Le pâturage hivernal des vaches laitières testé et approuvé à Trévarez en Bretagne
La ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, a testé le pâturage hivernal pendant deux hivers, trois heures par jour, sur le troupeau bio. Une expérience concluante à la fois pour les vaches et les prairies.
La ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, a testé le pâturage hivernal pendant deux hivers, trois heures par jour, sur le troupeau bio. Une expérience concluante à la fois pour les vaches et les prairies.
Faire pâturer les vaches en lactation quelques heures par jour permet un apport en protéines de qualité pour rééquilibrer leur ration sans coût supplémentaire. Cette pratique peut se montrer particulièrement intéressante en bio, où l'hiver s'avère la période la plus complexe à gérer, le niveau des rations en protéines et en énergie se révélant souvent limitant.
Quelles sont les conséquences du pâturage hivernal pour les laitières et les prairies ? C'est ce qu'a testé la station expérimentale de Trévarez dans le Finistère, en climat océanique, sur son troupeau de vaches laitières en bio, avec des résultats encourageants sur les deux derniers hivers. Avec un temps d’accès au pâturage court de trois heures par jour, les animaux n’ont pas dégradé la prairie en hiver et la reprise en végétation a été favorable au printemps. Le lot en pâturage hivernal a produit deux kilos par vache et par jour en plus par rapport au lot témoin en bâtiment.
Un temps de retour sur les paddocks de 45 jours
Le troupeau de cinquante laitières a en effet été scindé en deux lots sur une période de huit semaines. Chacun recevait une même ration à l'auge, mais l'un restait au bâtiment tandis que l'autre sortait au pâturage. Les vaches pratiquaient un pâturage tournant sur 12 hectares, avec 1 à 2 jours par paddock de 0,5 hectare pour environ 25 animaux, soit un temps de retour de 45 jours. Les parcelles, sur sols limoneux-argileux, se révélaient assez portantes en faible pente avec des prairies en ray-grass anglais-trèfle blanc de 2 à plus de 7 ans.
Le pâturage se réalisait au fil avant en fonction de la quantité d’herbe disponible, avec deux tours de pâturage pendant la durée de l’essai. La hauteur d’herbe moyenne à l’entrée des parcelles mesurait 6,8 cm au premier tour et 5 cm au deuxième tour. Ces parcelles avaient été précédemment pâturées à l’automne.
Plus de lait pour le lot pâturant
Les résultats des deux premiers hivers montrent une augmentation de la production laitière en faveur du lot pâturant (1,5 à 2 kg de lait en moyenne) et peu d’effet sur les taux qui s'élèvent à 49,4 pour le TB et 34,8 pour le TP en moyenne. L’impact s'est montré également faible sur l’état corporel des animaux avec des notes similaires pour les deux lots et peu d’évolution du poids entre le début et la fin de l’essai (pesée réalisée tous les quinze jours).
De bonnes valeurs alimentaires pour l’herbe d’hiver Valeurs alimentaires moyennes de l’herbe d’hiver du système bio de Trévarez | ||||
Hiver 2022-2023 | Printemps 2023 | Hiver 2023-2024 | Printemps 2024 | |
Matière sèche | 14,8 % | 13,3 % | 16,7 % | 13,9 % |
Matières azotées totales | 20,5 % | 22 % | 20,5 % | 20,5 % |
UFL | 0,82 UFL/kg MS | 0,94 UFL/kg MS | 0,84 UFL/kg MS | 0,94 UFL/kg MS |
PDI | 91 g/kg MS | 98 g/kg MS | 93 g/kg MS | 93,4 g/kg MS |
L’herbe d’hiver reste jeune et feuillue, donc de bonne qualité. Les valeurs alimentaires mesurées sur la ferme expérimentale Source : ferme expérimentale de Trévarez |
Quant aux prairies, leur rendement est resté le même, que la prairie soit pâturée en hiver ou non. Des zones non pâturées ont été délimitées au milieu de certaines parcelles, ce qui a permis de simuler ce que ces pâtures seraient devenues si elles n’avaient pas été exploitées. Cinq zones en défens de 40 m2, interdites au pâturage, ont été analysées par an.
De faibles conséquences sur les prairies
Pas d’amélioration des prairies, mais pas de dégradation non plus. La quantité d’herbe en sortie d’hiver se révèle néanmoins plus faible dans les zones pâturées, ce qui retarde d’une semaine la pousse de l’herbe. Cela peut s'avérer un inconvénient, mais aussi devenir un avantage si les conditions printanières ne permettent pas d’exploiter les prairies en sortie d’hiver, comme ce fut le cas au printemps dernier.
L’absence de repos hivernal n'a pas dégradé la pousse. Aucune différence de pousse n'a été observée au terme des deux années entre les zones pâturées et non pâturées, bien que ces zones soient restées inchangées pendant deux hivers. La composition floristique des deux zones est également restée identique pendant la repousse au printemps.
Le couvert végétal n’a pas été endommagé par le pâturage hivernal, comme l'indique l'estimation de la surface de sol nu dans les prairies. Au printemps, le couvert pâturé était dans le même état que la zone non pâturée.
Un essai conduit en deux lots
- Le troupeau de 50 vaches laitières croisées de Trévarez rassemble des animaux en deux périodes de vêlages printemps et automne. Pendant deux hivers (2022-2023 et 2023-2024), il a été séparé en deux lots sur une période de huit semaines (décembre et janvier). Le lot témoin restait au bâtiment avec une traite robotisée alors que le lot expérimental disposait en plus d’un accès au pâturage trois heures par jour le matin et un accès prioritaire au robot avant de sortir.
- Les deux lots recevaient une ration équivalente à l’auge (5 kg MS maïs, ensilage d’herbe à volonté (environ 7 kg MS), 2 kg MS enrubanné de luzerne et 2,5 kg MS de mélange céréalier fermier : triticale, avoine et pois avec un objectif de 5 % de refus.
Le saviez-vous ?
Certains éleveurs pratiquent également le bale grazing hivernal, consistant à poser des balles d'enrubanné ou du foin (déroulés ou non) sur une prairie et à y donner accès aux animaux au fur et à mesure de l’hiver en organisant des bandes de pâturage.
Pour en savoir plus
Le pâturage hivernal d’animaux en croissance ou de vaches taries en 100 % pâturage est de plus en plus pratiqué dans le Grand Ouest. Certaines pratiques ont été testées en stations expérimentales : le pâturage hivernal de génisses laitières gestantes sur la ferme conventionnelle de Trévarez, de bœufs normands sur la ferme de la Blanche Maison en Normandie, et des bœufs limousins ou croisés à Thorigné d’Anjou dans les Pays-de-la-Loire. Les résultats de ces études, similaires à ce qui a été observé à Trévarez en bio, sont disponibles sur le site FarmXP.fr