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Les élevages en difficulté à la recherche de solutions

Accompagnement des éleveurs pour dégager plus d’EBE, restructuration des dettes... éleveurs et créanciers tentent le règlement amiable. Il y aurait encore peu de liquidations et de cessations.

Avec des structures plus grandes et plus équipées, les montants de dettes sont élevés, conduisant davantage vers des procédures judiciaires que des règlements amiables.
© A. Conté

Les structures qui accompagnent les exploitations en difficulté témoignent de situations très difficiles. Avec de plus grosses structures, plus équipées, les sommes en jeu (annuités, dépenses) sont plus importantes, rendant les procédures amiables plus compliquées. "Les éleveurs ont parfois trop attendu avant de nous appeler, et sont déjà en situation d'interdit bancaire par exemple. En 2016, nous ne recevons pas forcément plus de demandes d'accompagnement, mais les dossiers sont plus difficiles, financièrement et moralement, dépeint Solidarité paysans de Mayenne. On voit plus de grosses structures, et plus de jeunes qu'avant. Les problèmes relationnels dans les sociétés et la surcharge de travail sont autant en cause que les difficultés financières. On voit des éleveurs au bord du burn out."

"Dans un contexte défavorable, les écarts de résultats sont très importants. Les exploitations les plus performantes peuvent résister deux ou trois ans. En Lorraine, il n'y a quasiment que des polyculteurs-éleveurs, et de plus en plus de gros élevages laitiers (550-600 000 l/exploitation en moyenne). Normalement, il y a toujours une production qui permet de s'en sortir. Mais en 2016, rien n'est bon. Et en plus, les aides PAC diminuent !, décrit Fabien Renaudin, du Cerfrance Adheo (Meuse et Meurthe-et-Moselle). Il y aura des arrêts contraints financièrement. Après une hausse des prêts courts termes, on a surtout vu une hausse des encours fournisseurs. Dans certains cas, des fournisseurs privés ont arrêté de prêter aux agriculteurs. Chez certains éleveurs, il faudrait une à deux récoltes de céréales pour éponger leurs dettes fournisseurs."

La surcharge de travail est une problématique forte

Dans les dossiers suivis, les conseillers évoquent des jeunes installés avec de trop lourds investissements. Également des gens qui étaient très bons avec 60-80 vaches, qui se sont beaucoup agrandis rapidement, et qui aujourd'hui n'ont pas réussi à retrouver une cohérence de leur système. Et des exploitations où la cause des difficultés est une performance technico-économique de l'élevage (EBE/produit) insuffisante. Dans ce cas, un appui peut être mis en place. Les Régions et organismes agricoles peuvent aider à financer un accompagnement (diagnostic de situation et plan d'actions).

"Le nombre de dossiers en procédures judiciaires augmente de façon exponentielle. Habituellement, 15 à 20 dossiers agricoles par an sont traités dans le Morbihan. On en compte déjà 30 depuis le début de l'année ! Cela concerne principalement des éleveurs laitiers et de porcs. Ce sont surtout des règlements amiables et des redressements judiciaires. Il y a encore peu de liquidations judiciaires", chiffre Claude Le Goff, conciliateur pour le tribunal et conseiller à la chambre d'agriculture du Morbihan. 

Des dettes importantes au regard de l'EBE

Selon les conseillers, chaque semaine, plusieurs tours de tables sont organisés, pour des règlements amiables entre l'exploitant, le banquier et les fournisseurs. La procédure amiable explore tout un éventail de solutions pour que chacun recouvre sa créance. "L'idée est que chacun fasse un effort. Les fournisseurs et la banque en réaménageant les dettes : étalement des prêts, différé... Quand les recettes donnent peu voire pas de capacité de remboursement, on propose un gel de la dette pendant un an, mais cela a un coût. Pour que les créanciers acceptent de réaménager les dettes, il faut que l'exploitation dégage du bénéfice et de la trésorerie. L'éleveur peut adapter certaines pratiques pour améliorer l'efficacité économique", développe Claude Le Goff. "Il faut parfois décapitaliser, ajoute Fabien Renaudin. Par exemple, vendre du foncier et le louer. Arrêter l'atelier viande et vendre le cheptel allaitant. Encore faut-il que le système reste cohérent. Vendre du matériel. Il y a souvent du sur-équipement sur les élevages. De 2010 à 2013, en lien avec la hausse de l'EBE, les investissements matériel ont progressé chaque année pour atteindre 378 euros/ha en moyenne sur les fermes lorraines, pour des raisons fiscales !"

"On trouvera plus difficilement un accord quand la dette est importante et que la capacité de remboursement impose une durée du plan dépassant cinq ans pour un fournisseur et dix à douze ans pour une banque", poursuit Claude Le Goff. Le redressement judiciaire peut alors être demandé par les créanciers.

Les procédures judiciaires applicables en agriculture

Le règlement amiable. Le conciliateur, avec l'exploitant et ses créanciers, cherche un accord pour le règlement des dettes. En cas d'échec de la conciliation, le débiteur, tout créancier ou le tribunal peuvent demander la mise en redressement judiciaire. Le règlement amiable, aussi appelé "tour de table", peut être réalisé en dehors du cadre judiciaire.
La procédure de sauvegarde. Le plan de règlement des dettes peut courir sur une durée plus longue (jusqu'à quinze ans en agriculture), mais elle est plus coûteuse pour l'agriculteur. En cas d'échec, passage en redressement judiciaire.
Le redressement judiciaire. La cessation de paiement est déclarée. Un plan de règlement des dettes est présenté par l'exploitant, d'une durée maximale de quinze ans. Celui-ci continue de gérer sa ferme, et il verse un dividende au mandataire de justice qui le répartit entre les créanciers. La liquidation judiciaire est prononcée : dès l'ouverture de la procédure si le redressement s'avère d'emblée impossible ; en cas de refus du plan proposé ; en cas de non respect du plan. Le chef d'exploitation est alors dessaisi de ses responsabilités et les actifs de l'exploitation sont vendus par le mandataire de justice pour régler le passif.

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