« On ne changerait notre roto pour rien au monde »
Au Gaec de la Croix Brillet, dans le Maine-et-Loire, la vitesse de traite et le confort ont convaincu les associés d’investir dans un roto 24 places pour traire en solo leurs 130 hautes productrices qui pâturent neuf mois de l’année.
Au Gaec de la Croix Brillet, dans le Maine-et-Loire, la vitesse de traite et le confort ont convaincu les associés d’investir dans un roto 24 places pour traire en solo leurs 130 hautes productrices qui pâturent neuf mois de l’année.
5 h 50, au hameau de la Croix Brillet, à Saint-Michel-et-Chanveaux, petite bourgade dans le nord-ouest du Maine-et-Loire : Laura Todd est fidèle au poste. C’est parti pour une heure de traite. Et en musique s’il vous plaît ! L’ambiance est calme et le flux de vaches régulier. Le manège, équipé de 24 postes extérieurs, tourne « ni trop vite ni trop lentement » pour que la jeune éleveuse assure la traite sereinement, en solo. Enfin presque, car Iallah, la Border Collie, lui file un bon coup de main pour pousser les vaches depuis le parc d’attente.
En 2008, quand le Gaec - issu du regroupement de trois exploitations voisines - a construit la nouvelle stabulation, le choix de l’installation de traite a suscité quelques débats. « On voulait une traite simple et rapide pour que la traite ne devienne pas une corvée pour les trayeurs », se remémore Jean-Louis Hamard. Le robot a d’emblée été écarté car les associés voulaient pouvoir optimiser le pâturage. Près de 100 hectares sont accessibles aux vaches et le pâturage représente la moitié du régime en moyenne. « Personnellement, j’étais 100 % convaincu par le roto, poursuit l’éleveur. J’ai eu la chance de bosser en Nouvelle-Zélande avec un roto de 50 places et je savais que c’était un choix imbattable en termes d’efficacité de traite. On trayait 100 vaches en 20 minutes, sans s’épuiser pour autant. » Jean-Louis a réussi à convaincre ses collègues, qui craignaient au départ une cadence de traite trop soutenue. Personne ne regrette ce choix aujourd’hui.
Une cadence de 110 vaches par heure en trayant seul
Le roto extérieur(1) a été préféré au roto intérieur, d’une part pour faciliter la mobilité du trayeur pendant la traite, et d’autre part pour ne pas ralentir la cadence si une vache s’avère longue à traire. « On reconnaît les vaches longues, on installe simplement une chaîne derrière elles pour les empêcher de sortir. » Elles font un second tour, sans que les éleveurs ne soient contraints d’arrêter le manège.
(1) 142 000 euros en 2008 (avec décrochage).
La traite est agréable et sans stress. « On marche assez peu, et surtout on ne court pas partout, ce qui fait gagner du temps ! », insiste Laura. Pour les vaches aussi, ça se passe bien. « Il n’y a qu’en roto extérieur qu’elles peuvent toutes se voir, ça doit avoir un côté rassurant car elles sont très calmes et ça bouse très peu », fait remarquer Jean-Louis. Le fait que la traite soit rapide contribue aussi à ce que celle-ci se déroule bien. Quant aux primipares, elles prennent vite le pli, elles entrent plutôt facilement dans le manège. « La sortie en marche arrière est plus délicate au début, mais ça vient au bout de quelques jours. »
Le protocole de traite est volontairement simplifié
« Le principal défaut avec le roto quand on trait seul comme nous, c’est la difficulté d’effectuer un post-trempage », concèdent les éleveurs, qui pallient ce souci avec une barre qu’ils positionnent à l’arrière des logettes pour éviter que les vaches ne se couchent pendant 30 minutes après la traite.
Autre faiblesse du système : quand une vache décroche, l’écran l’indique mais cela oblige à faire le tour du manège. Heureusement, ça n’arrive pas souvent. « À l’achat, nous n’avions pas opté pour des compteurs à lait, pour réduire la facture (20 000 €), précise Jean-Louis. Mais c’est vrai que ça aiderait à repérer d’éventuelles sous-traites, comme on ne revoit plus la vache en roto extérieur. » Les éleveurs n’excluent pas cet investissement à l’avenir, couplé à une porte de tri automatique. « C’est ce qu’il nous manque aujourd’hui. »
Côté protocole de traite, les choses sont assez simples. Le trayeur porte des gants à usage unique. Des bracelets avec un code couleur différent renseignent sur les vaches en traitement, les fraîches vêlées et les vaches dont le lait est trié pour les veaux. En cas de mammite ou de cellules, les éleveurs accrochent systématiquement une pince à linge à côté de la griffe pour leur faire penser à désinfecter le faisceau trayeur avant de brancher une nouvelle vache.
Il n’y a ni premiers jets, ni prétrempage. « Je frotte simplement les mamelles avec de la laine de bois pendant quelques secondes, décrit Laura. C’est un produit très absorbant et la fibre est suffisamment décapante pour décoller la bouse sèche. » Les éleveurs consomment trois sacs de 12 kg (50 €) par an. La paille de bois a aussi l’avantage de bien stimuler la mamelle, et malgré son aspect un peu rêche, elle ne semble pas abîmer les trayons. « Par contre, la peau des trayons est un peu sèche », relève Jonathan Sureau, de Seenovia, en recommandant d’appliquer un soin hydratant aux périodes où les trayons sont les plus sensibles. « Cela supposerait de traire en binôme une à deux fois par semaine, ce qui paraît jouable », estime Laura.
Deux tours de manège pour un nettoyage complet
Une autre amélioration possible concerne la préparation des vaches. En routine, les éleveurs enchaînent le nettoyage et le branchement des vaches les unes à la suite des autres. « L’idéal serait de préparer deux vaches avant de brancher la première, de façon à augmenter un peu le délai entre le début de la stimulation de la mamelle et le branchement, et provoquer ainsi le pic d’ocytocine, l’hormone d’éjection du lait, au bon moment », explique le conseiller.
Il est à peine 7h et la traite arrive à sa fin. Laura commence le nettoyage du roto dès que la dernière vache est branchée, une primipare qui a vêlé deux jours plus tôt. « En général, je fais un lavage rapide au premier tour, et Noël, un de nos associés, me rejoint à ce moment-là pour brancher les faisceaux trayeurs sur le plateau de lavage dans la foulée. Au deuxième tour, je peaufine le nettoyage en passant éventuellement une petite brosse sur les griffes. » Le nettoyage prend un peu plus de temps (30 min en tout) si le trayeur n’a pas d’aide en fin de traite car le branchement des faisceaux nécessite alors un tour supplémentaire.
Le saviez-vous ?
L’idéal est de brancher une vache entre 30 s et 1 min 30 après avoir touché sa mamelle pour qu’elle donne son lait le plus rapidement possible, et éviter les risques de surtraite et/ou de sous-traite. Une préparation optimale est encore plus essentielle en roto extérieur. Attention aux décrochages fréquents, ils peuvent révéler que la préparation est à revoir.
« L’efficacité de la traite se joue aussi en amont »
L’alimentation et l’hygiène du bâtiment comptent également pour avoir des vaches propres et assurer une traite rapide.
« Il y a beaucoup de choses à mettre en place en amont de la traite, pour que celle-ci se passe bien, estime Jean-Louis Hamard. Cela commence notamment par avoir des vaches en forme. Et cela passe avant tout par l’alimentation. » Jean-Louis ne plaisante pas avec ça. Pour lui, la digestibilité de la ration est primordiale. « C’est pourquoi, nous avons fait le choix d’un régime à base de foin séché en grange, plutôt que d’ensilage de maïs. Ce qui est intéressant dans le maïs, c’est l’amidon contenu dans les grains. Pas ses tiges. » En hiver, la ration de base comporte 10 kg de foin séché en grange, 5 kg de maïs grain humide, 1 kg de blé, 1 kg de féverole, 3 kg de colza enrubanné et 5 kg d’ensilage de pois. Seulement 50 tonnes de tourteau de soja sont achetées par an pour compléter la VL fermière à base de maïs grain, de féverole et de blé aplatis.« Il n’y a pas que la traite à proprement parler »
Autres points essentiels : la propreté et la maîtrise sanitaire. « La propreté des mamelles se joue dans la stabulation », poursuit Jean-Louis. Les associés sont particulièrement vigilants à l’hygiène du bâtiment. C’est Noël Gohier qui gère l’entretien des 120 logettes creuses sur nid d’abeille. Elles sont nettoyées matin et soir. Depuis 2019, la paille défibrée, beaucoup plus absorbante, remplace la paille. Et, dans les couloirs, le racleur ne passe pas moins de huit fois par jour.
Des rideaux viennent aussi d’être installés sur les pignons du bâtiment, ainsi que sur le pan est où le bardage a été enlevé. « Il n’y a pas photo, ça ventile beaucoup mieux, apprécient les éleveurs. Le sol sèche beaucoup plus facilement, et on sent moins d’odeur dans le bâtiment. On verra cet hiver ce que ça donne. »
Dernier petit détail mais qui facilite grandement la traite, toutes les queues sont coupées.
Chiffres clés
Avis d'expert : Jonathan Sureau, de Seenovia
« La situation cellulaire s’est améliorée »
« Il y a six ans, cet élevage a connu une sérieuse flambée de cellules suite à l’utilisation d’une réserve d’eau de pluie souillée pour laver la salle de traite. Il est passé de 200 000 à 800 000 cellules/ml en moins d’un mois ! Cet épisode a été long et délicat à gérer mais la situation s’assainit d’années en années. L’élevage affiche désormais une moyenne de 260 000 cellules/ml (contrôle laitier) et 190 000 à la laiterie sur les six derniers mois. L’élevage compte encore quelques vaches millionnaires en cellules mais il n’y a pas de nouvelles contaminations, ce qui traduit une maîtrise des contaminations croisées à la traite et une bonne hygiène dans le bâtiment. Par ailleurs, le nombre de mammites se révèle très limité (6 l’an dernier). Cet incident aura au moins eu l’avantage de remettre en cause les pratiques des éleveurs qui appliquent désormais divers leviers de prévention efficaces. »