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« Mes vaches sont plus robustes et plus efficaces »

À l’EARL Kerandel, dans le Finistère, un audit d’élevage suivi de quelques corrections a permis d’améliorer l’immunité et la digestion des vaches pour une efficacité maximale de la ration.

Un problème en élevage laitier est souvent la résultante de différents paramètres qui interagissent entre eux. Pour améliorer durablement la situation, il faut avoir une démarche d’ensemble qui permette d’identifier puis de hiérarchiser tous les facteurs en cause pour pouvoir mettre en œuvre les leviers d’actions les plus efficaces », avance Rémy Chérel de la société de conseil Olitys. C’est cette approche qui a été utilisée il y a maintenant deux ans à l’EARL Kerandel, avec à la clé des résultats techniques et économiques probants. « Depuis quelques années, sans avoir de problème flagrant, j’avais l’impression que mon troupeau ne tournait pas au mieux », explique Hervé Kerandel, installé à Plabennec, au nord-est de Brest, avec environ 75 Prim’Holstein pour un droit à produire de 600 000 litres. « La production, notamment, plafonnait à 24-25 litres alors que la ration et la génétique devaient permettre de faire mieux. Et les différentes choses mises en place pour essayer d’y remédier, comme l’achat d’une mélangeuse en 2012, l’apport de paille broyée dans la ration et l’utilisation d’un minéral haut de gamme n’avaient pas eu les effets escomptés. »

La qualité du lait, historiquement très bonne puisque l’éleveur avait été pendant plusieurs années lauréat d’argent sur ce critère au sein de sa laiterie Even, avait aussi tendance à se dégrader, avec une plus grande sensibilité des vaches aux mammites et, surtout, des taux cellulaires très variables.

Les vaches étaient assez agitées

Lors de sa première visite de l’élevage, début 2014, Stéphane Blotas, conseiller Olitys passe en revue les conditions de logement, de traite, l’abreuvement, les aliments, la ration distribuée à l’auge et, bien sûr, les animaux… « Les vaches avaient un poil terne, brouillé à certains endroits. Elles étaient assez agitées. Malgré un contexte d’élevage calme, elles donnaient l’impression d’être toujours un peu aux aguets, même lorsqu’elles buvaient. Les bacs à eau se salissaient rapidement. Il y avait un biofilm important qui se reformait très vite malgré un nettoyage régulier. »

« Le poil, les bouses, l’agitation des animaux suggérait un fonctionnement digestif non optimal, commente Rémy Chérel. Nous nous sommes donc immédiatement attelés aux fondamentaux de la digestion. »

La ration distribuée au moment du diagnostic comprenait 12 à 13 kg de MS de maïs ensilage, 2 kg de MS d’ensilage d’herbe, 3 kg de MS de betterave, 500 à 600 g de paille broyée, 3,5 kg de soja et 150  g de minéral. Les primipares à plus de 25 kg et les multipares à plus de 30 kg recevaient au DAC un aliment fabriqué à la ferme par un camion-usine, à base de soja tanné, maïs grain, coques de soja et granulés de luzerne, à raison d’1 kg d’aliment pour 4 litres de lait. Dans un premier temps, la ration, à priori bien calée et sans problème apparent en termes de hachage, consommation, appétence, n’a pas été modifiée. « Nous avons juste introduit dans la complémentation minérale un noyau organique à base de plantes et d’algues, riche en micro-nutriments. Distribué aux vaches en lactation, vaches taries et génisses, ce noyau a pour objectif de favoriser les bonnes flores digestives notamment cellulolytiques, relancer le système enzymatique du rumen et renforcer l’immunité naturelle des animaux grâce à l’apport d’antioxydants naturels. »

La situation s’est améliorée progressivement

« Nous avons aussi travaillé sur l’organisation des repas, de façon à mieux respecter le cycle digestif des animaux, en ayant des phases d’ingestion et digestion bien distinctes. » Au départ, la ration était distribuée en fin de matinée, puis rapprochée dans l’après-midi, le soir après la traite et le lendemain matin avant la traite.  « Mais une vache ne peut pas ingérer et digérer en même temps », affirme Stéphane Blotas. L’éleveur a donc opté pour une distribution de la ration plus précoce le matin, juste après la traite, repoussée en fin de matinée. Mais il n’intervient plus dans l’après-midi, dédié à la digestion. 

« L’agitation des animaux et la présence à proximité de l’élevage d’une antenne de téléphonie et d’un transformateur EDF nous ont aussi incité à faire réaliser par un géobiologue un bilan qui a confirmé la présence de perturbations d’origine électomagnétique et apporté des modifications afin d’en atténuer les effets », détaillent Rémy Chérel et Stéphane Blotas. Suite à la visite d’élevage, l’un des abreuvoirs, situé à une extrémité du couloir d’alimentation a été déplacé et installé au niveau de l’aire d’exercice, à un endroit plus adapté par rapport à la circulation des vaches.

« Les résultats de ces modifications n’ont pas été immédiats, souligne l’éleveur. L’évolution du troupeau s’est faite progressivement. Les six premiers mois, c’est surtout l’aspect extérieur, le comportement et la vitalité des vaches qui ont changé. Le poil était plus brillant, plus lisse, les pattes moins rouges et j’ai vu une amélioration de la qualité des membres. Le pointeur, lors d’une de ses visites a aussi remarqué que certaines vaches avaient vraiment changé, notamment en termes de locomotion et de développement thoracique. »

Cellules et mammites ont bien diminué

 « Au bout de quelques mois, nous nous sommes rendu compte que les vaches répondaient mieux. Nous avons alors retravaillé la ration pour améliorer l’efficacité alimentaire tout en limitant le gaspillage. Nous avons retiré 1 kg de MS de betterave et 500 g de soja et malgré cela la production sur l’hiver 2014-2015 a augmenté. »

« Certaines vaches en début de lactation, notamment, sont montées à 50 kg de lait, précise Hervé Kérandel. Et malgré ces bons démarrages, les vaches perdaient moins d’état, j’ai eu moins d’acétonémie tout en utilisant moins de propylène glycol. »

Une tendance qui s’est retrouvée au printemps suivant, en 2015. « Les vaches ont beaucoup mieux valorisé l’herbe et en gardant uniquement 1kg de soja avec 8 kg de MS de maïs, elles ont produit 5 litres de lait de plus que le printemps précédent. Cela faisait longtemps que je n’avais pas obtenu 29 kg de lait à l’herbe », remarque Hervé Kerandel.

« En tant qu’éleveur, je suis bien sûr satisfait de voir mes vaches de nouveau exprimer leur potentiel. Lorsque je regarde les données du contrôle laitier, je constate que le niveau d’étable de 7200 kg sur la campagne 2012-2013 a atteint 9400 kg en 2014-2015, sans distribuer plus d’aliment. Le TP s’est aussi mieux maintenu. D’habitude, en été, il descendait à 30, l’été dernier il n’est pas descendu en dessous de 31. » « Comme la flore fonctionne mieux, il y a plus de protéines microbiennes, le TP reste meilleur », analyse Rémy Chérel.

La sensibilité des vaches aux cellules et le nombre de mammites ont diminué. « De 10 mammites sur 2012-2013, nous sommes passés à 8 sur 2013-2014, puis 2 mammites sur 2014-2015, et pour l’instant, depuis le début de la campagne 2015, nous n’avons eu que 2 mammites. Du coup, six vaches aux taux cellulaires élevés que j’avais prévu de réformer ont été gardées dans le troupeau et nous avons vendu des vaches en lait, un avantage appréciable en termes de trésorerie. » 

Des mélanges suisses pour les prairies

« D’un peu plus de 2000 euros de pénalités cellules sur la campagne 2012-2013, nous sommes descendus à 300 euros en 2014-2015. Et, pour l’instant, depuis le début de la campagne et sans faire de tri de lait nous n’avons eu que deux points de pénalité, constate l’éleveur. 

Au vêlage, les vaches sont plus toniques, délivrent mieux et les veaux sont aussi plus toniques. Les chaleurs sont plus franches et toutes ces évolutions commencent à __SE___ressentir au niveau des résultats de reproduction. » L’intervalle vêlage-vêlage a baissé de 12 jours, de 416 à 404 jours et le nombre de paillettes par insémination fécondante a également diminué, de 2,1 à 1,8. Le meilleur fonctionnement du système digestif se retrouve également au niveau des bouses et des lisiers qui se décomposent plus vite.  « Je le vois au niveau des fosses que j’ai moins besoin de brasser, du fait de l’activité fermentaire qui s’y déroule », souligne Hervé Kérandel.

« Après avoir travaillé sur les animaux, nous allons maintenant nous intéresser à l’écosystème sol-plantes, dans l’objectif d’améliorer l’autonomie de l’élevage. En allant voir les vaches à l’herbe cet été, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des marges de progrès à ce niveau, en remplaçant une partie des associations de ray-grass anglais et trèfle blanc par des mélanges suisses destinés à être ensilés avec une forte valeur protéique. L’idée serait de remplacer la tige de maïs, coupée plus haut, par de la tige d’herbe ensilée à 16 % de protéines. Actuellement, le rendement en herbe est de 8,5 t de MS/ha. Nous devrions pouvoir également gagner 2 à 3 tonnes de MS/ha. »

Une analyse cytologique du lait en complément

Dans l’audit réalisé sur l’élevage Kérandel, Rémy Cherel s’est également appuyé sur une analyse cytologique du lait de mélange. « Peu pratiquée en France, cette analyse consiste à dénombrer au microscope les différents types de cellules du lait afin de mieux comprendre ce contre quoi les animaux se défendent », explique l’ingénieur nutritionniste. Les résultats, interprétés en fonction du contexte et des observations faites sur l’élevage, peuvent ainsi permettre de confirmer ou d'infirmer certaines hypothèses concernant l’origine des problèmes rencontrés. « Ici, l’analyse suggérait que l’on n’était pas sur une problématique infectieuse ni parasitaire, mais que l’on avait plutôt affaire à des déséquilibres en oligoéléments, minéraux, des problèmes de stress oxydatif et une situation digestive perturbée. La mesure de l’activité enzymatique des cellules montrait qu’elle était plutôt faible, avec présence de flores non désirables de type champignons ou levures. »

Un gain de marge brute évalué à 35 €/1000 l

« Suite à l’optimisation du fonctionnement du rumen, l’efficacité alimentaire des vaches d’Hervé Kerandel a progressé de 0,15 point, ce qui correspond à un gain de 15 €/100 litres », évalue Rémy Chérel. « Sur l’hiver 2014-2015, j’ai consommé près de 10 tonnes de soja en moins que l’année précédente avec davantage de lait », estime de son côté l’éleveur. « Si on intègre la diminution des problèmes sanitaires (fièvres de lait, cétoses, mammites…), l’amélioration des paramètres de reproduction et celle constatée au niveau des comptages cellulaires qui s’est traduite par une baisse des pénalités (-1800 €) et a permis de garder six mois de plus dans le troupeau des vaches initialement prévues à la réforme avec vente de vaches en lait, le bilan global fait apparaître un gain net de marge brute d’environ 35 €/1000 l », calcule Rémy Chérel.

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