« Nous avons choisi la voie de l’autonomie et du semis direct »
Au Gaec le Moulin en Vendée, la recherche d’autonomie passe par l’agronomie associée à l’implantation de méteil, de prairies multiespèces et de luzerne.
Au Gaec le Moulin en Vendée, la recherche d’autonomie passe par l’agronomie associée à l’implantation de méteil, de prairies multiespèces et de luzerne.
Fabien Gauvrit et Xavier Guesné sont éleveurs laitiers à Maché en Vendée, sur une exploitation de 127 hectares produisant 740 000 litres de lait. L’une des particularités de leur Gaec est qu’il résulte d’une association entre tiers, tous deux non issus du milieu agricole. « Peut-être est-ce pour cela que nous n’avons pas suivi une route tracée d’avance et choisi une voie moins classique », avance Fabien. Une chose est sûre, ces deux éleveurs sont curieux et n’hésitent pas à se remettre en cause. Ils participent à divers groupes de progrès (Geda, Apad), multiplient les formations (pâturage dynamique, obsalim…) et visitent régulièrement des exploitations pour découvrir différentes façons de faire. « C’est à travers l’échange que l’on peut faire évoluer son système. Pas en restant seul chez soi. Les erreurs et les expériences des autres nous ont beaucoup nourris », reconnaissent-ils. Et jusqu’ici cela leur a plutôt réussi. Aujourd’hui, leurs 95 vaches produisent 8 500 kg avec peu de concentrés : 2 kg de correcteur azoté par vache. Entre 2013 et 2016, la quantité de concentré par vache a été divisée par deux.
Retrouver le lien du sol à la vache et un système de production durable
Lorsque Fabien s’est installé en 2007, l’exploitation sur laquelle il était salarié depuis deux ans, reposait sur un système ray-grass et maïs, conduit en irrigation. « Nous avons cultivé jusqu’à 50 hectares de maïs ensilage. À l’époque, les 75 vaches produisaient 9 500 kg », se rappelle-t-il. La ration se basait essentiellement sur le maïs ensilage, un peu d’ensilage d’herbe et de la luzerne brins longs achetée. « Les vaches pâturaient sur une douzaine d’hectares en RGA-TB. Mais entre les transitions alimentaires à gérer et les refus à faucher, le pâturage nous compliquait la vie plutôt qu’autre chose », se souvient Xavier.
C’est à partir de 2009, face à la chute des cours du lait, que les éleveurs ont cherché à réduire les coûts. Ils ont notamment décidé d’implanter 25 ha de prairies multiespèces (1) et 6 ha de luzerne. « En parallèle, nous avons aussi commencé à simplifier le travail du sol et arrêter de labourer. » Tout n’a pas été simple au départ. « Les premières années, nous avions les mêmes rendements en techniques culturales simplifiées, mais au bout de 3-4 ans, ils se sont effondrés et la terre, en majorité des limons assez battants, a pris en masse. »
Régénérer les sols et mettre en place des couverts
Pendant cinq ans, les éleveurs ont pas mal tâtonné avant de prendre un vrai virage en 2014. « Le déclic fut la visite chez Anton Sidler dans l’Orne (2), reconnaît Fabien. Il nous a bluffés en réussissant à concilier semis direct et autonomie, même avec des vaches hautes productrices. Cette visite nous a confortés dans notre démarche et nous a aidés à recoller les morceaux du puzzle que nous avions commencé à dessiner. Nous avons compris que notre travail d’éleveur ne se cantonne pas à nourrir les vaches, il faut aussi nourrir les vers de terre et implanter des couverts ! »
Les éleveurs ont rapidement investi dans un semoir de semis direct Bertini d’occasion (36 000 €). Et une quarantaine d’hectares de méteils riches en protéines à base de féverole, pois, vesce et avoine ont été implantés sous couvert en automne 2014. « La première année, nous avons été très déçus du rendement (moins de 4 tMS/ha) », soulignent les exploitants. Désormais, nous semons plus dense (210 kg/ha) en recourant à des semences fermières. Le couvert concurrence mieux les adventices et les rendements sont meilleurs (6 tMS/ha). »
Aujourd’hui, l’assolement comporte 20 ha de blé, 4 ha d’avoine-épeautre, 9 ha de féverole, 18 ha de maïs, 63 ha de prairies, 13 ha de luzerne et 41 ha de méteil. Le méteil constitue une culture à part entière dans les rotations. Une partie est récoltée pour le troupeau autour de 25-30 % MS (29 ha), une autre est restituée au sol (12 ha). Le méteil exige peu d’interventions et d’intrants : seul un apport de fumier (25-30 tMS/ha) est pratiqué, ainsi qu’un roulage après le semis.
Le passage au semis direct facilité par la possibilité d’irriguer
Dès la première année du passage au semis direct, les éleveurs ont observé un effet bénéfique des couverts sur la structure du sol. « En travaillant en profondeur, la féverole constitue une vraie charrue végétale ! Derrière le méteil, le maïs démarre super bien. » Les éleveurs optent pour des variétés plus précoces, et sèment plus tard qu’avant (pas avant le 15 mai). Ils n’utilisent plus de 18-46. « L’arrêt du labour permet un meilleur maintien de la fraîcheur du sol. Les maïs semés derrière le méteil sont plus beaux, plus hauts. Ils profitent de l’effet booster permis par le couvert. » Le maïs est désormais récolté sous forme de maïs épi.
L’année de transition, les éleveurs disposaient de stocks de report de maïs ensilage. Ils avaient aussi semé juste après la moisson un petit méteil d’été à base d’avoine diploïde, vesce, pois et trèfle d’Alexandrie, en sécurité. « Ceci dit, la possibilité d’irriguer est déjà une bonne assurance fourragère en soi », souligne Xavier.
De nouveaux repères temporels pour les travaux des champs
« Ce qui est un peu déroutant au début, c’est le fait de se trouver en décalage au niveau travail par rapport aux voisins, considère Fabien. On perd un peu nos repères. Les semis de maïs interviennent plus tard. On ne met que trois jours pour semer nos 18 hectares. Plus rien à voir avec 50 hectares à semer avec une préparation de sol ! » Le système s’avère également plus souple à la récolte. « Pour le méteil par exemple, nous ne sommes plus à une semaine près, contrairement à une graminée pure qui perd rapidement sa valeur après épiaison. »
Au niveau économique, le bilan est satisfaisant. Les éleveurs conviennent qu’ils ne sont pas les plus mal lotis en livrant à la laiterie Saint-Père depuis janvier 2015. « Mais il n’empêche. La diversité amène de la sécurité au système et nous rend moins dépendants des achats extérieurs », apprécient-ils. Malgré la crise, l’EBE reste stable. Il va même certainement progresser sur le dernier exercice clos au 31 mars. La trésorerie est positive. Et les associés parviennent à se rémunérer et à supporter de nouveaux investissements. « Passer au semis direct a entraîné une série de modifications sur la ferme, chaque changement en amenant naturellement un autre. Finalement, cela ne cesse de nous pousser vers l’avant car on a toujours envie d’aller plus loin », conclut Fabien. Prochains objectifs du Gaec ? Approcher le zéro concentré acheté grâce au toastage de la féverole, et passer en bio.
(1) RGA diploïde et tétraploïde, RGH, fétuque des prés, fléole, trèfle blanc (nain et géant), trèfle hybride, trèfle violet, plantain, lotier.(2) Réussir Lait, n° 275, p. 34-36.
Maximum 2 kg de concentrés par vache par jour
• Distribuée à la mélangeuse, la ration de base se compose d’un tiers de méteil, un tiers de luzerne et un tiers de maïs épi. « Nous gérons en fait trois noyaux : les fibres, la MAT et l’énergie », décrit Xavier. Les méteils sont riches en fibres digestibles et en protéines (entre 17 et 19 % de MAT selon les années, et 0,73 à 0,86 UFL/kg MS). Le maïs épi, riche en amidon, atteint en général 1,1 UFL/kg MS. La luzerne est enrubannée (22-24 % MAT).
• Côté concentrés, la complémentation a été divisée par deux. Il n’y a plus de complémentation énergétique individuelle. Les quantités ne dépassent pas 2 kg de correcteur azoté (soja-colza) par vache par jour. Les aliments concentrés sont passés de 240 à 126 g/l entre 2013 et 2016. "Et sur le dernier exercice (2016-2017), seulement 500 kg de concentrés par vache par an ont été consommés", a calculé Fabien.
• De mars à novembre, le pâturage représente 50 à 90 % de la ration. Les vaches reçoivent toujours au minimum 3 à 4 kg MS à l’auge (méteil, paille et maïs grain) mais sans correcteur. « Nous cherchons à regrouper deux tiers des vêlages du 15 février au 1er mai pour mieux valoriser l’herbe et le pâturage. » Depuis 2 ans, 26 ha de prairies dédiées au pâturage sont découpés en 29 paddocks de 0,90 ha. Les vaches y séjournent une seule journée. « En pratiquant ainsi, les vaches sont davantage motivées pour pâturer et nous n’avons plus à faucher les refus. »
• La recherche d’autonomie s’est traduite par une baisse de la productivité de près de 1 000 kg par vache et une amélioration de leur santé. « Nous avons moins de mammites et de cellules, et quasiment plus aucune endométrite », témoigne Fabien.
Coté éco
• Coût des concentrés VL (e/1 000 l) : 102 en 2012-2013 et 48 en 2015-2016
• Coût fourrager VL (e/1 000 l) : 25 en 2012-2013 et 39 en 2015-2016
• EBE (e/UTH familial) : 62 500 en 2012-2013 et 69 400 en 2015-2016
Source : CER Vendée.