" PâturNET nous a aidés à trouver des dates clés pour gérer le pâturage"
Dans le Doubs, Quentin Tournier a testé, comme une vingtaine d'éleveurs, un outil web d'aide à la décision. Il y gagne une gestion plus fine du pâturage, en simulant le potentiel de croissance des parcelles d’herbe à sept ou quinze jours.
Dans le Doubs, Quentin Tournier a testé, comme une vingtaine d'éleveurs, un outil web d'aide à la décision. Il y gagne une gestion plus fine du pâturage, en simulant le potentiel de croissance des parcelles d’herbe à sept ou quinze jours.
À Malbrans, à 580 mètres d’altitude dans le Doubs, Régis et Quentin Tournier, 57 et 30 ans, conduisent en lait à comté et à morbier un troupeau de 70 Montbéliardes à 7 500 litres pour 36,8 de TB et 32 de TP. La pâture est le pivot de la ration à partir du 1er avril jusqu’à début novembre. Sur les 110 hectares de SAU, l’herbe en occupe 100 hectares, sous forme de 70 hectares de prairies permanentes et 30 hectares de temporaires semées en mélange suisse à base de ray-grass anglais et italien, complété par de la fétuque, du dactyle, du trèfle blanc, du lotier et de la fléole des prés. Les éleveurs pratiquent le pâturage tournant simplifié depuis 2010. La même année, ils achètent un herbomètre de type Arvalis qui se révèle fastidieux à mettre en œuvre et peu précis. Ils le remplacent en 2012 par un herbomètre à plateau Jenquip avec lequel ils mesurent en à peu près une heure la hauteur d’herbe de leurs sept parcelles (30 ha) situées à proximité de la ferme. Ces données spécifiques à l’élevage sont désormais mieux exploitées. Car en 2017, Quentin a testé PâturNET comme une vingtaine de ses collègues. Cet outil web développé par Conseil élevage (CEL) 25-90 valorise ses mesures de hauteur d’herbe.
Évaluation du stock d'herbe disponible à une date donnée
Le calendrier de pâturage est le premier niveau de service rendu. « Je visualise où sont les vaches. Je connais leur temps de présence sur chaque parcelle, mais surtout le potentiel d’herbe sur pied par parcelle. Je peux ajuster ma fertilisation, décider de la destination d’une prairie, et si elle est à renouveler ou pas », commente Quentin. « Tout le monde connaît son rendement en céréales, mais personne son rendement en herbe. PâturNET pallie ce manque d’information », enchaîne Clément Deviterne, le conseiller technique de CEL 25-90 qui suit l’exploitation. « PâturNET évalue à la parcelle et à une date donnée le stock total d’herbe disponible. Il permet d’intégrer les périodes de sécheresse. Il tient compte des choix, en cours de saison, d’augmenter ou de diminuer la surface pâturée. L’éleveur sait qu’il y a tant de kilos de biomasse à consommer. Il peut donc calculer le volume de foin et la complémentation à apporter aux vaches en fonction de ce que fournit l’herbe. À lui d’allouer plus ou moins de surface à la pâture et à la fauche. PâturNET aide à la décision », complète Nicolas Gaudillière, responsable recherche et développement de CEL 25-90.
Trois scénarios d'évolution possible de la pousse
La simulation de la pousse à 7 ou 15 jours est le deuxième niveau de service rendu par PâturNET. En renseignant la hauteur d’herbe, l’outil calcule l’évolution possible de la pousse selon trois scénarios : optimiste (+15 % par rapport à la normale), pessimiste (-15 %) ou normal. Il classe les parcelles par hauteur d’herbe. Il donne le stock d’herbe disponible en kg/MS/VL et le nombre de jours qu’il tiendra selon le scénario retenu. L’accès à ces informations a changé la gestion du pâturage de Quentin et de son père. « Jusqu’en 2017, nous faisions toujours pâturer les parcelles dans le même ordre, alors que l’entrée des animaux un peu plus tardivement dans une parcelle peut entraîner une repousse ralentie. Le graphique nous a fait établir un bon ordre de rotation des parcelles en fonction de l’herbe réellement disponible », souligne Quentin.
« L’éleveur peut moduler le potentiel de chaque parcelle selon le scénario choisi. Il peut faire consommer l’herbe au bon stade quand elle présente de bonnes valeurs nutritives. Il peut aussi choisir de retirer une parcelle en cas de nombre suffisant de jours d’avance. L’outil peut lui établir un calendrier de pâturage prévisionnel », détaille Nicolas Gaudillière. Quentin tire des enseignements positifs de son test. « PâtureNET nous a aidés à trouver des dates clés. Il nous a confortés dans notre stratégie de déprimage. Il a montré que nous ne devions pas avoir peur d’engager beaucoup de surface début mars. Sans cela, l’herbe est pâturée à un stade trop avancé. En 2018, nous avons moins gagné en volume qu’en qualité de fourrages. L’herbe a été pâturée à temps et les foins ont été réalisés au bon moment. »
Une diffusion nationale au printemps 2019
Dans sa forme actuelle, PâturNET peut servir de preuve de respect d’un critère de pâturage inscrit dans certains cahiers des charges. L’outil est susceptible d’évoluer pour prendre en compte des fusions ou des scissions de parcelles ou des lots de vaches. Un module « affourragement en vert » doit d’ailleurs le compléter d’ici le printemps prochain. Les services de contrôle laitier du Doubs, du Jura, de la Haute-Saône et du Cantal, copropriétaires de PâturNET, facturent à leurs adhérents qui ont choisi cette option un montant de 100 € HT par an (service complet) et 20 € HT par an si l’éleveur se contente du seul calendrier de pâturage.
Sa diffusion est prévue au niveau national au printemps 2019 via le canal des contrôles laitiers qui auront acquis la licence d’exploitation. « C’est facile d’accès. Il suffit de valider quatre choix pour démarrer. La visualisation graphique, les infobulles et les menus déroulants rendent PâturNET très convivial à l’usage. Et en plus, c’est très précis », juge Quentin. Les concepteurs ont développé une application smartphone. Il est possible de visualiser calendrier et graphiques au champ, d’entrer les mesures de hauteur d’herbe comme les événements de pâture, même en l’absence de tout signal réseau.
Christophe Reibel
1 cm d’herbe vaut 220 à 250 kg MS/ha !
PâturNET base ses calculs sur des références régionales. Les organismes d’élevage franc-comtois ont mis en place un observatoire de la pousse de l’herbe depuis 2008. Sa croissance est mesurée chaque vendredi et lundi sur vingt sites du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône. Une carte est publiée le mardi sur Facebook et le vendredi dans la presse agricole locale. Elle établit la pousse moyenne de l’herbe en différenciant sols profonds et superficiels en zone de plaine, de premier plateau dans le Doubs et le Jura, et de montagne. Le cumul des observations permet d’affirmer qu’en Franche-Comté, une pousse de 1 cm correspond à la production de 220 kg MS/ha en avril-mai. Cette valeur monte à 250 kg en juin-juillet-août, car la repousse est à ce moment plus feuillue et plus dense. Précisons encore que l’observatoire prend en compte les périodes de croissance zéro.