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« Sans bâtiment pour mes vaches, je mise sur un système low cost à la néozélandaise »

Hicham Legrand a transposé un système néozélandais dans le Morbihan. Rester simple est la devise ici comme là-bas, avec des premiers résultats prometteurs.

À Gourin, dans le Morbihan, Hicham Legrand a appliqué beaucoup de son expérience acquise durant quatre ans passés en Nouvelle-Zélande, à manager une ferme de 600 vaches. Quand il rentre pour s’installer en centre Bretagne, il reprend en 2019 une ancienne ferme de taurillons. Son projet repose sur le triptyque : économiquement rentable, environnementalement durable et humainement viable. Il s’engage en bio et transforme le site selon le précepte néozélandais : rester simple et faire du lait low cost avec un maximum de pâturage. « En Nouvelle-Zélande, les éleveurs disent que 50 % du profit vient du système low cost, que 33 % vient du rendement laitier par hectare et que 17 % vient du rendement par vache. C’est à contre-courant des stratégies que l’on a en France, avec des bâtiments, de la mécanisation, des cultures », plante Hicham Legrand. Pour l’aspect travail, l’éleveur fait le choix de la monotraite toute l’année.

Une génétique adaptée au pâturage

Le système low cost néozélandais repose sur des vaches rustiques adaptées au pâturage, donc de gabarit plutôt petit. « Avec des sols hydromorphes sur un tiers de la surface de l’exploitation, ce choix s’imposait encore plus pour mon élevage. J’ai fait venir des veaux kiwi d’Irlande et quand j’insémine, c’est en kiwi ou jersiais. Mon objectif est une vache entre 450 et 480 kg de poids vif. » Ces vaches rustiques permettent aussi à Hicham de tenir un objectif de 10 % de taux de renouvellement, ce qui est un avantage économique certain.

Zéro bâtiment après un mois d’âge

Le low cost, ce sont aussi des charges de structure très réduites : la salle de traite et la laiterie forment le gros poste.

Chez Hicham, il y a aussi une nurserie pour les veaux de zéro à quatre semaines. Puis, tout le monde est dehors par tous les temps. Côté matériel, un tracteur et une dérouleuse sont détenus en propre. Une faucheuse, faneuse et un plateau à paille en copropriété. Le reste est réalisé par ETA : enrubannage, semis quand il y en a, la litière des veaux en copeaux de bois épandue une fois par an. Et c’est tout.

Des vêlages sur dix semaines

Qui dit low cost, dit charges alimentaires très réduites. Pour valoriser l’herbe au maximum par le pâturage et faire du lait sans complémentation ou presque, les vêlages sont très groupés sur la fin d’hiver, et les vaches sont toutes taries de fin novembre à fin janvier. « C’est appréciable aussi pour l’aspect travail, avec une salle de traite fermée deux mois en hiver », ajoute Hicham.

La période des vêlages démarre fin janvier et dure dix semaines. « Je peux encore concentrer cette durée. Mon objectif est que 60 % des vêlages aient lieu en trois semaines et que 95 % des vêlages soient réalisés en six semaines. Plus les vêlages sont compactés, plus je taris les vaches au bon stade fin novembre, et donc plus je maximise la production de lait par jour. »

Une pression de pâturage sans surpâturage

Pour pâturer un maximum et toujours une herbe de qualité, les trois clés sont : le temps de rotation (temps de retour sur une même parcelle), la pression au pâturage et la gestion du résiduel.

Pour se faire Hicham a découpé sa surface en paddocks de 24 heures pour éviter le surpâturage et pour une meilleure répartition des bouses. L’herbe est mesurée tous les lundis. « Cela donne une bonne image des quantités disponibles à un instant T. » C’est alors que les décisions sont prises : accélérer la rotation, ralentir ou débrayer.

En vêlage de printemps, pour éviter de revenir trop vite sur une même parcelle et donc de surpâturer, le Spring Rotation Planner donne des repères. Il donne un nombre maximal d'hectares à pâturer chaque jour.

Hicham réalise de l’enrubannage sur les surfaces à faucher. « Par rapport à une récolte en foin, cela permet aux paddocks de revenir plus rapidement dans le cycle de pâturage. » C’est la seule complémentation des vaches traites.

« Le stade d’entrée des paddocks au pâturage est de 2800-3000 kg MS/ha, cela correspond à une certaine hauteur d’herbe couplée à la densité », (environ 12 cm pour une bonne densité d’herbe). Le résiduel de sortie est de 1500 kg.

Un chargement élevé

« Il faut un chargement instantané élevé pour mieux gérer le pâturage. Je vise à terme 2 UGB/ha. » Ce chargement élevé permet aussi de produire du lait par hectare à faible coût, et d’assurer ainsi la rentabilité du système. « Je ne cherche pas la rentabilité via une productivité élevée par vache mais par le chargement. »

Laisser un stock sur pied l’hiver

À l’approche de l’hiver, il faut savoir s’arrêter de pâturer au bon moment. « Je ferme la salle de traite en fonction du couvert moyen, l’objectif étant entre 1900-2200 kg MS/ha à la fermeture. L’allongement du dernier tour de pâturage permet de retrouver un bon couvert au printemps, pour démarrer la saison de pâturage plus rapidement dès fin janvier, quand les vêlages démarrent. Je fais du lait à l’herbe pâturée et non avec de l’herbe stockée, la complémentation ne dépasse jamais 4-5 kg MS d’enrubannage. »

Améliorer le sol avant d’être 100 % autonome

L’autre avantage d’un chargement animal élevé, c’est de nourrir le sol. « Je préfère ne pas être totalement autonome en fourrage et soigner mes sols, car il est à la base du système de production », souligne Hicham. C’est en effet un des enjeux de l’exploitation. Sur ce sol argileux limoneux, les analyses ont révélé un pH moyen de 5,5 et un déséquilibre entre certains éléments minéraux. Un excès de potassium dans certaines parcelles a provoqué des problèmes de météorisation chez les vaches les années précédentes. En plus de l’effet bénéfique du chargement et du pâturage tournant dynamique, l’éleveur réalise des apports calciques. Enfin, la pratique du Bale Grazing (pâturage de balles) participe aussi à l’enrichissement du sol. « Je commence à constater une amélioration de la dégradation des bouses. »

Du Bale Grazing pour les taries

Pour le Bale Grazing, Hicham Legrand utilise du foin plutôt que de l'enrubanné, pour réensemencer le sol en graminées. Les 15% de foin qui retournent au sol enrichissent celui-ci, et ont permis de ramener du ray-grass dans cette parcelle qui était trop garnie de trèfles.

Le Bale Grazing est une technique qui permet de prolonger au maximum la durée du pâturage en hiver ou en été. Hicham pratique le Bale Grazing en hiver pour les taries, avec du foin (acheté à un voisin). « Je choisis une parcelle portante et/ou une parcelle qui manque de fumure et dont la flore est déséquilibrée. » Un fil avant et un fil arrière permettent de leur attribuer 10 m2 par vache et par jour, pour trois jours plutôt qu’un jour, « pour éviter la compétition entre les vaches pour manger le foin, pour limiter le piétinement et pour augmenter l’aire de couchage. Environ 15 % du foin retourne au sol, pour la restitution du carbone et l’ensemencement en graminées ». La ration des taries est donc constituée de 4 kgMS/jour d’herbe pâturée et 10 kgMS de foin. « Du sel et du chlorure de magnésium sont à volonté, et les autres minéraux et oligoéléments sont amenés en liquide par l’eau d’abreuvement. »

L'éleveur conclut : « C'est un système passionnant qui permet une qualité de vie, et qui pourrait plaire à plus d'un jeune, car il y a de l'avenir dans l'élevage. »

Chiffres clés

Janvier 2023

50 ha en 100 % herbe

86 vaches à 2800 l/vache/an

1,7 UGB/ha

Un système vivable

Hicham a opté pour la monotraite toute l’année, pour l’état corporel, la fertilité, la santé des vaches et pour sa qualité de vie. « Je prends un week-end sur deux quand les vêlages sont finis et des vacances en hiver. J’essayerai d’en prendre aussi cet été si je trouve quelqu’un. Ce système permet de déléguer facilement le travail quotidien à un salarié. »

La montée du lait par hectare améliorera les résultats économiques

En 2021, Hicham Legrand a réalisé un EBE de 67 000 euros avec 115 100 litres de lait vendus, pour 21 000 euros d’annuité à rembourser. Une phase de lancement honorable et des résultats à venir qui ne peuvent que progresser.

Quand Hicham Legrand s’installe en 2019, il sait qu’il ne pourra commencer à produire du lait qu’à partir de 2021. « J’ai dû investir par étapes. » Les investissements réalisés entre 2019 et 2021 ont généré 21 000 euros d’annuités, pour le bloc traite et son accès, les clôtures, l’achat de 50 génisses venues d’Irlande et l’achat de matériel.

En 2021, l’élevage comptait 50 vaches, toutes des primipares. L’herbe affichait un rendement de 9 tMS/ha. Le lait vendu atteignait 115 100 litres (2300 l/VL/an) à 53,9/40 de TB/TP. Son prix du lait moyen payé par Biolait atteignait 530 euros les 1000 litres. L’EBE était de 67 000 euros.

Des investissements pas à pas

Depuis, Hicham a acheté 10 hectares de terre. En regard, le résultat 2022 devrait progresser malgré la baisse du rendement de l’herbe à 7,2 tMS/ha, à cause de la sécheresse. L’éleveur a dû acheter davantage d’enrubannage pour combler le déficit d’herbe en été, et plus de foin pour cet hiver. Avec 75 vaches (primipares et deuxième lactation), le lait vendu a atteint 195 000 litres avec les mêmes taux, soit 2800 l/VL/an et 3900 l/ha. Son prix du lait moyen a été de 552 euros pour 1000 litres.

« Pour l’instant, je dépense trop d’argent dans les aménagements qu’il y a encore à réaliser : chemins et réseau d’eau d’abreuvement. Si c’était à refaire, je partirai directement avec un chargement de 2 UGB/ha. Quitte à investir davantage au départ. »

À terme, « mes objectifs sont d’atteindre un rendement d’herbe de 10 tMS/ha en moyenne, et de monter à un chargement de 2 UGB/ha. Je vise 4000 litres de lait produit par vache, soit 340 000 litres vendus et 6800 l/ha. Une vache kiwi est capable de produire autant en monotraite qu’en double traite dans un même système. Pour cela, il faut encore que j’améliore les sols et la génétique du troupeau ».

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