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Le marché des reproducteurs bovins allaitants à l’heure du coronavirus

Sur le marché intérieur, le commerce des bovins reproducteurs allaitants est pénalisé par la décapitalisation, la mauvaise conjoncture et les craintes d’une année climatique difficile. Les débouchés à l’export demeurent mais seront pour partie décalés. L’arrivée du coronavirus a fait émerger de nouvelles façons de travailler. Bien des interrogations persistent pour les semaines à venir.

Giuseppe Pantaleoni, dirigeant de KBS Genetic ; Daniel Miquel, responsable commercial du GIE Aubrac ; Simon Perrot, à la tête de Simon Genetic et François Nolorgues, SARL Nolorgues
© F.Alteroche - B.Griffoul

Le commerce des animaux reproducteurs est forcément pénalisé par la mauvaise conjoncture pour la viande finie et l’actuelle contraction du cheptel allaitant français ne favorise évidemment pas la création de nouveaux troupeaux. Pour autant et même si elle demeure modeste et très difficile à quantifier, il y a toujours en France une demande pour quelques lots de femelles de renouvellement correspondant à de rares augmentations de cheptels, à des reconversions du lait vers la viande mais également à la décision d’introduire une nouvelle race dans certains élevages.

Nécessité de renouveler régulièrement les taureaux

La demande en mâles reproducteurs demeure à peu près constante. Elle correspond tout simplement à la nécessité de renouveler régulièrement les taureaux. Les opérateurs des différentes structures commerciales interrogés pour les besoins de cet article soulignent toutefois que pour les mâles destinés à être utilisés dans les élevages français, une bonne partie de l’activité se traite directement d’éleveur à éleveur, sans intermédiaire. À côté des petites annonces, sur des sites généralistes comme sur des sites plus spécialisés, la bonne réputation d’un élevage est forcément un atout, mais les réseaux sociaux et surtout Facebook sont de plus en plus usités comme vitrine numérique. Cela permet de montrer les animaux à distance en réactualisant régulièrement les données tout en permettant d’avoir un premier aperçu sur le contexte dans lequel ils sont élevés. Au moins dans un premier temps, cela peut inciter à une première prise de contact.

Pas de problème de transport…

La possibilité de transporter les animaux a maintenu le flux d’activité pour les transactions déjà finalisées ou en cours de finalisation au 15 mars dernier. Une donnée valable pour les animaux d’élevage destinés au marché français comme pour ceux destinés à l’export. « Notre métier faisait partie des activités prioritaires. Les frontières 'intra-Schengen' sont restées ouvertes au transport de bétail. Nous avons pu livrer les marchés en cours sur des pays comme la Pologne, la Lituanie, l’Espagne et l’Italie », souligne Olivier Rambert, responsable commercial d’Interlim. « Nous avons travaillé avec neuf pays depuis le début de l’année. Italie et Espagne continuent de totaliser le gros des volumes », indique Giuseppe Pantaleoni, principal actionnaire et dirigeant de la société KBS Genetic. « Il convient de saluer le travail des chauffeurs routiers qui ont réalisé ces transports sur de longues distances dans des conditions difficiles dans la mesure où la plupart des stations d’autoroute étaient fermées, donc pas de possibilité d’avoir accès à des repas chauds ou aux sanitaires. Ils ont eu pendant quelques semaines des conditions de travail bien particulières », ajoute Daniel Miquel, responsable commercial du GIE Aubrac.

Bonne activité à l'export compte tenu du contexte

Dans ce contexte, le volume d’animaux vendus est globalement en recul comparativement aux années précédentes mais à des niveaux divers selon les opérateurs. Pour certains, les ventes sur le marché intérieur ont pour partie compensé ce qui n’a pas pu être exporté. Pour d’autres — les plus nombreux — ce serait plutôt l’inverse avec même parfois de très bons résultats grâce au travail de fond réalisé bien en amont de la transaction. « En France, j’ai pu travailler en confiance avec différents clients que je connais de longue date. Le GIE a également commercialisé à l’export quelque 300 têtes sur la Roumanie, la République tchèque, la Belgique, le Luxembourg et l’Espagne. Certains animaux ont été exportés après que les clients aient simplement vu photos et vidéos. Tout s’est bien passé. À l’échelle de la race Aubrac, ce sont des chiffres importants », précise Daniel Miquel.

Les semaines de confinement n’ont pas empêché de travailler (veille client, prospect, envoi de photos et vidéos…). « Comme tout le monde, lors des premières semaines de confinement, j’ai d’abord fait du télétravail », souligne Patrick Simon responsable commercial de Charolais Expansion. « Mais une fois que gel hydroalcoolique et masques ont été disponibles, j’ai pu commencer à reprendre des tournées sur le terrain, de façon également à alimenter en images et vidéos notre site internet. »

Internet et réseaux sociaux de plus en plus utilisé

Même si ce volet s’était déjà bien développé, ces envois de photos et vidéos pour compléter les données habituelles (origines, niveaux d’indexation) ont encore pris de l’importance ces dernières semaines. Certains opérateurs avaient depuis déjà plusieurs années largement recours à ces outils sur leur site internet pour mettre en avant des animaux reproducteurs mais également des élevages. Dans un sens, cela leur a permis d’avoir une longueur d’avance dans cette façon de travailler. "J’avais quelque 800 animaux présentés en ligne sur mon site au moment où le confinement a démarré. Cela a constitué un sérieux atout dans la mesure où, sauf rares exceptions, je n’ai quasiment pas tourné en élevage pendant deux mois", souligne Simon Perrot, à la tête de Simon Génétic, une jeune entreprise qui, en quelques années a su se faire une belle notoriété auprès de la plupart des sélectionneurs de la race Charolaise. Et d’ajouter : "le fait d’avoir ce gros volume d’animaux disponible nous a attiré des clients supplémentaires qui n’avaient jusqu’à présent jamais acheté chez nous. Cette immobilisation forcée a également été mise à profit pour mettre à jour des tâches administratives, faire des mises à jour trés régulières de notre site qui a été beaucoup consulté, puis vendre des animaux, essentiellement par téléphone." Ces achats à distance sans même voir les animaux sur pied constituent indéniablement un fait nouveau. Ils auront clairement pris de l’importance tout au long de la période de confinement et il en restera forcément quelque chose pour les mois et années à venir. Simon Perrot de préciser également toute l’importance de réaliser des photos et vidéos de bonne qualité pour que les animaux puissent être réellement mis en avant à l’écran. « Pendant le confinement, KBS a chargé un camion de génisses pour un client roumain. Je lui ai envoyé de bonnes vidéos. Nous avons travaillé en confiance sans que le client puisse les voir autrement avant de conclure la transaction. Une fois les animaux livrés il a été pleinement satisfait. », souligne Giuseppe Pantaleoni.

KBS a aussi initié la vente de taureaux via des photos et/ou vidéos accessibles depuis son site. « On a démarré mi-avril. C’est tout à fait intéressant avec plusieurs transactions à la clé. Il faut analyser cela comme une évolution de notre métier. Il faut se réinventer. » « On peut vendre par internet certains reproducteurs, mais pour des animaux dont le prix demandé franchit le cap des 8 000 à 10 000 euros, les acheteurs veulent les voir sur pied eux et au moins une partie de leurs apparentés. Pour de tels montants cela paraît bien normal », estime de son côté Patrick Simon.

… Retour très attendu des étrangers

Pour autant, tous les acteurs du commerce de la génétique sur pied attendent désormais avec impatience la possibilité de recevoir leurs clients pour redémarrer leurs visites sur le terrain. « Pour l’instant (NDLR : première semaine de juin), nos clients étrangers ne savent pas s’ils pourront venir pour envisager des tournées d’achat et quand ils pourront le faire. Cela complique forcément le commerce », souligne Patrick Simon. « J’ai bon espoir pour qu’au moins une partie de cette clientèle puisse revenir en cours d’été ou à l’automne », veut croire François Nolorgues, négociant en animaux d’élevage Aubrac et Salers dans l’Aveyron, de façon à récupérer au moins une partie des ventes qui n’auront pas pu se conclure ce printemps.

Encore bien des incertitudes

Il y a encore à ce jour bien des incertitudes. Les clients ne savent pas s’ils pourront venir et quand ils pourront le faire. Difficile dans ces conditions de planifier déplacements et visites d’élevages. Ce qui est vrai pour la venue des étrangers en France l’est aussi pour les déplacements des commerciaux français hors de nos frontières afin de prospecter de nouveaux marchés. "J’ai plusieurs déplacements notamment dans des pays de l’Est de l’Union européenne qui sont tombés à l’eau ", regrette Simon Perrot. Les interrogations sur la tenue des concours et salons compliquent encore un peu plus ce travail de planification en amont. « Notre plus grosse difficulté dans ce contexte post-Covid est de ne pas avoir de réelle visibilité sur l’avenir. Je redoute aussi la crise économique qui s’annonce. Même si elle peut sembler éloignée de nos métiers, elle pourrait bien par ricochet avoir un impact sur nos activités », s’inquiète François Nolorgues.

Sans vaccin dans les bons délais pas de possibilité d’exporter

Si le Covid est un virus humain pour lequel il n’existe pour l’instant pas de vaccin, les différents opérateurs œuvrant au commerce transfrontalier de bovins reproducteurs soulignent tous l’importance d’avoir des animaux dûment vaccinés dans les bons délais contre la FCO. Si tel n’est pas le cas il ne sera pas possible de les exporter. « C’est un passage obligé, insiste Patrick Simon. On voit régulièrement de beaux lots de génisses dans des élevages mais impossible de les vendre hors de nos frontières car elles ne sont pas vaccinées. Sans cette vaccination dans les bons délais, les débouchés sont limités au marché français. Cela réduit donc sérieusement les possibilités de trouver un acquéreur. » « Beaucoup d’éleveurs ne sont pas suffisamment rigoureux, oublient certains rappels. C’est un message que nous devons sans cesse rabâcher », ajoute Daniel Miquel.

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