacière rajoutée au bas de la vitre de droite, peut devenir fatigante.
L’accoudoir multifonction est très simple à prendre en main, les commandes étant bien identifiées. Valtra fait le choix d’un joystick sans trop de boutons, ce qui le rend accessible, mais qui limite la personnalisation. Le choix de certaines fonctions est discutable. Pourquoi y intégrer la sélection des deux gammes alors qu’elle se fait à l’arrêt ? Plutôt qu’un curseur actionné latéralement, que l’on peut confondre avec ceux des deux distributeurs, j’aurais préféré une commande d’inverseur par basculement du levier à gauche, sachant qu’on active la vitesse cible par un mouvement à droite. La petite molette définissant la vitesse cible est pratique, mais il est regrettable qu’au-delà de 10 km/h elle ne devienne pas suffisamment précise. À noter que l’on peut passer du joystick à la pédale et inversement, sans appuyer sur un bouton. La simplicité des commandes du relevage est appréciable avec deux curseurs pour la butée basse et deux boutons pour la commande pas à pas, tous les autres réglages s’effectuant dans le terminal. Je n’ai pas bien compris la logique de l’automatisme du pont avant pour lequel on ne peut définir ni angle ni vitesse. Si l’on veut qu’il se coupe en bout de champ, il faut l’intégrer à une séquence.
Les écrans d’affichage sont de très belle qualité, aussi bien le grand tableau de bord sur le montant avant droit, que les deux terminaux. C’est intéressant d’avoir une seconde console pour les fonctions GPS et Isobus, mais ça prend de l’espace. L’ordinateur de bord offre une lecture claire des paramètres de base en partie supérieure et dans la zone inférieure, il est possible de faire défiler différentes informations, ce qui le rend particulièrement complet. Le terminal de l’accoudoir est très intuitif, grâce à la vue arrière et avant du tracteur réunissant tous les points de réglages. On dispose aussi d’un affichage découpé en quatre parties personnalisables. La navigation est réactive. Les réglages du moteur et de la transmission sont graphiquement très réussis. C’est très accessible, mais il manque parfois d’un peu de finesse dans certains paramètres. Je regrette par exemple l’absence d’ajustement de la progressivité du joystick pour l’avancement. Un grief qui ne s’applique pas aux distributeurs, dont les réglages sont très complets. Cela conduit Valtra à ne pas mettre de code couleur faisant correspondre les fingertips avec les prises hydrauliques de l’attelage. Dans tous les cas, on peut mémoriser les réglages par outil et par chauffeur.
Entretien « Un rangement astucieux logeant une vraie caisse à outils »
Le grand capot dégage bien l’accès au moteur. À l’avant, le système de refroidissement se compose de radiateurs fixes suffisamment espacés pour facilement les souffler. Au passage, on observe l’intégration soignée du relevage avant doté de commandes complètes. À gauche du moteur, il faut tourner les roues pour atteindre directement la jauge d’huile et le filtre à gazole, sans retirer de capot supplémentaire. Perché au-dessus du moteur, le filtre à air n’est accessible qu’en montant sur le pont avant. Le filtre à huile situé de l’autre côté se dévisse sans retirer le panneau latéral. En restant à droite de la cabine, on découvre un agencement astucieux comprenant une échelle, qui se déploie pour atteindre en sécurité une grande plateforme utile au nettoyage de la vitre latérale. À l’arrière de cette échelle, en retirant un capot, on atteint facilement la batterie et les fusibles. Au même niveau, se situe le remplissage de l’huile hydraulique, ce qui nous rappelle que ce tracteur à l’avantage d’avoir des huiles séparées. Sur le bas de l’échelle, un grand espace de rangement permet d’accueillir une vraie caisse à outils, que l’on peut faire glisser sur la trappe s’ouvrant à l’horizontale. Enfin, en retournant de l’autre côté de la cabine, au sommet du large marchepied, on profite de bornes de batterie, d’une prise électrique et d’une connexion pneumatique. J’apprécie aussi la seconde boîte de rangement intégrée au réservoir.
Fiche Technique
Valtra S416
Moteur
Puissance maxi : 420 ch à 1 850 tr/min
Couple maxi : 1 750 Nm à 1 500 tr/min
Cylindrée : 8 400 cm3
Norme et système de dépollution : Stage V avec FAP/DOC/SCR
Capacité d’huile du moteur : 20 l
Espace entre chaque vidange : 500 h
Transmission
Type : Variation continue
Régime moteur à 40/50 km/h : 1 390/1 570 tr/min
Régimes de prise de force et régime moteur correspondant : 540E/1000/1000E à
1 577/1 882/1 605/tr/min (Av. : 1000 à 1900 tr/min)
Circuit hydraulique
Type : Load sensing
Débit : 200 l/min à 1 650 tr/min
Volume d’huile hydraulique exportable : 75 l
Nombre de distributeurs de série : 4 (6 en option)
Relevage
Capacité aux rotules sur toute la course (arrière/avant) : 12/5,8 t
Dimensions
Capacité du réservoir de carburant/AdBlue : 630/55 l
Hauteur hors tout : 3,38 m
Empattement : 3,10 m
Poids à vide : 12 t
PTAC : 18 t à 40 km/h (16 t à 50 km/h)
Monte pneumatique du modèle essayé : VF750/70 R44 et VF650/60 R34
Budget
Prix catalogue au 01/09/2024 : 379 601 euros HT