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Lutte contre le gel : « Il faut réserver la taille tardive aux parcelles viticoles les plus gélives et pas trop chétives »

Benjamin Bois, chercheur à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, en Bourgogne, a travaillé sur la taille en deux temps dans le cadre du projet PhysioVigne. Pour lutter contre le gel, la taille d’avril serait plus intéressante que celle de mars.

Taille de la vigne avec le sécateur électrique viticole sans fil Mage Sam 25, fonctionnant avec batterie au Li-ion, à Mâcon, dans les vignes du Vitilab, en octobre 2022
Finir de tailler les vignes après le débourrement a une meilleure efficacité sur le décalage physiologique, ce qui est intéressant pour lutter contre le gel.
© C. de Nadaillac

Quelles pratiques de taille avez-vous comparées ?

 

 
Benjamin Bois, chercheur à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, en Bourgogne, en charge du projet PhysioVigne.
Benjamin Bois, chercheur à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, en Bourgogne, en charge du projet PhysioVigne. © B. Bois

B. B. : Dans le cadre du projet PhysioVigne, nous avons travaillé sur la taille en deux temps, qui est pratiquée dans toutes les régions de France pour lutter contre le gel. Il s’agit de tailler en période hivernale, tout en gardant les bois des branches à fruits (baguettes et coursons) sans les raccourcir.

Dans le cadre de notre essai, nous avons réalisé cette première partie de la taille fin février. Le témoin a été entièrement taillé à ce moment-là aussi. Puis nous avons effectué la seconde partie de la taille selon deux modalités : fin mars (taille tardive un peu avant le débourrement) et fin avril (taille très tardive après le débourrement). Les essais ont été menés sur pinot noir et chardonnay avec des blocs randomisés, durant trois millésimes.

Quelle est la période de taille qui donne les meilleurs résultats ?

B. B. : Nous avons constaté une plus grande efficacité de la taille post-débourrement sur le décalage physiologique. Du fait de l’acrotonie, le débourrement commence par le bout du sarment. Puis on le rabat. Cela implique un retard de trois à huit jours sur chardonnay et de un à huit jours sur pinot noir. Ce n’est pas toujours un succès mais on gagne en moyenne une petite semaine, qui peut faire toute la différence.

En revanche, tailler un peu avant le débourrement n’a pas eu d’impact significatif dans le cadre de nos essais.

Quel est l’impact de cette taille tardive sur le rendement de la vigne ?

B. B. : Les écarts n’ont pas été significatifs. En 2021, nous avons noté une hausse de 20 % du nombre et du poids des grappes de chardonnay avec la taille tardive par rapport au témoin, mais avec un écart non significatif. Ce comportement est peut-être dû au froid d’avril, qui n’a pas favorisé des rendements élevés. Les modalités en taille tardive auraient alors été moins marquées car les bourgeons auraient été mieux protégés à ce moment-là. En 2022, à l’inverse, nous avons assisté à une baisse du rendement de 15 %, mais là non plus les écarts ne sont pas significatifs. En 2023, la baisse a été significative, de l’ordre de 20 %. Cette baisse de rendement est peut-être due à la diminution de la fertilité de la plante car le nombre de grappes était moindre, alors que le poids des grappes est resté stable. Une hypothèse est que la vigne aurait tiré sur ses réserves durant trois années de suite.

Nous recommandons donc d’éviter ces pratiques de taille tardive sur les parcelles ayant des problèmes de rendement et de la réserver aux zones les plus gélives et pas trop chétives. Il faut suivre la précocité des différentes parcelles au moment où un événement gélif est prévu et se concentrer sur les zones les plus en avance.

Il faut vraiment être attentif sur ce genre de pratiques, et contrôler le rendement à long terme car il y a peu d’études sur la durée.

L’ébourgeonnage post-gel est-il intéressant ?

B. B. : Les domaines étaient curieux de savoir s’il est préférable, ou non, d’ébourgeonner une vigne après un gel et de connaître l’impact de cette pratique sur les rendements. Les résultats observés n’ont pas montré grand-chose ; les différences de rendement n’étaient pas significatives. Néanmoins, nous avons validé le fait qu’un ébourgeonnage en post-gel ne pénalise pas les rendements. L’opération avance peut-être un peu le stade phénologique (+1,7 point sur l’échelle de Eichhorn et Lorenz), mais cela serait à vérifier sur la durée car nous n’avons travaillé sur cet aspect que durant une année.

Par ailleurs, nous avons récolté beaucoup d’informations sur la fertilité des différents yeux. Les bourgeons les moins fertiles sont ceux des vieux bois et de la couronne. En post-gel, un ébourgeonnage « raisonné » peut donc être pratiqué par le viticulteur qui pourra enlever en priorité ces bourgeons-là, avec parcimonie, pour faciliter la taille hivernale suivante.

Qu’avez-vous vérifié sur la fertilité des bourgeons ?

B. B. : Les yeux de la couronne sont moins fertiles que ceux des doubles bourres qui eux-mêmes le sont moins que les bourgeons latents supérieurs. De même les bourgeons du vieux bois sont moins fertiles que ceux des bourgeons du courson, eux-mêmes moins fertiles que les bourgeons de rang supérieur à deux sur la baguette.

Quels autres enseignements retirez-vous de ces travaux ?

B. B. : Lorsqu’on veut mettre en place des expérimentations, il est primordial de bien travailler par répétition et non de couper en deux la parcelle. Car il peut y avoir une zone plus gélive, y avoir une influence d’une forêt à proximité, etc. Toutes ces différences biaisent les résultats.

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