QUEL SERA L’IMPACT DES COPRODUITS DE BIOCARBURANTS ?
« Réussir Lait élevage» a organisé fin septembre une table ronde avec
des fabricants d’aliments, firmes-services, triturateurs, techniciens,
économistes… pour mieux apprécier l’impact des coproduits des
biocarburants sur l’alimentation des vaches laitières. Une exclusivité.
Quelque 800 000 hectares « énergétiques » ont déjà été cultivés en 2006, majoritairement du colza sur 680000 hectares. Ce n’est qu’un début. D’ici 2010, la France s’est fixé comme objectif d’incorporer 7 % de biocarburants dans les carburants utilisés pour le transport routier. Qui dit biocarburants dit aussi coproduits : le tourteau de colza (et de tournesol) et le glycérol pour la filière biodiesel, les drêches de blé ou de maïs(1) pour la filière bioéthanol. Des coproduits essentiellement valorisés dans l’alimentation animale.
L’objectif de 7 % fixé par la France est-il réalisable ? Oui, aux dires des neuf participants de notre tableronde. Avec toutefois un bémol lié à la hausse du coût des matières premières qui pourrait freiner certains projets à court terme, surtout en blé. La première usine française de bioéthanol avec du blé a tout de même démarré en juin dernier et tournait fin septembre à 80 % de ses capacités. En colza, dix usines sur les quatorze prévues sont déjà en fonctionnement ; le facteur limitant concerne plutôt les surfaces emblavées.
Il faut donc s’attendre à voir des quantités importantes de coproduits « made in France » débarquer sur le marché : autour de trois millions de tonnes de tourteau de colza et 600000 tonnes de drêches à l’horizon 2010. Des volumes qui, malgré tout, ne sont pas suffisamment importants pour révolutionner le marché des matières premières, selon le bureau d’études Céréopa. Ces coproduits des biocarburants présentent pour les ruminants un intérêt alimentaire certain. Le tourteau de colza a fait ses preuves ; mais il lui reste encore à vaincre certains a priori. La valeur alimentaire des drêches est nettement moins bien maîtrisée : de 28 % à 36 % de protéines pour environ 1 UFL par kilo de MS, avec une très grande variabilité suivant le procédé de fabrication utilisé. Il existera quasiment autant de drêches que d’usines, affirment les spécialistes, et il sera donc indispensable de les caractériser usine par usine, pour les valoriser correctement. Il faudra également garder un oeil sur les mycotoxines, les process d’usine les concentrant d’un facteur trois par rapport au blé. Cette manne de coproduits sera avant tout une source de diversification des matières premières. Ne rêvons pas trop: leur arrivée ne fera pas baisser le prix de l’aliment ou très peu.Tout au plus contribuera-t-elle à une moins grande volatilité du prix des matières premières.
■ Dossier réalisé par Émeline Bignon et Annick Conté
(1) Et les pulpes de betteraves, avec un transfert de la filière sucre export vers la filière éthanol.
Les points-clés de notre table ronde
J.-M. AUBRET, TECHNA « Les coproduits de biocarburants permettent un renouveau dans le métier de fabricant d’aliment au travers de la formulation. La valorisation de ces nouvelles ressources constitue une réelle opportunité pour les filières animales, et permet aussi de contribuer à un élan environnemental collectif. »
Y. DRONNE, INRA « L’arrivée des biocarburants sur les marchés mondiaux est très probablement un phénomène irréversible qui introduit une dimension particulière quant à la demande en céréales et oléagineux. Même s’il ne faut pas surestimer cet impact, cela rend plus difficile les mécanismes de réajustements entre cultures. »
T. DUMANS, SAIPOL « Le tourteau de colza s’est bien développé ces dernières années, mais il a encore du chemin à parcourir. Il reste à lever beaucoup de verrous et à améliorer son image rapidement pour suivre le rythme d’arrivée des usines de trituration. »
P. MONCEAUX, TEREOS « L’arrivée des drêches est une opportunité pour les éleveurs et fabricants, en offrant un produit nouveau fabriqué en France. Elle amènera une concurrence saine avec d’autres produits, à la fois sur l’énergie et les protéines. La diversité de choix de matières premières ne peut être que favorable en termes de prix. »
A. GUERMONPREZ, CCPA « L’arrivée des coproduits est un challenge pour les formulateurs. Nous devrons les valoriser dans un environnement de matières premières dont les prix sont plus fluctuants et la qualité plus variable. Il est nécessaire que des organismes publics tel que l’Inra participent à l’élaboration d’outils de prédiction des valeurs de ces coproduits. »
J.-C. GODEFRIN, SANDERS « L’utilisation des coproduits doit se raisonner en fonction des besoins des animaux, de l’intérêt économique des éleveurs, et tout en respectant les besoins de la filière laitière. »
P. LE CADRE, CÉRÉOPA « L’arrivée de nouveaux coproduits et de coproduits en plus grande quantité constitue une évolution, mais ce n’est pas une révolution en termes de volumes, pour les éleveurs et les fabricants. »
H. VASSEUR, AFAB « Les coproduits sont une nouvelle source utile de matières premières pour la nutrition animale et en particulier la vache laitière. Ils permettront de diversifier les matières premières dans les rations et d’améliorer les performances techniques des troupeaux, en faisant remonter le taux de fibres dans les rations trop riches en amidon. Incorporés dans les aliments composés, ils aideront aussi à une moindre volatilité des coûts matières. »
L. VIVENOT, ULM « Les coproduits trouveront leur place s’ils permettent une réduction du coût alimentaire, une régularité d’approvisionnement et de valeurs alimentaires, une sécurité sanitaire garantie et une utilisation simple au quotidien. »
SOMMAIRE DU DOSSIER
Page 30 Biocarburants en France : Les filières biodiesel et bioéthanol se mettent en place
Page 32 Tourteau de colza, drêches… Un nouveau gisement de matières premières s’annonce
Page 38 Une grande variabilité de valeurs alimentaires au niveau des drêches de céréales
Page 44 Peu d’espoir d’une baisse sensible du prix des aliments, malgré l’arrivée massive de coproduits
Page 48 Des apports protéiques et énergétiques raisonnés différemment ?
Page 52 En Seine-Maritime, c’est parti pour l’usine de bioéthanol de Lillebonne !
Page 54 Les biocarburants de première génération font débat