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Il faut distinguer accaparement des terres et investissements fonciers

Un débat organisé par la SAF Agr’iDées sème le doute sur l’intérêt de renforcer le droit de préemption des Safer. Ce ne serait pas le bon levier juridique pour faire le tri entre les investisseurs.

Les investissements fonciers extérieurs à l’agriculture représentent en France à peine 1 % des transactions foncières en valeur et en surface. Mais l’acquisition l’année dernière par des Chinois de cinq fermes de l’Indre couvrant 1 700 hectares a fait grand bruit. Suite à la médiatisation de ce rachat, deux projets de loi destinés à lutter contre « l’accaparement des terres », quasi identiques, ont été déposés en janvier, l’un par un député socialiste, l’autre par un sénateur républicain. Ils permettent notamment aux Safer d’exercer leurs droits de préemption en cas de cession partielle de parts sociales, ce que la Safer n’avait pu faire dans l’Indre (les Chinois ayant acquis 99 % des parts sociales des exploitations transformées en SAS). La législation nationale actuelle est inadaptée. Mais est-ce la bonne réponse législative ? La vraie question n’est-elle pas plutôt de se donner les moyens de savoir s’il s’agit d’investissements permettant de préserver l’activité économique ou d’investissements spéculatifs ? C’est en tout cas le message qui ressort d’un débat organisé le 26 janvier dernier par la SAF Agr’iDées (1).

« Libérer les agriculteurs du poids du foncier »

Concernant ces capitaux extérieurs à l’agriculture, « il y a deux visions : une approche négative qui a trait à l’attachement au foncier – la terre n’est pas un bien comme un autre, on touche un tabou – et une approche positive qui y voit un moyen de préserver une activité économique », analyse Thierry Pouch, économiste à l’APCA. Le risque est de voir les prix du foncier grimper, une agriculture de firmes se développer, des investissements spéculatifs… Mais l’agriculture va devoir répondre à un certain nombre de défis qui vont nécessiter de l’innovation, des investissements donc des capitaux. L’arrivée d’acteurs non agricoles peut « libérer les agriculteurs du poids du foncier » et leur permettre d’investir dans l’entreprise, voire remettre à flot des exploitations en difficultés. De l’avis des différents intervenants, elle est inéluctable. Ne serait-ce que parce que le portage familial actuel du foncier par solidarité familiale, avec l’éloignement des familles, est en perte de vitesse.

"Le vrai risque est la perte de contrôle de l’activité agricole »

Pour Hubert Bosse-Platière, juriste et président de l’Association française de droit rural de Bourgogne, « il faut distinguer accaparement des terres et investissements fonciers. » Le risque n’est pas le portage du foncier en lui-même. « La grande crainte si on ouvre les vannes juridiques, c’est que les investisseurs en viennent à prendre la main sur l’activité agricole ». Le bon levier juridique n’est donc pour lui pas la Safer : « elle n’a pas été imaginée pour contrôler l’activité : utiliser le droit de préemption pour répondre à cet objectif est totalement inadapté. C’est du côté du contrôle des structures qu’il faut agir. » Il propose la mise en place « d’un agrément administratif préalable à toute acquisition de parts de société. Le candidat devra expliquer le montant de la transaction, comment il veut exploiter, avec quelle personne, pour quel marché, où il achète les intrants […] Si cet investissement sert à aider le jeune agriculteur qui s’installe ou à maintenir l’exploitation existante, pourquoi faudrait-il offrir à la Safer un droit de préemption ? » Ou alors il faut « repenser leurs missions », peut-être même « les faire glisser en établissements publics ».

(1) Think tank laboratoire d’idées pour les secteurs agricoles et agroalimentaires.

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