HORS FRONTIERES
En Finlande, le lait est en première ligne
Alors que la Finlande préside de juin à décembre 2019 le Conseil de l'UE, sur le terrain, les préoccupations politiques, climatiques et sociétales sont bien présentes. Comme l'exprime Jan de la Chapelle, éleveur à Lindö Gard, 100 kilomètres à l’ouest d’Helsinki. Il possède avec sa famille, d'origine française et belge, un domaine de 1450 hectares, dont 170 pour l’agriculture. Cette famille gère un troupeau de 120 vaches dans une exploitation performante avec robots de traite et de nettoyage, plus deux employés ukrainiens. Les vaches produisent 12 000 litres de lait (TB 4,4, protéines 3,57). Le climat ne permet pas au maïs de mûrir. L’alimentation associe donc ensilage d’herbe, foin de trèfle et luzerne, orge et avoine cultivés sur place et concentré, et le troupeau pâture quatre mois par an.
« La Finlande exportait 500 millions de litres par an vers la Russie, à 300 kilomètres de chez nous. Avec l'embargo russe, nous avons perdu ce marché en 2014. Je vendais le lait 0,45 €/l, maintenant 0,356 €/l seulement » . L'embargo est toujours en vigueur. La Finlande reçoit des compensations européennes et trouve d’autres marchés, plus loin, mais regrette la Russie, voisin envahissant mais plus proche client. Jan de la Chapelle se diversifie : « Le lait représente 50 % de mon revenu. Le reste, c’est la forêt, le bois, la chasse commerciale et la location de bungalows ».
La Finlande n'échappe pas non plus à l’évolution du climat. elle se manifeste dans cette ferme par « davantage d’insectes car les hivers sont moins froids, et par des tempêtes. Au positif, la forêt pousse davantage ». Planter des variétés de semences utilisées ailleurs n’est pas la solution car la pénurie de lumière demeure le facteur limitant. « Dans le nord, la nuit dure trois mois et peu de plantes y résistent. »
Le pays est touché aussi par des mouvements anti-lait. Début octobre 2019, « pour diminuer l’empreinte carbone », les restaurants universitaires Unicafe ont décidé de supprimer la viande de bœuf et de réduire les produits laitiers. « Importer du bout du monde des protéines végétales que l’on ne peut pas produire ici n’est pas écologique, s'insurge-t-il. L’herbe est une excellente captation du carbone, mais on ne la mange pas, on fait donc appel aux vaches. Manger écologique et local, c’est manger de l’herbe, donc du bovin ! »