Les matériaux à privilégier pour vos chemins de pâturage
Des matériaux disponibles sur l'exploitation et à proximité : telle est l’option à privilégier pour vos chemins de pâturage. Mais attention à certains choix.
Des matériaux disponibles sur l'exploitation et à proximité : telle est l’option à privilégier pour vos chemins de pâturage. Mais attention à certains choix.
En matière de chemins, en fonction des opportunités de récupération, on voit de tout sur le terrain : tapis de carrière, feutres, bâches, caillebottis, gravats... « À quelques exceptions près, il n'y a pas de mauvais matériau. On va chercher à faire avec ce que l'on trouve sur l'exploitation et dans son voisinage. Il faut donc y penser et l'anticiper quand on terrasse pour réaliser un bâtiment, ou que son voisin fait un bâtiment. S'il faut acheter, on cherchera à proximité. S'il n'y a pas d'opportunités proches de l'exploitation, alors on peut envisager d'investir dans du béton », résume Guillaume Baloche, de PâtureSens.
Cailloux et sable : un entretien régulier
Là où c'est possible, c'est l'option courante : récupérer des cailloux, ou du béton broyé concassé, pour faire la couche de fondation, avec une granulométrie 0-100, 0-120 mm... « De préférence, il sera mis une couche intermédiaire de plus faible granulométrie pour faciliter la formation du profil du chemin - bombé ou avec pente latérale. Puis, on épand une couche de finition de 5 cm de sable non drainant, sinon ça roule ! », précise Sébastien Guiocheau, de la chambre d'agriculture de Bretagne. Le sable sera à damer. Il peut aussi être arrosé entre deux passages du rouleau si les conditions ne sont pas assez humides. C'est un classique qui fonctionne, à condition de bien tasser les couches de fondation, de bien surélever et profiler le chemin. S'il y a des silex ou d'autres matériaux blessants, ils doivent être réservés au soubassement.
Le calcaire en couche unique, très stable
La ferme expérimentale de La Blanche Maison, dans la Manche, a testé une couche de calcaire sur une hauteur de 20 cm, directement installée sur le sol en 2017. « Chez nous, c'est satisfaisant : le chemin reste très stable. Notre carrière nous a livré un calcaire de bonne qualité. Mais des éleveurs d'autres régions nous signalent des calcaires contenant des silex blessant les pattes des vaches. Lors d'un achat, notre conseil est donc d'aller vérifier la qualité des produits directement sur la carrière », expose la conseillère Flore Lepeltier.
Les galettes minérales et les copeaux à oublier
La galette minérale est un produit issu du lavage des granulats. Proposé par une carrière, il a été testé par La Blanche Maison. Installé en 2017 sur une partie du chemin principal, il n'a pas tenu dans le temps. Il pourrait s'envisager sur un chemin secondaire, « en ne dépassant pas 7 cm d'épaisseur, sur une base en 0-120 de 20 cm d'épaisseur. Au-delà, le matériau peut se déformer avec le passage répété des animaux ».
Les copeaux de bois ont été testés à la ferme expérimentale de Trévarez. « Ça roule, ça part : mieux vaut l'oublier », estime Sébastien Guiocheau. Quelques éleveurs en utilisent sur des chemins secondaires ou aux abords de paddocks. Cela devient coûteux quand il faut en remettre régulièrement.
Craie, marne, tapis : gare aux glissades !
En couche de finition, « la craie s'avère glissante quand il pleut, avant que cela draine », témoigne Gaëtan Leborgne, de la chambre d'agriculture de l'Aisne. La marne - un calcaire contenant de l'argile - devient particulièrement gadouilleuse et glissante quand il pleut, à cause de l'argile. « Les anciens tapis de caoutchouc récupérés auprès des carrières protègent bien des silex, mais c'est glissant dès qu'il pleut », nous indiquent également des conseillers.
« Des anciennes bâches de paillage sont utilisées par des éleveurs pour limiter l'érosion de la couche de sable. Certains en sont satisfaits, quand ils sont posés sur un chemin plat. S'il y a une pente, c'est glissant dès qu'il fait humide ou lorsqu'il y a du verglas, détaille Stéphane Boulent, de la chambre d'agriculture de Bretagne. Nous avions testé des bâches en polyéthylène il y a de nombreuses années. L'essai s'est avéré peu concluant : cela se déchire et le vent prend dessous. »
Le mâchefer, des problèmes de qualité
En couche de finition, on trouve aussi de la grave de mâchefer 0-31,5. C'est un résidu de la combustion du charbon, de déchets ménagers, ou issu d'usine de déshydration de fourrage. « Quand cela vient d'une usine d'incinération, on y trouve du verre, du métal... Les éleveurs qui en utilisent enlèvent régulièrement ces indésirables. Ce type de sous-produits pose question pour la santé des pattes. Comme tout matériau, le mâchefer sera à damer plusieurs fois », explique Stéphane Boulent.
Le béton, durable et sans entretien
Le béton est coûteux mais très durable. Il offre une surface stabilisée non blessante. Posé sur une couche de fondation, il est adapté aux fortes charges. Le béton est privilégié en sortie de stabulation ou pour des chemins mixtes engins et vaches. Mais il s'en fait de plus en plus pour des chemins principaux dédiés aux vaches seules, car il ne nécessite pas d'entretien. Il est alors conçu sans couche de fondation.
À la ferme expérimentale de Trévarez, pour des chemins dédiés aux vaches de 3,5 mètres de large, « sur un ancien chemin dont la surface a été réglée avec 5 à 10 cm de 0-20 compacté, nous avons coulé entre deux chevrons de coffrage une couche de 8 à 10 cm de béton fibré avec des fibres de plastique, pour éviter la fissuration du béton. Le béton a été balayé pour éviter les glissades. Il faut faire le marquage au balai de maçon ou de cantonnier, mais pas avec une fourche ou un rateau, qui risquent de faire ressortir des cailloux », détaille Sébastien Guiocheau.
Le bitume, un problème d'image
Le bitume est légèrement moins cher qu'un béton, mais, étant issu du pétrole, il souffre d'un déficit d'image. Autre inconvénient : il faut une sous-couche très bien réalisée et nivelée car ce matériau est souple. Enfin, il supporte mal les fortes chaleurs.
Les caillebotis stabilisent bien
Lorsqu'il est possible d'en récupérer, les caillebotis s'avèrent être une solution particulièrement économe, confortable pour les vaches, durable et nécessitant peu d'entretien, voire pas du tout. Autre avantage : ils peuvent facilement s'enlever.
À La Blanche Maison, les caillebottis porcins récupérés et installés en 2017 sur le chemin principal tiennent bien. À Trévarez, les caillebottis porcins datent de plus de dix ans. « Notre chemin suit une pente ; les fentes sont perpendiculaires à la pente. Elles ont été remplies avec de la terre. C'est moins drainant aujourd'hui avec l'herbe qui pousse dedans, mais avec une légère pente latérale et un chemin bien au-dessus des parcelles, le chemin reste sec. Malgré la pente dans la longueur du chemin, il n'y a pas d'érosion », explique Sébastien Guiocheau. Les caillebottis pourraient donc être une solution pour des endroits en pente ou humide. Ils présentent malgré tout deux inconvénients : « les dalles sont très lourdes, et sous les caillebottis, il faut bien niveler à la pelleteuse une couche de petite grave ou petits cailloux ».
Les dalles alvéolées en plastique, prometteuses ?
Il existe différentes sortes de dalles alvéolées. Celle testée à La Blanche Maison est en PEBD recyclé, recyclable, souple et solide à la fois, et ne se dégrade pas au contact de l'urine : la dalle Ecoraster. Il y a également des modèles adaptés aux très fortes charges pour les abords des bâtiments. Et d'autres idéales pour stabiliser des chemins de pâturage, les entrées de paddock...
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Les alvéoles remplies de petits cailloux ou de sable drainant donnent un chemin stabilisé et perméable. La pose est simple : les dalles se clipsent. À La Blanche Maison, il a fallu deux heures à deux personnes pour les installer sur 100 mètres de long par deux mètres de large. « Il faut soigner l'installation, en nivelant (avec pente latérale de 1 %) et en tassant bien le sol au rouleau compresseur avant la pose. De plus, il faut s'arranger pour ne pas avoir à rouler en tracteur sur les dalles vides pour ne pas les soulever », pointe Flore Lepeltier.
La Blanche Maison a posé ces dalles en juin 2021. Une partie avec fondation, au début du chemin. Il y a eu un décapage de la surface végétalisée, puis la pose d'un géotextile, et enfin d'une couche de cailloux 20-40. La seconde partie, en bout de chemin, repose à même le sol décapé. « Pour l'instant, même si c'est moins drainant que la première modalité, ce chemin reste stable, confortable et peu gadouilleux en cas de pluie. »
La chaux, un itinéraire technique à perfectionner
À La Blanche Maison, un ancien chemin a été refait avec un mélange terre-chaux sur une longueur de 200 mètres. « Nous testons cette solution en « modalité agriculteur », c'est-à-dire avec le matériel disponible sur la ferme, afin qu'elle soit économiquement intéressante, souligne Flore Lepeltier. Nous avons fait quelques erreurs, comme de ne pas ramener assez de terre pour surélever davantage le chemin par rapport aux paddocks. Nous avons réalisé la première partie l'été 2020 - chantier décalé à cause du confinement. La météo était trop sèche, donc nous aurions dû arroser le chemin. L'apport d'eau permet au complexte argilo-humique de se créer, ce qui consolide et stabilise le chemin. » Après un ou deux passages de rotavator pour émietter la terre, la chaux (Proviacal DS3 de l'entreprise Lhoist) a été épandue avec l'épandeur à engrais de la ferme. Puis, un rotavator est passé deux fois pour mélanger la terre et la chaux. Il faut alors bien tasser au rouleau compresseur.
La quantité de chaux à amener varie selon la teneur en argile du sol. « Ici, 5 à 7 kg/m2 pour 25 cm d'épaisseur (soit 20 à 28 kg/m3) était recommandé par l'entreprise Lhoist. Mais peut-être faut-il en mettre davantage pour une meilleure stabilisation ? », s'interroge Flore Lepeltier. Reste à voir comment ce type de chemin durera dans le temps.
Le laisser en terre ?
« Pour des chemins secondaires, si le chemin est bien exposé, que la pente reste légère et qu'une haie aide à drainer le chemin, il est possible de se contenter d'un chemin en terre », estime Stéphane Boulent. À la ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, un chemin est simplement délimité par deux fils de clôture dans les parcelles en extrême bout de parcellaire. « Cela fonctionne pour des périodes réduites à la belle saison », indique Sébastien Guiocheau.
Pour un chemin secondaire, il est également possible pendant un ou deux ans de le laisser en terre, ce qui permet de le tester : est-ce le bon emplacement, peut-on n'empierrer que la moitié de la longueur ?...
Des coûts à raisonner en fonction de la durabilité
Des aides à l'investissement
Il existe diverses possibilités de subventions des chemins et des boviducs, au niveau des collectivités territoriales, des bassins versants... À noter que le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) ne subventionne pas les chemins bétonnés ou bitumés. Seuls les abords de bâtiments en béton ou bitume peuvent être aidés. Le plan de relance pourra, lors d'un prochain appel d'offre, aider des projets de chemins et boviduc.
Béton, bitume : le problème des jus
La législation oblige à récupérer et traiter les jus d'une aire d'exercice imperméable. « Un chemin n'est pas une aire d'exercice et nous espérons que la législation continuera de s'appliquer ainsi. Le plus important est de veiller à ce que les jus n'aillent pas directement dans un fossé circulant ou un ruisseau. Il faut faire en sorte que les eaux s'infiltrent au plus près dans la parcelle », expose Sébastien Guiocheau, de la chambre d'agriculture de Bretagne. Pour les sorties de stabulation, l'idéal est de pouvoir amener les jus dans la fosse ou dans un bassin tampon de sédimentation.