Pas de vraie solution technique contre les sangliers
Agriculteurs et chasseurs testent des solutions pour protéger les cultures. Aucune technique réellement robuste ne ressort d'une enquête en ligne, à laquelle ont répondu 800 agriculteurs.
Agriculteurs et chasseurs testent des solutions pour protéger les cultures. Aucune technique réellement robuste ne ressort d'une enquête en ligne, à laquelle ont répondu 800 agriculteurs.
Fin 2019, Arvalis, l’AGPM et la FNPSMS(1) ont mené une enquête en ligne sur les techniques testées par des agriculteurs pour limiter les dégâts de sanglier dans le maïs. Près de 800 agriculteurs de 80 départements y ont répondu. Sur les 70 000 hectares cultivés par ces agriculteurs, 30 % des surfaces sont impactées par les dégâts de sangliers, 3 à 5 % étant totalement détruites.
Sur 718 agriculteurs cultivant du maïs, 525 mettent en œuvre une ou plusieurs pratiques pour protéger les cultures : 60 % utilisent des clôtures électriques ou parfois grillagées ; 55 % pratiquent la régulation par le tir ; 25 % font de l’effarouchement sonore ou parfois visuel (épouvantail) ou par présence humaine ; 17 % pratiquent l’agrainage de dissuasion, qui consiste à épandre du grain à certains endroits pour détourner les sangliers des cultures ; 16 % appliquent un répulsif sur les semences (8 % du PNF, mélange d’épices et géraniol sur support d’huile, 4 % du piment, 4 % divers produits) ; et 10 % en appliquent en bordure de parcelle ou sur les passages de sangliers, avec divers produits : cheveux, parfum, poivre (Stop Sanglier Plus), produits à base d’épices sur support d’huile (PNF, AMO…).
Environ 200 agriculteurs testent un levier, 200 testent deux leviers et 100 utilisent trois leviers. « Le fait que les agriculteurs combinent souvent plusieurs techniques montre leur désarroi face aux dégâts de sangliers, estime Jean-Baptiste Thibord, responsable pôle ravageurs à Arvalis. Et quelle que soit la pratique, le ressenti sur son efficacité est similaire, certains agriculteurs en étant très satisfaits et d’autres pas du tout. »
Nécessité d’expérimentations
D’autres pratiques encore peuvent limiter les dégâts, comme restreindre la taille des parcelles pour faciliter la régulation, réduire l’écartement des rangs de maïs pour limiter l’entrée des sangliers dans la parcelle. Aucune technique toutefois n’est entièrement satisfaisante.
À commencer par les clôtures : outre leur coût, la pose, l’entretien et la surveillance impliquent beaucoup de temps. Selon les départements, les chasseurs participent plus ou moins au financement, à la pose et à l’entretien, mais pas à la surveillance. L’agrainage, en général proposé par les chasseurs, est très contesté. Les agriculteurs considèrent qu’il s’apparente souvent à du nourrissage permettant d’entretenir les populations sur un territoire, pratique aujourd’hui interdite mais difficile à contrôler. « L’agrainage de dissuasion peut être utile à certains stades sensibles des cultures, estime Laurent Woltz, chef du service juridique à la FNSEA. Mais, comme il limite la circulation des animaux et complique donc la chasse, il ne doit pas être pratiqué pendant la période de chasse. »
Mise en garde
Apaiser les relations
Faire évoluer la procédure d’indemnisation
Les dégâts de sangliers diffus ou collatéraux ne sont pas pris en compte.
Créée en 1968 et revue la dernière fois en 2014, la procédure d’indemnisation prévoit que l’agriculteur fasse une déclaration auprès de la Fédération départementale des chasseurs. Celle-ci désigne un expert qui vient estimer les surfaces impactées et les pertes de récolte ou travaux de remise en état. L’indemnisation est ensuite calculée selon des barèmes nationaux. Elle fait l’objet d’un abattement systématique de 2 % et une réduction supplémentaire peut être appliquée s’il est considéré que l’exploitant a une part de responsabilité dans le dommage. L’indemnisation implique aussi qu’au moins 3 % de la parcelle soit détruits ou l’équivalent de 230 euros pour les cultures et 100 euros pour les prairies. Sous ces seuils, les frais d’estimation sont à la charge de l’exploitant. Si l’agriculteur n’est pas d’accord avec l’estimation, un recours est possible auprès de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, puis auprès de la Commission nationale d’indemnisation.
Si la procédure est assez simple, certaines évolutions semblent nécessaires. Les seuils de surface et les montants ne permettent notamment pas de prendre en compte les dégâts diffus survenus sur plusieurs parcelles. Les agriculteurs estiment aussi que des barèmes spécifiques devraient être établis pour le bio. Les délais de recours sont trop courts. Enfin, selon Thierry Chalmin, président de la commission faune sauvage à la FNSEA, « la procédure ne prend pas en compte les « dégâts collatéraux », comme la casse possible du matériel pendant plusieurs années sur une prairie endommagée, les pénalités sur le lait dans certaines AOP liées à la présence de terre dans les fourrages ou encore la perte de valeur ajoutée quand les produits sont vendus en circuit court ».