« L'efficacité alimentaire doit être associée à d’autres critères »
Pour Stéphane Baille, nutritionniste du cabinet d’expertise en ration mélangée BDM, l’efficacité alimentaire est un bon indicateur de valorisation de la ration. Mais l’efficacité technique n’est pas toujours gage d’efficacité économique.
Pour Stéphane Baille, nutritionniste du cabinet d’expertise en ration mélangée BDM, l’efficacité alimentaire est un bon indicateur de valorisation de la ration. Mais l’efficacité technique n’est pas toujours gage d’efficacité économique.
« Pas forcément. L’efficacité alimentaire, c’est-à-dire le nombre de kilo de lait standard produit/kgMS ingérée, est un bon indicateur de valorisation de la ration. Nous l’utilisons dans les tableaux de bord remis à chacune de nos visites. Mais c’est un critère purement technique : utilisé seul, il n’est pas vraiment un critère de rentabilité pertinent. L’efficacité technique n’est pas forcément gage d’efficacité économique. On peut être très efficace techniquement, mais si on achète beaucoup à l’extérieur et cher, on dégage peu de revenu.
Il est important de déterminer au départ l’objectif que l’on veut atteindre. S’agit-il de produire le maximum de lait quel que soit le coût ? Cela peut être le cas de ceux qui font de la haute génétique ou de ceux qui sont limités en places bâtiment. Mais dans la plupart des situations, on cherche à dégager le maximum de revenu en produisant son volume de lait. »
« Nous utilisons aussi le coût alimentaire/1000 litres et la marge sur coût alimentaire aux 1000 litres. Ainsi que le coût de la ration/vache/jour et la marge alimentaire/vache/jour. Nous calculons plus ponctuellement le lait produit par jour de vie, un critère très utilisé en Allemagne par exemple; il permet de tenir compte de la longévité.
Une amélioration de l’efficacité alimentaire n’est pas toujours liée à une meilleure marge sur coût alimentaire aux 1000 litres. Nous avons mené avec un stagiaire une étude à partir des données de nos éleveurs pour déterminer les critères qui influencent le plus la marge sur coût alimentaire aux 1000 litres. Ceux qui sont ressortis sont les taux et la qualité du lait, les pourcentages rations achetés et produits???? sur l’exploitation, la valorisation du lait sur des marchés de niche, la qualité des fourrages (qui influence directement l’efficacité alimentaire et les apports de concentré). Cela nous a amené à introduire un nouveau critère dans nos tableaux de bord : le pourcentage kgMS de la ration acheté - pourcentage kgMS de la ration produit sur l’exploitation. Et aussi le prix du point de protéines (surtout lors des achats). »
« La base, c’est de mettre dans la ration des fourrages de qualité, surtout de l’herbe. Elle fournit la protéine la moins chère, et - j’en suis convaincu - une protéine mieux assimilée que celle du tourteau. Plus vous mettez d’ensilage d’herbe à 0,9 UF 16-16,5 protéines (ou même 20-21 en MAT sur des légumineuses), moins vous introduisez de tourteau dans la ration. Mais il ne faut pas faire de la cueillette, il faut travailler l’herbe comme une vraie culture sinon vous reperdez vite ce que vous avez gagné en autonomie protéique. Il faut choisir les bons mélanges, travailler la conduite culturale, optimiser la date de récolte…. Pour motiver nos éleveurs, nous organisons d’ailleurs depuis deux-trois ans en juin un concours de la meilleure analyse d’ensilage d’herbe.
Nous cherchons aussi à concentrer la ration en énergie, en remplaçant une partie de l’ensilage de maïs avec de l’ensilage de maïs épi ou du maïs grain humide. Cela libère de la place dans la panse et permet d’y mettre plus d’ensilage d’herbe.
Mais attention toutefois à raisonner sur la globalité de l’exploitation : si vous cultivez plus d’herbe, vous aurez moins de cultures de vente. Il y a un calcul économique à faire à partir de la marge moyenne des cultures sur plusieurs années, des économies en soja… Le raisonnement est le même si l’on veut développer la culture de protéines. C’est une équation à trois inconnues qu’il faut analyser dans sa globalité. »
« L’important est de faire fonctionner la panse. La ration d’une vache qui digère mal passe tout droit dans l’intestin. On a longtemps fait la course à l’ingestion, mais il faut aussi arriver à faire digérer dans la panse ce qui est ingéré. Les tourteaux tannés se justifient avec de hautes productrices à 11 000 -12 000 kg. Donner des tourteaux tannés à des vaches moyennes, c’est mettre la charrue avant les bœufs, et risquer de masquer des problèmes de digestion.
La ration la plus importante, c’est celle des vaches taries. Il faut préparer une vache à la lactation comme on se prépare pour courir un marathon. Si on ne le fait pas, au bout de 10 km on s’effondre. C’est pareil pour une vache. La ration des taries doit contenir suffisamment de fibres (minimum 5-6 kg) pour préparer le volume de la panse. Et quasiment tous les ingrédients de la ration des vaches en lactation, en quantité moindre, pour que les souches bactériennes soient prêtes à la digérer. La flore du rumen n’aime pas les changements. Chaque changement nécessite trois semaines d’adaptation. La préparation à la lactation doit donc durer au minimum trois semaines. Si l’on passe brutalement d’une ration vache tarie à une ration complètement différente, la vache en début de lactation ne digère pas alors que ses besoins sont très importants, c’est l’acétonémie assurée. Le propylène glycol peut être très utile, mais en curatif, sur des vaches 'bloquées', de même que les matières grasses ou les levures mais que sur des vaches hautes productrices. »
« Il faut regarder les bouses bien sûr : il ne doit pas y avoir de grains, de fibres. Le bicarbonate en libre-service est aussi une bonne sentinelle car les vaches se régulent d’elles-mêmes : une augmentation rapide de la consommation tire la sonnette d’alarme pour l’éleveur, et s’accompagne souvent d’une chute du TB et de la rumination. Il faut s’inquiéter si elles en mangent plus de 100 g/jour. De même, l’argile bentonitique en libre-service permet de déceler des problèmes de mycotoxines. Normalement, les vaches n’en consomment pas.
Si la ration sur le papier ne donne pas les résultats escomptés, il peut aussi y avoir un problème physique de présentation de la ration ou du concentré, entraînant des différences importantes entre ce qui est calculé et ce qui est ingéré. En particulier si les vaches trient. Pour l’éviter, la ration ne doit pas être trop souvent repoussée : plus on leur donne accès au mélange, plus elles trient. Si la ration mélangée est trop sèche - c’est fréquent dans les rations avec du foin et des concentrés - le tri est aisé et le risque d’acidose accru. La mélasse, ou simplement de l’eau, permet d’y pallier.
Le problème peut venir aussi du manque d’homogénéité du mélange à l’auge ou de la taille des particules. (voir ci-contre).
L’intérêt de la ration mélangée est de maîtriser l’ensemble de la ration ingérée par les animaux. Ne laissez pas de foin en libre-service au bout de la stabulation, même si cela peut être un gage de santé au cas où la ration dans la mélangeuse serait mauvaise. Le libre-service ne permet plus de contrôler qui mange quoi. »
Contrôlez la présentation physique de la ration mélangée (avec PHOTO)
Le tamis Penn State permet de trier la ration en trois groupes. Il sert à contrôler :
Prélevez trois échantillons au début, au milieu et en fin de déchargement. Passez-les dans le tamis les uns après les autres et comparez les résultats. Si le pourcentage des résultats s’écarte de plus de 2%, vous avez un souci d’homégénièté dans la ration. Vérifiez alors votre ordre de chargement ou si la machine n’est pas surchargée.
De la même manière, prélevez trois échantillons en début, en milieu et en fin de journée, l’écart ne doit pas être supérieur à 2%.
La fibre reste sur le plateau du haut : l’objectif est d’avoir au minimum 8 à 12% du poids total. On retrouve le maïs et l’ensilage d’herbe au niveau des particules moyennes ; le pourcentage doit se trouver entre 40 et 60%. Le plateau des particules fines est à surveiller de près : on y retrouve tous les concentrés et le grain de l’ensilage de maïs. C’est la proportion de ration la plus rapidement dégradable dont les animaux raffolent et qu’ils cherchent à ingérer en premier. L’objectif maximum est de 50% de la ration.
Si elle est trop longue, le tri va être facilité et la majorité se retrouvera dans les refus. Attention aussi aux fibres trop courtes ou « défibrées » qui perdent leur intérêt « mécanique ».