Valoriser l’interculture pour son troupeau et le sol
Il est intéressant d’intégrer couverts et dérobées dans le raisonnement de la rotation pour leurs intérêts agronomiques et fourragers, au-delà de l’obligation réglementaire. À semer seuls ou en mélange.
Il est intéressant d’intégrer couverts et dérobées dans le raisonnement de la rotation pour leurs intérêts agronomiques et fourragers, au-delà de l’obligation réglementaire. À semer seuls ou en mélange.
Destinées à éviter le lessivage hivernal, les intercultures ont aussi un intérêt agronomique (gestion des adventices, structuration du sol, stimulation de l’activité biologique, restitution d’éléments nutritifs pour la culture suivante) et peuvent assurer des ressources fourragères supplémentaires pour le troupeau. Sur deux vitrines variétales, à Messac et Etrelles, en Ille-et-Vilaine, Eilyps a présenté à ses adhérents différents couverts, en pur et en mélange . « Attention, on ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Les espèces les plus intéressantes en terme d’actions sur la structure du sol ne sont pas celles qui ont la meilleure valeur alimentaire, et inversement », prévient Loïc Quéméré, directeur technique d’Eilyps. Avant de choisir quelles espèces implanter, la première étape est de faire son bilan fourrager : de quoi ai-je besoin pour nourrir mon troupeau ? Quelles sont les surfaces disponibles ? Ai-je une marge de sécurité ? Valoriser l’interculture par des dérobées permet d’augmenter ses ressources. Mais cela doit être intégré dans les choix de rotations pour ne pas pénaliser la culture suivante, ni revenir trop souvent sur les mêmes parcelles, sous peine d’épuiser les sols.
Des espèces à intérêt agronomique gélives
La phacélie s’implante vite et produit beaucoup de biomasse. Très couvrante, elle aide à maîtriser le salissement pour la culture suivante. Ses racines structurent le sol en surface.
Le radis chinois, doté d'une imposante racine pivot, a une forte action en profondeur sur la structure du sol. Tout comme le tournesol qui a, lui aussi, une racine pivot. Plante mellifère, il favorise la présence d’insectes pollinisateurs.
La moutarde est un bon piège à azote, mais elle a un effet dépressif sur le maïs à suivre.
Le sarrasin se développe rapidement et couvre bien le sol en début de cycle. Comme son cycle est rapide, attention à bien maîtriser les graines qui pourraient germer dans la culture suivante. La vesce et la fèverole se développent vite elles aussi et produisent beaucoup de biomasse.
En revanche, le trèfle d’Alexandrie est assez long à s’implanter, mais il a l’avantage d’enrichir en azote. Présent en début de cycle, il peut être rapidement concurrencé. Mieux vaut l’associer à des plantes qui démarrent lentement pour lui laisser sa chance. Quant à l’avoine, elle est intéressante pour des parcelles humides à cause du rôle drainant de ses racines.
Toutes ces espèces sont gélives. Après le 1er février, le gel et un passage de rouleau suffisent à détruire le couvert.
Des mélanges pour cumuler les bénéfices
Composer son couvert de plusieurs espèces permet d’en cumuler les bénéfices, par exemple avec des plantes aux différents systèmes racinaires. L’équipe d’Eilyps a relevé 5,8 tonnes de matière sèche sur un mélange phacélie-moutarde-sarrasin.
En termes de coûts de semence, les mélanges de type phacélie-radis chinois ou phacélie-moutarde-sarrasin reviennent entre 30 et 40 euros par hectare. Ceux avec des légumineuses (vesce-phacélie-trèfle d’Alexandrie) sont plutôt entre 40 et 50 euros par hectare. Eilyps a testé un mélange de cinq espèces : tournesol, avoine, féverole, phacélie et radis fourrager. Avec tous les types racinaires représentés, la structure du sol a été nettement améliorée. Mais le coût des semences dépassait les 50 euros par hectare. Rien ne sert de dépasser les quatre à cinq espèces, car toutes n’exprimeront pas leur potentiel et le coût des semences dépasse les 60 euros par hectare. De plus, avec l’hétérogénéité des tailles de graines et les différences de profondeurs de semis, il faudra semer avec un semoir à double trémie ou en deux passages.
De espèces à intérêt alimentaire
Profiter de l’interculture pour cultiver des dérobées augmente les ressources fourragères. Après des céréales, ces dérobées pourront être valorisées en automne et éventuellement au printemps. Même avec une valorisation en automne, les repousses seront suffisantes pour couvrir le sol durant l’hiver. Après maïs, il faut miser sur une valorisation au printemps.
Le radis fourrager produit beaucoup de végétation. Il peut être pâturé ou ensilé. Le moha, comme il n’est pas très riche (0,8 UFL), est plutôt destiné aux génisses. Après orge idéalement, il sera semé début juillet. Par la fauche, on peut attendre un rendement de 4 à 6 tonnes de matière sèche.
Le colza fourrager est plutôt pour les laitières. Riche en MAT (20%), il est idéal en complément de fourrages énergétiques. Il est pâturable à raison de 3 à 4 kg MS par jour, et nécessite une transition alimentaire. Il est Intéressant entre deux semis d’herbe. Quant au RGI, c'est la plante la plus facile d’utilisation. Pour un semis de début juin à mi-octobre, le rendement est de 2 à 3 t MS. Non gélif, il est pâturable aussi en sortie d’hiver.
Les mélanges permettent là aussi d’associer les intérêts. Par exemple, un mélange RGI et trèfles incarnat et d’Alexandrie, semé après un maïs pour une récolte au printemps, sera très intéressant en pâturage avec une valeur alimentaire de 1 UFL. De plus, le trèfle améliore aussi la structure du sol. Mais il est cher en semences (70 €/ha). Le mélange moha et trèfle incarnat donne une dérobée pauvre en azote soluble (MAT 15% 80/90PDI), plutôt destiné aux génisses. Il sera valorisable par la fauche ou le pâturage. Il n’y aura pas de repousse après la première utilisation. Un mélange vesce-trèfle incarnat-trèfle d’Alexandrie-trèfle Micheli produira une importante biomasse, valorisable par la fauche. De même, une association RGI-trèfle incarnat-trèfle squarrosum-trèfle Micheli donnera entre 2 et 4 t MS, valorisable aussi bien par fauche que pâturage.
Ce que dit la réglementation sur les couverts
La couverture hivernale des sols est une obligation réglementaire dans les zones vulnérables. Elle doit être en place au moins deux mois, et en général au minimum jusqu'au 15 novembre. Sa destruction sera mécanique sauf cas particulier. Il est possible de valoriser les dérobées par récolte ou pâturage. Les repousses de la culture précédente (céréales ou colza) sont autorisées si elles sont suffisamment denses (et homogènes), sauf en zone d'actions renforcées. Après récolte tardive de la culture, après le 15 octobre, le semis n'est pas obligatoire. Et dans le cas du précédent maïs grain, le couvert pourra être assuré par les cannes broyées et enfouies superficiellement dans les quinze jours après récolte. Les couverts de légumineuses pures sont désormais autorisés.
Avis d'expert : Jean-Luc Cobigo, conseiller Eilyps
" Mieux vaut anticiper "