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En élevage laitier, renouer le cordon entre vache et veau

L’allaitement naturel des veaux en élevages laitiers se développe, notamment en agriculture biologique. Des programmes d’étude européens ont vu le jour pour approcher les conséquences techniques et économiques de telles conduites.

Certains éleveurs, en particulier en agriculture biologique, ont mis en place un allaitement naturel des veaux laitiers, celui-ci pouvant être assumé par la propre mère du veau ou une vache nourrice, modèle le plus répandu.

Afin de mieux caractériser ces systèmes d’élevage, deux programmes de recherche européens ont vu le jour : ProYoungStock(1) et GrazyDaiSy(2), basés sur des enquêtes auprès d'éleveurs laitiers. Les Inrae de Clermont-Ferrand, Nantes et Mirecourt ont participé à ces projets, et modélisé les pratiques et les impacts techniques et économiques qui en découlent. Le réseau Inrae a aussi, en parallèle, rendu une étude plus ciblée sur la conduite des veaux sous nourrice en agriculture biologique, qui vient enrichir cette base de données. Les résultats de ces études ont été présentés lors d'un récent webinaire organisé par l'Oniris de Nantes (école nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation).

L’allaitement naturel, dans tous les systèmes, améliore la santé des veaux, notamment au niveau des diarrhées néonatales.
L’allaitement naturel, dans tous les systèmes, améliore la santé des veaux, notamment au niveau des diarrhées néonatales. © J. Soenen

 

Le premier bilan réalisé révèle des points communs dans les motivations des éleveurs pratiquant l’allaitement naturel : la santé des animaux, la réduction des coûts, l’amélioration des conditions de travail.

Pas de système dominant

Selon les enquêtes, il existe une grande diversité de pratiques concernant l'allaitement naturel. Néanmoins, les scientifiques ont pu dégager des modèles types : des allaitements exclusivement naturels, sous la mère et/ou sous une nourrice ; ainsi que des systèmes mixtes, d’abord sous la mère puis en système de buvée classique. Chacune de ces conduites possède aussi des variabilités intrinsèques liées aux périodes, fréquences et modalités de mise en contact des veaux et des vaches.

Moins de diarrhées néonatales

Les sondages montrent une appréciation globale positive des éleveurs vis-à-vis de la santé des veaux, particulièrement au niveau des diarrhées néonatales. Par conséquent, l’Inrae a conduit une étude plus précise sur des élevages pratiquant l’allaitement sous nourrice, les veaux suivant les vaches au pâturage. Concernant les diarrhées à cryptosporidiose, l’étude des bouses des veaux a permis de déterminer une plus faible présence de cryptosporidies par rapport aux modes d’élevage classiques. Il semble donc qu’une sortie plus précoce et plus longue des veaux au pâturage, sans oublier bien sûr l’isolement des individus diarrhéiques, permet aux veaux d’être moins excréteurs.

Moins de traitement contre les strongles

La même analyse a été faite à propos des strongles gastro-intestinaux, l’effet étant plus prégnant chez les veaux nés au printemps et pâturant le plus précocement. En fait, lors de la première saison de pâturage, le veau accompagné de vaches immunes, donc peu excrétrices, ingère surtout du lait. Il est donc sujet à un faible niveau d’infestation, ce qui lui permet d’acquérir une immunité progressive qui sera complète lors de la seconde période de mise à l’herbe. En résumé, plus le pâturage avec un fort niveau d’alimentation lactée est long en première année, plus l’animal sera immunisé en seconde année. Ainsi, certains élevages arrivent à ne plus traiter du tout les génisses contre les strongles. Néanmoins, la vigilance doit être maintenue sur les veaux nés en automne.

Positif pour le bien-être, mais...

Le bien-être animal est indéniable tant que le veau est accompagné de sa mère ou de sa nourrice, mais le stress au moment du sevrage est forcément décuplé par rapport à la conduite classique. Pour limiter ce stress, certains éleveurs pratiquent un sevrage progressif, en bâtiment avec des parcs adjacents permettant le contact physique et visuel, ou au pâturage avec par exemple des palettes anti-tétée. Le sevrage progressif permettrait apparemment de réduire la perte de poids du veau et l’écrêtage induit du pic de lactation.

Et l’éleveur dans tout ça ?

Globalement, les enquêtes montrent une satisfaction des éleveurs en termes de conditions de travail. Néanmoins, cet aspect est à moduler en fonction des modèles d’allaitement naturel. Certains sont plus ou moins consommateurs de temps, en fonction de l’intervention humaine au moment de l’allaitement (allaitement fractionné ou permanent). Les phases d’adoption par les vaches nourrices et de sevrage sont aussi des moments qui peuvent demander beaucoup d’attention.

 

 
L’allaitement naturel sous nourrice s’est développé chez les éleveurs bio, couplé à une mise à l’herbe précoce et un allotement des veaux par âge.
L’allaitement naturel sous nourrice s’est développé chez les éleveurs bio, couplé à une mise à l’herbe précoce et un allotement des veaux par âge. © J. Soenen

 

En outre, tous les sondés s’accordent à dire qu’il faut passer du temps avec les veaux pour éviter qu’ils ne deviennent sauvages, même si le contact avec des vaches adultes permet un certain apprentissage des codes de l’élevage. L’allaitement naturel induit aussi un certain lâcher-prise. On laisse plus faire la nature. Cela demande de passer plus de temps à observer ses animaux, mais, pour tous les témoins, cela stimule aussi un sentiment de valorisation par rapport au métier d’éleveur. Face à une demande sociétale grandissante, le rétablissement du lien entre le veau et la vache semble être une piste de réponse.

(1) Enquête menée sur huit pays européens portant sur l’impact d’une alimentation naturelle sur les vaches et veaux laitiers. En France, 102 élevages ont été sondés, la moitié en bio.
(2) Enquête sur des systèmes bovins laitiers « pâturants, innovants, résilients et durables » dans huit pays, essentiellement du Nord de l’Europe, dont la France.

Des résultats économiques hétérogènes

La recherche de réduction des coûts est aussi un élément qui revient dans les enquêtes.

La croissance des veaux, en allaitement naturel ou mixte, nécessite moins de concentré que dans les conduites classiques. En moyenne, le GMQ des veaux sous nourrice est supérieur à 800 grammes par jour.

L’allaitement naturel sous nourrice s’est développé chez les éleveurs bio, couplé à une mise à l’herbe précoce et un allotement des veaux par âge.
L’allaitement naturel sous nourrice s’est développé chez les éleveurs bio, couplé à une mise à l’herbe précoce et un allotement des veaux par âge. © M. Ben

 

Néanmoins, pour réellement étudier l’impact économique, il faut distinguer l’allaitement par la mère biologique (qui continue de passer en salle de traite) de celui par des vaches nourrices (dédiées exclusivement à l'allaitement des veaux). Il s’agit souvent de vaches avec des taux cellulaires élevés, des boiteries, des problèmes de reproduction ou encore des malformations du pis. Dans ce cas, l’impact sur la quantité de lait commercialisé est donc réduit et la qualité du lait s'améliore. Par conséquent l’impact économique se révèle globalement positif.

Concernant l’alimentation des veaux par les mères biologiques, les résultats économiques sont très dépendants des types de conduite, la baisse de production laitière n’étant pas toujours compensée par l’augmentation de la qualité et la réduction des charges liées à la croissance des veaux.

Un autre élément qui pèse dans la balance économique est l’investissement lié au bâtiment, qui doit parfois être aménagé pour s’adapter au mode d’allaitement choisi.

Le saviez-vous ?

Certains pays du Nord de l’Europe ont déjà rendu l’allaitement du veau par sa mère obligatoire : pendant 3 jours dans le cahier des charges bio en Norvège et pendant 24 heures pour tous les élevages laitiers au Danemark.

Côté éco

Même si l'allaitement naturel est reconnu au sein de démarches de labellisation bien-être en élevage, la diversité des pratiques ne permet pas d'en établir un cahier des charges spécifique. De ce fait, aucune filière de valorisation, générant une plus-value pour l'éleveur, n'existe pour le moment.

Rédaction Réussir

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