Logistique : la plate-forme, zone à haut risque pour les fruits et légumes
Plusieurs travaux du CTIFL montrent que le passage en plate-forme peut avoir une importance vitale pour la conservation et la qualité des fruits et légumes. Des solutions existent.
Plusieurs travaux du CTIFL montrent que le passage en plate-forme peut avoir une importance vitale pour la conservation et la qualité des fruits et légumes. Des solutions existent.
Le 26 mars dernier, le CTIFL a organisé un webinaire portant sur les impacts de la chaîne logistique sur la qualité et la conservation des fruits et légumes. Le thème est d’actualité dans la mesure où le consommateur porte toujours un jugement assez sévère sur la qualité des produits qu’il trouve en fin de chaîne, sur les étals.
Les fruits et légumes sont soumis à des facteurs physiques externes (température, hygrométrie, vitesse de l’air, lumière mais aussi chocs mécaniques), qui les rendent fragiles et à durée de vie courte. Que se passe-t-il pendant ce moment crucial dans leur parcours depuis l’exploitation vers le distributeur : le passage en plate-forme ?
Temps et température
D’une manière générale, la palette passe par trois zones différentes : le quai de réception (avec l’agréage), la zone stockage/préparation de commandes et le quai d’expédition. Les travaux du CTIFL montrent qu’un nombre important de critères vont influer. La température en premier lieu : les quais de réception et d’expédition sont majoritairement entre 2 °C et 4 °C, alors que la zone de préparation et de stockage est entre 8 °C et 10 °C. Ces températures sont souvent fixées pour l’ultra-frais, et elles ne sont du coup pas idoines pour certaines variétés (salades, fruits exotiques).
Ensuite, le temps passé en plate-forme est aussi différent : entre 5 heures (flux tendu) et 5 jours (produit stocké) pour la zone de préparation, entre 3 et 30 heures en expédition sur le quai d’expédition. Un retard de livraison ou de mauvaises conditions de ventes peuvent allonger le temps d’attente. Il est aisé de figurer les effets sur les fruits, qui plus est, lorsque ceux-ci présentent des niveaux de maturité différents.
Des chocs jusqu’à -2 °C
Le transport aussi peut avoir des effets sur la qualité.
Le CTIFL a ainsi mené des expériences d’enregistrements thermiques. Des capteurs ont été placés dans deux palettes de pommes (haut, médian, bas) circulant dans un camion entre la station et un grossiste en région parisienne. Une a été placée sous le groupe froid et l’autre près des portes du véhicule. Les résultats montrent une forte hétérogénéité, mais discernent certaines constantes : les colis placés en haut de palette sont très sensibles aux variations de température alors que ceux au milieu montrent une certaine inertie.
Une autre palette filmée a été suivie sur une plate-forme pendant 16 heures en zone ultra-frais (3 °C). Pendant la période, elle n’aura pas atteint la température ambiante (effet du film, hauteur de plafond ne demandant pas d’air forcé, respiration des fruits créant de la chaleur). En revanche, embarquée dans un camion ultra-frais, elle a dû encaisser jusqu’à -2 °C au départ (lancement du groupe froid). Et durant le temps de livraison, les fruits sont soumis à des variations de températures, suite aux ouvertures répétées des portes.
Test sur des tomates
Certaines solutions peuvent être envisagées pour limiter la casse. Dans l’entrepôt, une diffusion douce du froid (gaine textile), la définition de zones spécifiques selon les produits (zone humide/sèche), l’organisation de chambres de stockage selon les espèces (avec si besoin capteur d’éthylène) en font partie. Systématiser le douchage à réception des légumes feuilles serait aussi bénéfique : le niveau d'hygrométrie des plate-forme ne dépasse pas 80%, ce qui s'avère trop peu pour certaines espèces.
La pose d’une coiffe (plaque en carton) en haut de la palette est aussi une option à considérer. Un test a été effectué sur deux palettes de tomates, une avec coiffe, l’autre sans, et placées sous le groupe froid d’un camion entre le Sud-Est et Rungis : la coiffe a permis de limiter de 1,5 °C la descente en température du colis supérieur et elle a réduit de moitié les amplitudes liées au fonctionnement du groupe froid.
Au niveau de la plate-forme, le CTIFL évoque aussi une meilleure transmission d’informations entre les parties prenantes, fournisseur et client. Il s’agit de travailler sur de « bons flux », qui puissent inclure la double nécessité du « pas de stock » et du « pas de rupture ». Et particulièrement pendant les périodes de forte production, une meilleure organisation sur les rendez-vous de livraisons et les délais de réception pourraient agir positivement sur la conservation globale des fruits et légumes.
Bien évidemment, la formation du personnel à tous les niveaux de la chaîne s’avère indispensable :
Enfin, lancé cette année, le projet EcoFreshChain – coordonné par l’unité Frise (Génie des procédés frigorifiques pour la sécurité alimentaire et l’environnement) de l’Inrae avec cinq partenaires (dont le CTIFL) – a pour but de concevoir un nouvel emballage biodégradable pour préserver les fruits et les légumes le long de la chaîne post-récolte jusqu’à la consommation.