La nouvelle réglementation sur le freinage des remorques agricoles en 12 questions
À compter du 1er janvier 2025, le système de freinage équipant les véhicules remorqués neufs devra obligatoirement être de type double ligne, hydraulique ou pneumatique. Hervé-Marie Pouliquen, directeur développement industriel chez Rolland et président du groupe produit transport d’Axema, apporte son éclairage sur les nouvelles exigences.
1 - Réussir Machinisme : Le freinage hydraulique à simple ligne hydraulique sera interdit sur les véhicules agricoles remorqués neufs à compter du 1er janvier 2025, mais la réglementation européenne qui l’exige est-elle récente ?
Hervé-Marie Pouliquen : Le règlement (UE) 2015/68 sur le freinage, qui interdit aux constructeurs de mettre sur le marché et d’immatriculer des véhicules traînés neufs équipés d’un circuit à simple ligne hydraulique, devait initialement s’appliquer le 1er janvier 2022. Mais en septembre 2019, la consolidation de l’arrêté de décembre 2016 a conduit à un report au 1er janvier 2025. Ceci implique que tous les acquéreurs de véhicules remorqués neufs dotés d’une simple ligne hydraulique ont jusqu’au 31 décembre 2024 pour les immatriculer. Au-delà de cette date, l’établissement de la carte grise ne sera plus possible, à moins de les équiper d’un circuit de freinage à double ligne et de les faire réceptionner à titre isolé par la Dreal, ce qui s’avère techniquement et économiquement peu envisageable.
2 - R.M. : Quel est l’intérêt des circuits de freinage à double ligne ?
H.-M. P. : L’objectif de la nouvelle norme sur le freinage est d’accroître la sécurité des convois agricoles. Avec les circuits à simple ligne hydraulique, le freinage peut être violent et s’accompagner du blocage des roues du véhicule remorqué, pouvant entraîner une perte de contrôle. Les systèmes à double ligne, qu’ils soient hydrauliques ou pneumatiques, garantissent, eux, une puissance de freinage proportionnelle à la charge. Ils permettent de réduire les distances d’arrêt, diminuant ainsi le risque de collision avec d’autres véhicules, piétons ou obstacles.
3 - R.M. : Que se passe-t-il en cas de rupture d’attelage avec un système de freinage à double ligne ?
H.-M. P. : Les circuits à double ligne hydraulique ou pneumatique intègrent une véritable sécurité en cas de rupture d’attelage, qui fonctionne à l’aide d’une réserve d’énergie sur le véhicule remorqué. Si ce dernier se détache accidentellement du tracteur, il est automatiquement immobilisé. Avec un dispositif simple ligne hydraulique, si la cordelette actionnant le frein à main n’est pas raccordée au tracteur, rien n’arrête la remorque.
4 - R.M. : Sera-t-il légal de circuler avec une remorque équipée d’un circuit de freinage à simple ligne hydraulique après le 1er janvier 2025 ?
H.-M. P. : Oui, les véhicules remorqués homologués en simple ligne hydraulique et immatriculés avant le 1er janvier 2025 conservent le droit de circuler sur la voie publique. Comme l’application du règlement n’est pas rétroactive, les occasions ou les véhicules neufs immatriculés avant le 1er janvier 2025 ne sont pas concernés par les nouvelles exigences sur le freinage.
5 - R.M. : Les constructeurs ont-ils l’obligation de compter à leur catalogue les solutions hydraulique et pneumatique pour le freinage de leurs matériels traînés ?
H.-M. P. : Les constructeurs ont le choix du type de système de freinage à double ligne. C’est un positionnement commercial. Chez Rolland, nous proposons pour la plupart de nos véhicules remorqués une homologation à 30 ou 40 km/h et dans les deux cas en double ligne hydraulique ou pneumatique. D’autres marques sont davantage orientées vers la double ligne pneumatique, car ce type de commande est le plus répandu dans certains pays comme l’Allemagne. Les fabricants d’essieux comptent à leur catalogue des packages, baptisés enveloppes, composés chacun d’un train roulant et de son système de freinage pneumatique, que les constructeurs achètent pour équiper leurs véhicules remorqués. Ils travaillent également sur la double ligne hydraulique et certains sont en mesure de proposer plusieurs enveloppes.
6 - R.M. : Est-il possible de raccorder une remorque à simple ligne hydraulique sur un tracteur doté d’une double ligne ?
H.-M. P. : Le montage d’un dispositif de commande de freinage à double ligne, hydraulique ou pneumatique, est obligatoire sur les tracteurs fabriqués depuis le 1er janvier 2018. Les solutions hydrauliques montées jusque-là sont dites intelligentes, car elles reconnaissent le type de circuit de freinage du véhicule attelé et adaptent les pressions de pilotage en conséquence. Des interprétations sont possibles sur l’utilisation ou non de ces systèmes à compter du 1er janvier 2025, mais un amendement a été déposé par le Comité européen des groupements de constructeurs du machinisme agricole (CEMA) pour clarifier la situation et l’autoriser.
7 - R.M. : Un ancien tracteur équipé d’un circuit à simple ligne hydraulique peut-il freiner un véhicule remorqué en double ligne ?
H.-M. P. : Techniquement cela est possible, mais légalement ce n’est pas autorisé. En cas d’accident, il risque de se poser des soucis de responsabilité pénale et de refus de prise en charge par les assurances. Axema et les constructeurs ont alerté dès le changement réglementaire sur cette réalité du terrain et ont sollicité les autorités (DGEC, CNRV…) à ce sujet. Elles sont à l’écoute et plusieurs échanges et réunions ont d’ailleurs eu lieu, afin de trouver un cadre légal à ces solutions techniques disponibles, mais à ce stade sans résultats concrets. Il est pourtant nécessaire de définir un cadre légal pour répondre aux situations réelles des utilisateurs.
8 - R.M. : Comment choisir entre double ligne hydraulique ou pneumatique ?
H.-M. P. : Le choix entre les systèmes à double ligne hydraulique et pneumatique va dépendre des tracteurs présents dans l’exploitation, l’ETA ou la Cuma. S’ils ont été fabriqués après 2018, ils sont normalement équipés d’un système de freinage à double ligne. Ceux datant d’avant 2018 dotés du freinage pneumatique sont compatibles avec les freins à air de dernière génération. En revanche, cela se complique pour les tracteurs disposant uniquement d’une commande à simple ligne hydraulique, car il n’est pas possible de rajouter un circuit de freinage à double ligne, à moins de refaire l’homologation.
9 - R.M. : Quelle est la solution à double ligne la plus simple à intégrer entre le pneumatique et l’hydraulique ?
H.-M. P. : La technologie de la double ligne pneumatique présente l’avantage d’être éprouvée dans le poids lourd et ses composants se trouvent facilement sur le marché. Il faut en revanche disposer sur le véhicule remorqué de suffisamment de place pour intégrer les imposants actionneurs de frein et la ou les indispensables bombonnes d’air pilotant le frein de secours en cas de rupture d’attelage. Le montage de freins à air ne pose pas de problème sur les matériels de gros gabarit, comme les grandes bennes et les épandeurs à fumier à deux ou trois essieux. En revanche, sur les plus petits véhicules remorqués, tels que les bétaillères et épandeurs à fumier à caisse étroite, la double ligne hydraulique se révèle plus simple à mettre en œuvre. Ses éléments sont plus compacts, à l’instar des vérins hydrauliques actionnant les freins.
10 - R.M. : À quelle vitesse sont homologués les véhicules remorqués munis d’un circuit de freinage à double ligne ?
H.-M. P. : Deux vitesses d’homologation seront effectives en France à compter du 1er janvier 2025 pour les véhicules remorqués : 30 et 40 km/h, qu’ils soient à double ligne hydraulique ou pneumatique. Ceux réceptionnés à 30 km/h se caractérisent par l’adoption d’un correcteur manuel pour adapter la puissance de freinage à la charge. Les modèles homologués à 40 km/h reçoivent un correcteur automatique.
11 - R.M. : À quelle vitesse est-il autorisé de circuler sur la route avec les véhicules remorqués équipés d’un circuit de freinage à double ligne ?
H.-M. P. : Attention, la vitesse d’homologation ne correspond pas systématiquement à l’allure maximale autorisée sur la route. En effet, au regard du code de la route, une remorque réceptionnée à 30 km/h est limitée à 25 km/h sur la voie publique en France. Pour circuler à 40 km/h, le tracteur doit être homologué à cette vitesse, tout comme le véhicule remorqué.
12 - R.M. : Comment cela va-t-il se passer pour les constructeurs qui n’ont pas commercialisé tous leurs véhicules remorqués à simple ligne hydraulique avant le 1er janvier 2025 ?
H.-M. P. : Les autorités ont mis en place une action, dite de fin de série, pour permettre aux fabricants d’écouler leurs dernières productions jusqu’au 31 décembre 2026. Cette dérogation, qui n’est pas automatique, doit être faite à la DGEC qui valide (ou non) la demande. Le constructeur précise chaque numéro de série et le dossier de réception associé, ainsi que la justification du nombre. Le nombre doit être proportionné au nombre de véhicules mis en circulation et correspondre à l’encours de fabrication ou au stock. Il se limitera à vingt véhicules du même type ou à 10 % du volume de véhicules du même type commercialisés durant les 24 derniers mois.