Aller au contenu principal

Produire du lait en montagne avec peu d'intrants

L'Inra de Marcenat teste des systèmes laitiers de montagne innovants, peu utilisateurs d'intrants. Si produire ainsi du lait semble possible, des freins techniques restent à lever.

Dans son unité de Marcenat (Cantal), l'Inra teste dans quelles conditions on peut produire du lait uniquement avec de l'herbe ou avec très peu de concentré et une fertilisation minérale réduite.
Dans son unité de Marcenat (Cantal), l'Inra teste dans quelles conditions on peut produire du lait uniquement avec de l'herbe ou avec très peu de concentré et une fertilisation minérale réduite.
© Gérard Paillard / Inra

Se différencier pour continuer à exister. Tel est un des challenges de la production laitière de montagne. Se différencier par le produit mais aussi par la façon de produire le lait. L'Inra a mis en place, dans son unité expérimentale de Marcenat (Cantal), un essai sur des systèmes laitiers de montagne utilisant peu d'intrants. Le lait de montagne étant pénalisé par des coûts de production élevés, l'idée est de voir dans quelles conditions on peut produire du lait uniquement avec de l'herbe ou avec très peu de concentré et une fertilisation minérale réduite. Démarré en 2011 pour une durée de cinq ans, cet essai donne de premiers éclairages sur la faisabilité de systèmes aussi extrêmes et sur les verrous techniques à lever pour qu'ils soient viables.
Les chercheurs conduisent côte-à-côte deux troupeaux de 24 vaches, composés à parité de Prim'Holstein et de Montbéliardes, et conduits sur des parcellaires dédiés. Les vêlages sont groupés sur le printemps afin de produire le maximum de lait à la pâture. Ils respectent un cahier des charges de type AOP d'Auvergne. Les deux troupeaux se distinguent par le niveau d'intensification.
L'un (Bota) est conduit sur un mode très extensif (chargement de 0,64 UGB/ha). Les vaches vêlent à 3 ans et n'ont pas de concentré de production. Les surfaces fourragères ne reçoivent pas d'engrais minéral et sont récoltées en fauche tardive avec séchage au sol.
L'autre troupeau (Pépi) est mené sur un mode un peu plus productif (chargement de 1,10 UGB/ha), mais avec peu de concentré (4 kg/j du vêlage jusqu'à la rentrée à l'étable, soit 800 kg/vache). Les vaches mettent bas à 2 ans. Une partie du foin est séchée en grange.


80 % du lait est produit au pâturage


« Nous montrons qu'il est possible de concevoir des systèmes avec des périodes de vêlages totalement inversées par rapport à ce qui se fait habituellement, de faire un maximum de lait à l'herbe avec pas ou relativement peu d'intrants tout en fabriquant des fromages AOP de bonne facture. La viabilité de ces systèmes reste néanmoins à confirmer », résume Dominique Pomiès, l'un des chercheurs qui coordonne l'expérimentation. La satisfaction a été de constater que 80 % du lait pouvait être produit au pâturage. Sans surprise, le troupeau Pépi a produit davantage de lait (5 200 kg/vache la première année) que le lot Bota (4 800 kg). Le différentiel est plus important en Prim'Holstein (860 kg) qu'en Montbéliarde (400 kg), les premières réagissant mieux au petit apport de concentré. Sur les taux, les écarts sont classiques.
En revanche, les résultats de santé et de reproduction ne sont pas au rendez-vous. Les boiteries ont été nombreuses (36 % des vaches), provoquées par des subacidoses. « Nous n'avons pas distribué de foin au pâturage jusqu'à présent. Mais, à partir de l'été prochain, les vaches devraient recevoir environ 3 kg de foin le matin en même temps que le concentré, en sortie de salle de traite. Cela durera de la mise à l'herbe jusqu'à ce que l'herbe « vieillisse » un peu, en accord avec les stocks de foin hivernaux restants. Nous allons aussi régler le problème en fractionnant le concentré et en utilisant un concentré plus lentement dégradable », indique Dominique Pomiès.
Mais le principal souci est venu de la reproduction, dont les résultats ont été très médiocres (38 % de vaches pleines la première année). À tel point que, l'année suivante, il a fallu allonger les lactations d'un tiers des vaches pour maintenir l'effectif des lots. Les vaches qui, auparavant, étaient à 1 200 kilos de concentré, ont beaucoup perdu d'état.


38 % de vaches pleines la première année


Faut-il envisager des génétiques « moins extrêmes » pour ces conduites avec peu ou pas de concentré ? Revoir la stratégie de distribution du concentré ? Avancer la date de vêlage ? Autant de questions qui seront testées au cours du deuxième temps de l'expérimentation. L'analyse multicritère de la durabilité de ces systèmes reste également à faire. Avant de pouvoir modéliser -- c'est le but de l'expérimentation -- des systèmes de montagne innovants qui auraient peu à envier à leurs homologues de plaine en termes de coûts de production.
?

Les plus lus

<em class="placeholder">gaec legentil</em>
« Nous travaillons chacun 60 heures par semaine, et pourtant, nos parents nous aident encore dans le Calvados »

Les parents de Nicolas et Emmanuel Legentil sont partis à la retraite en même temps, il y a un an. Les deux frères veulent…

<em class="placeholder">Milk price and agricultural products trend concept: Small glass of milk on euro money bank notes</em>
Prix du lait 2025 : Lactalis, Sodiaal… annoncent des hausses de prix
Lactalis, Sodiaal et Bel s’avancent sur une augmentation du prix du lait payé aux producteurs sur l’année 2025. Savencia a…
Jérôme Curt, éleveur
Bâtiment : les 7 reportages qu'il ne fallait pas râter en 2024

Retrouvez les 7 reportages sur les bâtiments d'élevage qui vous ont le plus marqué en 2024.

Carte de la zone régulée FCO 3 en date du 16 janvier 2025.
FCO 3 : mi-janvier 2025, la maladie continue de gagner du terrain

À date de jeudi 16 janvier 2025, le ministère de l'Agriculture annonce 9 465 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Yannick Péchuzal, service économie à l&#039;Institut de l&#039;élevage</em>
« Les éleveurs laitiers vivent mieux du lait aujourd’hui qu’ils en vivaient hier », d'après les résultats Inosys

Le suivi des exploitations laitières du réseau Inosys, par l’Institut de l’élevage et les chambres d’agriculture, fait…

<em class="placeholder">Daniel Guignand, auprès de ces vaches laitières en stabulation</em>
Revenu : « Nous maximisons les produits de l’atelier laitier sur notre élevage de Haute-Loire »

Le Gaec de Saint Denis, en Haute-Loire, a fait le choix de la valeur ajoutée plutôt que du volume, en misant sur les taux et…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière