Le basilic et l'œillet d'Inde limitent les populations de pucerons sur pommier
L’Inrae d’Avignon a prouvé les effets limitants de deux plantes de services, le basilic et l’œillet d’Inde, sur la dynamique de populations du puceron cendré sur pommier.
L’Inrae d’Avignon a prouvé les effets limitants de deux plantes de services, le basilic et l’œillet d’Inde, sur la dynamique de populations du puceron cendré sur pommier.
Planter du basilic (Ocimum basilicum) ou des œillets d’Inde (Tagetes patula nana) au pied de plantes cultivées a bien un effet limitant sur les pucerons. « Ces deux plantes de service augmentent l’effet de biocontrôle sur le puceron cendré, ont un effet répulsif, changent le comportement alimentaire du puceron et baissent sa fécondité », résume Laurent Gomez, ingénieur de recherche à l’Inrae d’Avignon. Pour le démontrer, des essais ont été conduits en verger en comptant le nombre de foyers de pucerons par arbre et le nombre d’auxiliaires dans ces foyers et en laboratoire pour déterminer les mécanismes qui expliquent cet effet répulsif. « Nous avons choisi ces deux plantes de services en nous basant sur des essais antérieurs et nous avons comparé leurs effets avec une plante témoin : le ray-grass », explique le chercheur au cours des Rencontres phytosanitaires fruits du CTIFL et de la DGAL, mi-décembre.
Les pommiers avec œillet d’Inde au pied ont hébergé près d’un tiers de foyers de pucerons en moins par rapport aux pommiers avec du ray-grass, d’avril à mi-juin sur les dix dates de comptage. Et l’effet du basilic a été encore plus marqué : la dynamique de croissance des colonies a été diminuée de plus de moitié. L’une des explications est l’augmentation du nombre d’auxiliaires du fait de la présence de ces plantes au pied des pommiers. « Le suivi du nombre d’auxiliaires présents dans ces colonies a montré une présence plus importante d’ennemis naturels des pucerons sur les pommiers avec tagètes par rapport à ceux avec du ray-grass, détaille le spécialiste. Même constat sur les pommiers avec basilic mais dans une moindre mesure ». Mais cet effet sur la biodiversité n’explique pas tout.
Baisse de la fécondité et effet répulsif
Ces plantes de service émettent des composés organiques volatiles (COV) reconnus par les pucerons. L’effet répulsif de ces COV a été prouvé en laboratoire avec un dispositif d’olfactométrie. Un flux d’air passant par une cage en verre contenant les plantes arrive ensuite sur des pucerons placés dans un contenant vertical à l’extérieur de la cage. Lorsque la cage contient des œillets d’Inde seuls, du basilic seul ou l’une de ces deux plantes avec des pommiers, près de la moitié des pucerons fuient une fois exposés au flux d’air.
La majorité de ces mêmes pucerons exposés à un flux d’air sans plante, avec pommier, avec du ray-grass ou avec ces deux dernières plantes ne fuient pas. « Nous avons aussi testé l’effet de ces plantes de service sur la fécondité des pucerons, continue Laurent Gomez. Un puceron femelle a été placé dans une boîte de Petri contenant une feuille de pommier seul ou avec un morceau d’une des trois plantes de service testées : ray-grass, basilic ou tagète. Le nombre de larves pondues dans cette boîte a été suivi quotidiennement du 3e au 8e jour. Chaque modalité a été répétée 10 fois. »
Au bout de cinq jours, les boîtes contenant du pommier seul ou du pommier avec du ray-grass contenaient en moyenne plus de 20 larves alors que celles avec de l’œillet d’Inde en contenaient en moyenne 12 et celles avec du basilic 8. « Ce nombre de larves significativement plus faible avec les deux plantes de services prouve que les COV libérés induisent une baisse de la fécondité des pucerons », analyse le chercheur. Ces résultats ouvrent la voie vers des travaux d’optimisation de ces COV. Une piste serait de les synthétiser et de les diffuser en verger. « Une autre est d’aménager le verger avec ces plantes afin d’optimiser le message olfactif », conclut-il.
Une perturbation du comportement alimentaire
La présence de basilic perturbe aussi l’alimentation du puceron. Pour le montrer, des tests d’électropénétrographie ont été réalisés. Une électrode reliée à un générateur est fixée sur le dos d’un puceron placé sur un jeune plant de pommier en pot, et une seconde électrode est plantée dans la terre du pot. « Chaque fois que le puceron pique la plante, cela crée un signal électrique, explique Laurent Gomez, Inrae. Quatre types de signaux électriques ont notamment été caractérisés, chacun correspond à une phase du comportement alimentaire : exploration, ingestion du xylème, salivation, ingestion du phloème. Le comportement alimentaire de 35 pucerons par modalité testée a été enregistré pendant 7 heures, ce qui a permis de voir le nombre d’occurrences de chacune de ces phases et leur durée. »
Lorsque le puceron est en présence de basilic, le nombre et la durée des phases d’exploration et d’ingestion du xylème est en hausse par rapport aux pucerons sans basilic. La durée des phases de salivation est aussi supérieure en présence de basilic. A contrario, la durée de l’ingestion de phloème, durant laquelle le puceron prélève sa nourriture, est nettement moindre. « Cette perturbation du comportement alimentaire est due à un effet direct des COV du basilic sur le puceron ou à un effet indirect via une modification du métabolisme du pommier exposée à ces COV, complète-t-il. Elle pourrait aussi avoir un impact potentiel sur la transmission de virus à la plante. »