Cuma du petit ruisseau, Carrouges, Orne : La Formule 1 des andaineurs
Bien que coûteux, les andaineurs à pick-up et tapis offrent de multiples bénéfices en termes de qualité, de modularité et de débit de chantier.
Démocratisés par les usines de déshydratation de luzerne, les andaineurs à tapis, aussi appelés mergers, commencent à connaître un certain succès auprès des agriculteurs. " En France, il y a une prise de conscience par les éleveurs de l’intérêt qualitatif de l’herbe et d’autres fourrages comme la luzerne, remarque Jean-Marie Christ de Kuhn, avec une vraie 'culture' de l’herbe." Cet aspect qualitatif se traduit de deux façons : la propreté du fourrage et sa valeur nutritionnelle. Et sur ces deux aspects, l’andaineur à tapis se révèle être l’outil le plus performant. "Comparativement à des andaineurs à rotors, on estime à 4 à 5 points de protéines le gain avec un appareil à tapis sur des cultures telles que le trèfle ou la luzerne, du fait d’un effeuillage bien moindre, explique Romain Houdayer, qui importe les andaineurs à tapis ROC. C’est autant de compléments protéinés en moins à rajouter à la ration."
Constitués d’un pick-up qui soulève le fourrage avant de le déposer sur un tapis qui le transporte latéralement, les andaineurs isolent le fourrage de la terre, au contraire des andaineurs à rotors ou à soleil qui déplacent terre et cailloux avec le fourrage. Le fourrage andainé avec des appareils à tapis est donc moins vecteur de problèmes de butyriques. Le fait de commencer par soulever le fourrage limite son accumulation dans les ornières, lorsqu’il y en a.
La réduction drastique de la terre et des cailloux dans le fourrage se ressent également en termes d’usure des couteaux sur les ensileuses et remorques autochargeuses qui récoltent à la suite de l’andaineur. "Un entrepreneur du Luxembourg estime à deux fois moins fréquents les affûtages de couteaux d’ensileuse derrière un appareil à tapis", illustre Jean-Marie Christ.
À 20 km/h dans les parcelles
Du fait de leur utilisation à l’origine industrielle, ces machines, capables d’avaler des milliers d’hectares chaque année, se montrent relativement coûteuses. Compter autour de 10 000 euros du mètre linéaire pour un appareil semi-porté arrière, destiné principalement à des ETA ou des Cuma, et autour de 20 000 euros pour un andaineur porté frontal de 3 m de large, davantage plébiscité par un agriculteur seul. Cela représente le double, voire plus, d’un andaineur à rotors de largeur comparable. "En revanche, un appareil à tapis évoluera à 15-20 km/h, quand un andaineur classique plafonnera dans les mêmes conditions à 8-9 km/h, explique Jean-Marie Christ. On comparera donc le prix d’un merger avec celui d’un engin à rotor deux fois plus large." Pour le chef produit, cette vitesse de travail est un atout capital dans le succès d’une récolte. "En France, l’andainage est souvent le facteur limitant, explique-t-il. Or, il est essentiel d’intervenir rapidement lorsque le fourrage approche du taux de matière sèche optimal. Trop sec, il sera dur à ensiler, à tasser et à conserver. La vitesse de travail distingue le merger des autres andaineurs. On peut rapidement mettre en andain et récolter au bon moment." Ceci d’autant que les andains derrière un merger sont plus réguliers, engendrent donc moins de changements de vitesse et favorisent une meilleure alimentation de l’ensileuse. Romain Houdayer d’ajouter : "la forme de l’andain et son homogénéité en termes de densité sur toute sa largeur permettent, devant une presse, d’avoir des balles jusqu’à 80 à 100 kg plus lourdes".
Autre argument à prendre en compte : la valeur de revente. "Affichant 90 000 hectares et 10 saisons au compteur, les premiers andaineurs ROC de 9,50 m de large cotent 35 000 à 40 000 euros et sont encore en bon état, explique Romain Houdayer. Dans un cadre purement agricole, on atteindra jamais ce nombre d’hectares." L’importateur ajoute un autre atout : la plus grande plage d’utilisation : " pour des installations de méthanisation, nous avons fait des essais de ramassage de fanes de maïs grain et de couverts végétaux à des périodes avancées dans l’année et sur des sols qui ne sont pas encore tassés, stabilisés. Le ramassage par un pick-up réduit considérablement, dans les résidus collectés, le volume de terre qui sédimentera par la suite dans les cuves".
Des andaineurs de plus en plus modulables
Animés par l’hydraulique du tracteur (minimum 30 l/min), les andaineurs à tapis frontaux peuvent déposer le fourrage à gauche comme à droite. Disposant généralement d’une centrale hydraulique animée par la prise de force du tracteur, les versions semi-portées arrière se composent de deux ou trois éléments. Selon le choix du conducteur et selon les modèles, les tapis évoluent ou non dans le même sens et l’élément central s’escamote ou non, l’appareil agissant alors juste comme un retourneur d’andains (en déposant sur un sol sec) ou réduisant le nombre d’andains. Dans des situations avec de faible volume à l’hectare, cette modularité permet, en multipliant le nombre de passages, de rassembler de grandes largeurs pour former un cordon suffisamment volumineux pour bien occuper l’engin de récolte qui suit.
" Plus de séchage naturel et de qualité "
Sept membres de la Cuma ont investi dans un andaineur à tapis ROC de 9,50 m, dans le cadre d’une réflexion globale sur la récolte de l’herbe. "Auparavant, nous déléguions la fauche à une ETA, réalisée avec un combiné équipé d’un regroupeur, explique Philippe Legendre, trésorier de la Cuma. Nous cherchions à diminuer les interventions mécaniques et à favoriser la qualité, notamment pour la luzerne et le trèfle. Pour cela, nous avons investi, entre autres, dans un groupe de fauche de 9 mètres, qui étale l’herbe sur toute la largeur pour profiter au maximum du séchage naturel, et dans un andaineur à tapis qui reprend la même largeur et effeuille au minimum pour garder la qualité."
"Cet investissement va soulager l’autre andaineur, à double rotor, qui était trop sollicité", poursuit Frédéric Sablé, le président. Aidé d’une subvention régionale de 40 %, le nouvel andaineur est plus facilement amortissable (82 000 euros prix tarif). "Il faut aussi prendre en compte les gains d’usure des couteaux de l’ensileuse, les économies de compléments alimentaires et l’optimisation de la valeur du fourrage, ajoute le trésorier. À taux de matière sèche moyen équivalent, il vaut mieux privilégier un outil qui favorise un fourrage plus homogène. Et dans les regains, on pourra rassembler, sans contaminer le fourrage avec de la terre, de grandes largeurs pour obtenir de beaux andains et optimiser les engins de récolte."