Elevage laitier : " Nous voulions un bâtiment économe et évolutif "
En Ille-et-Vilaine, Jeannette et Fabien Désille ont réussi le pari de concevoir un bâtiment évolutif et économe. Le bâtiment a été vu grand. En contrepartie, certains investissements en matériel seront étalés sur plusieurs années.
En Ille-et-Vilaine, Jeannette et Fabien Désille ont réussi le pari de concevoir un bâtiment évolutif et économe. Le bâtiment a été vu grand. En contrepartie, certains investissements en matériel seront étalés sur plusieurs années.
Construire le bâtiment qui suivra un jeune agriculteur pendant toute sa carrière sans pour autant mettre à mal le taux d’endettement d’une exploitation, c’est le challenge qu’ont relevé Jeannette et Fabien Désille, en Gaec au Theil-de-Bretagne (35). Depuis le 18 février, la mère et le fils travaillent dans leur nouveau bâtiment et y apprécient les conditions de travail. « L’ancienne stabulation avait vieilli et était trop juste par rapport à l’effectif. À l’installation de Fabien, en 2015, nous avons récupéré 200 000 litres. On se retrouvait à devoir loger 80 vaches sur une aire paillée conçue pour 45 », expliquent les deux éleveurs. Cette densité entraîne des problèmes sanitaires et une forte dégradation du taux cellulaire. « Malgré les plans sanitaires, les efforts techniques, nous n’arrivions pas à retrouver une production satisfaisante », déplorent-ils. À ce manque de place, s’ajoutent les problèmes d’épaule de Jeannette, qui lui rendent la traite difficile. En 2015, la décision est prise : il faut moderniser la stabulation.
« Au début, nous pensions ne faire qu’une extension, retracent les associés. Mais notre bâtiment était situé dans une zone de captage des eaux. » Tous les avant-projets sont refusés par le syndicat des eaux. « La seule solution était de faire un nouveau bâtiment, en dehors de la zone de captage, mais le coût n’était plus le même. » Heureusement pour Jeannette et Fabien, ils ont, à 300 mètres, des terres en propriété qui ne sont plus dans cette fameuse zone. « Nous avons organisé une réunion avec la mairie, les représentants de l’administration, du syndicat des eaux pour être sûrs d’être dans les clous avant de lancer le projet. » Le feu vert obtenu, Jeannette et Fabien Désille enchaînent les visites pour déterminer le type de bâtiment dans lequel ils aimeraient travailler. « Notre premier objectif était qu’une personne seule puisse faire le boulot autour du troupeau, souligne Jeannette. Il fallait aussi que le projet soit suffisamment évolutif pour toute la carrière de Fabien. » Les grandes lignes fixées, rendez-vous est pris avec le banquier pour déterminer l’enveloppe de prêt possible. La réponse tombe rapidement, les deux associés peuvent emprunter 570 000 euros, somme à laquelle s’ajouteront 30 000 euros de PCAE. Cette enveloppe sera rigoureusement respectée.
Faire le gros œuvre, reporter les aménagements
Il aura fallu à Jeannette et Fabien Désille un an de réflexion pour faire et refaire, avec les techniciens de Techmatel, qui ont assuré la maîtrise d’œuvre pendant les travaux, le plan du futur bâtiment. « On en a passé des soirées à gribouiller des plans, se souviennent-ils, à réfléchir aux circuits, aux passages d’hommes, à ce qu’on faisait tout de suite, à ce qui pouvait attendre. » Pour rester dans l’enveloppe, un certain nombre d’équipements ont été prévus mais pas encore achetés. Paradoxalement, le bâtiment a une capacité bien plus grande que le nombre actuel de vaches. En demandant des devis pour deux types de bâtiments, un de 50 mètres pour 70/80 vaches, un autre en 70 mètres pour 100/120 vaches, Fabien Désille a réalisé que « le plus grand n’était pas beaucoup plus cher. Cela passait dans l’enveloppe et surtout ça nous évitait, dans quelques années, d’avoir à refaire des travaux de maçonnerie avec des vaches dans le bâtiment. J’ai privilégié le gros œuvre. Nous avons préféré faire un bâtiment de 70 mètres et retarder certains achats comme le robot repousse fourrages. »
Même si le bâtiment peut paraître surdimensionné, il est revenu autour de 5 000 euros la place. Pour chaque lot, les exploitants ont demandé trois devis. « En 2016, on était en pleine crise laitière, les entreprises n’avaient pas beaucoup de travail, ça a été une chance pour nous », reconnaît Fabien. Même si le terrassier a pris du retard dans la réalisation, les devis signés font foi. Malgré le désagrément du retard, les prix sont restés ceux négociés en 2016.
Traquer les économies possibles
Pour réduire le coût de terrassement et profiter d’un devers naturel pour installer la fosse, le bâtiment sera implanté en bout de parcelle. « En reculant de 200 mètres par rapport au premier emplacement envisagé, ça nous a évité d’avoir 3 mètres à relever, soulignent les éleveurs. En plus, la stabulation est plus près d’une route communale, facile d’accès pour le laitier. » Autre avantage, le nouveau bâtiment, sur une hauteur, est mieux ventilé que le précédent qui était dans une cuvette. Dans cette parcelle, il y a suffisamment de place et de distance par rapport aux tiers pour permettre d’autres projets. « Si un jour on veut mettre une micro-méthanisation, on aura la place », envisage Fabien.
Autre choix crucial, tant pour le budget que pour les conditions de travail, celui de l’équipement de traite. « Alors que j’aimais bien ça, je ne pouvais plus traire à cause de mes problèmes d’épaule, explique Jeannette. Fabien ne se voyait pas traire seul pendant 25 ans, après ma retraite. Nous avons fait faire des devis pour une salle de traite et pour un robot. Il n’y avait pas tant de différence que cela. » Le robot l’emportera pour son côté évolutif et la possibilité qu’il offre de faire le travail d’astreinte seul. En plus du lait, le Gaec a des cultures et un poulailler, qui occupent largement les deux associés et leur salarié à mi-temps. « On ne gagne pas en temps mais en souplesse, apprécient Jeannette et Fabien. Il y a moins de travail physique, c’est plus du travail d’animalier. » Le choix des associés s’est porté sur un robot DeLaval VMS, pour sa possibilité d’être installé sur un quai, en hauteur. « Cela se rapproche d’une salle de traite, apprécie Jeannette. Je trouve ça mieux pour la visibilité de la mamelle. » Le choix a aussi intégré le coût et la qualité du SAV.
Six mois de retard par rapport aux prévisions
C’est poste par poste que des économies ont été raisonnées. Ce qui a été creusé pour la fosse a servi de remblai au bâtiment. Par contre, « on a aidé au terrassement, cela a permis une économie de 20-25 000 euros. Mais ce n’était pas forcément une bonne idée parce que pendant qu’on faisait ça, on s’occupait moins du troupeau ", regrette Fabien. Les deux éleveurs ont décidé de ne pas refaire de nouveaux silos, qui sont restés, avec une partie du stockage des aliments, au niveau de l’ancienne stabulation. « Ils étaient encore en état et près des génisses et des taries, justifient-ils. La mélangeuse fait juste un peu plus de chemin pour servir les vaches. » Seule petite entorse à cette optimisation des coûts : « la couronne de boulons, sourit Fabien. Je trouve ça plus joli, c’est pas parce que c’est un bâtiment d’élevage qu’on ne peut pas faire attention à l’esthétique ».
Malgré le suivi par Tecmatel et les éleveurs, la réalisation a été décalée de six mois par rapport aux prévisions. « Le maçon a pris du retard. Après, c’était le monteur de robot qui n’était plus disponible, explique Fabien. Au lieu d’intégrer le bâtiment en juin 2018, on a attendu février 2019. On a commencé à rembourser alors qu’on devait racheter de la paille pour en bas et qu’on ne faisait pas tout le lait qu’on aurait dû. » Ce retard a été oublié car, depuis, éleveurs et animaux apprécient le confort et l’ergonomie de cette nouvelle stabulation. Les résultats techniques s’en ressentent déjà. « Nous avons déjà gagné 3 kilos par vache malgré des lactations avancées, apprécient Jeannette et Fabien. D’ici août, la production va être confortée par les nombreux vêlages à venir. » Prochaine étape : refaire des chemins pour que les vaches puissent retourner pâturer depuis leur nouvelle stabulation.
Chiffres clés
Tout est prévu pour les aménagements futurs
Pour pouvoir réaliser le gros œuvre d’un bâtiment de 120 places qui passe dans leur enveloppe budgétaire, Jeannette et Fabien Désille ont reporté d’autres investissements. Les emplacements pour un deuxième robot et une cage de parage sont prêts, le matériel sera ajouté dans quelques années. De même, un emplacement a été prévu pour un robot repousse fourrage ; pour l’instant, c’est le quad équipé d’une lame qui y est garé. Le bâtiment est clos d’une face de tôles perforées, qu’il sera possible de remplacer par des filets brise vent « si c’est nécessaire pour l’ambiance dans le bâtiment ». De même, les éleveurs se gardent la possibilité d’installer une porte de paturage, même si dans un premier temps le robot pourra servir à diriger les vaches vers les pâtures.
Une ancienne stabulation valorisée
La création d’un nouveau bâtiment a permis à Jeannette et Fabien de retrouver plus d’espace pour les génisses et les taries dans l’ancienne stabulation. « Comme les génisses sont mieux installées, on espère gagner en croissance. » Tous les colliers Heatime de détection de chaleurs sont mis sur les génisses « car les vaches, je les vois davantage », explique Jeannette Désille.
Génisses et taries vêlent dans l’ancienne stabulation. Le veau reste en bas, dans la nurserie, et les vaches rejoignent la nouvelle stabulation dans la journée qui suit le vêlage. « Il n’y a pas trop de souci à les faire passer au robot. Je passe du temps à les faire circuler dans le bâtiment pour qu’elles s’imprègnent des circuits, de l’emplacement du robot », reconnaît Jeannette. Seule contrainte de ces bâtiments distants de 250 mètres, il faut descendre le lait pour les petits veaux.
Le coût
Total : 600.000 € HT pour 120 places, soit 5 000 € HT/place.