Élevage, agronomie et bas carbone pour plus de revenu à la ferme laitière de Trévarez dans le Finistère
Depuis 2018, la ferme expérimentale de Trévarez dans le Finistère s’est lancée dans un projet de recherche de réduction de l’empreinte carbone de 20 % sans détériorer les performances technico-économiques.
L’agriculture, et en particulier l’élevage, est souvent pointée du doigt pour son impact environnemental. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux activités agricoles représentent une part significative des émissions mondiales, le méthane (CH4) étant un contributeur majeur. Dans ce contexte, la mise en place de stratégies pour réduire l’empreinte carbone des troupeaux de vaches laitières est devenue une priorité pour la filière laitière.
Pari réussi à la ferme expérimentale de Trévarez qui a diminué de 15 % son empreinte carbone par litre de lait en trois ans tout en montrant qu’il est possible d’allier des performances techniques, environnementales et économiques.
Objectif : -20 % de l’empreinte carbone
La chambre d’agriculture de Bretagne, avec l’Institut de l’élevage, ont mis en place à la ferme expérimentale de Trévarez un essai système sur le troupeau conventionnel visant à améliorer les performances environnementales, que ce soit en termes d’empreinte carbone, d’efficience azotée ou de maintien de la biodiversité. L’objectif de cet élevage laitier est d’avoir une approche globale du système et de combiner performances environnementales et performances technico-économiques. Pour atteindre une réduction de 20 % des émissions de GES, de multiples leviers ont été mis en place en 2018 sur les volets zootechnique et agronomique.
Chiffres clés
SAU : 130 ha
Maïs dans la SFP : 30 %
Lait vendu/VL présente : 7 500 l/an
Âge au premier vêlage : 24 mois
Coût alimentaire VL : 64 €/1 000 l
Empreinte carbone nette : 0,71 kg eq CO2/L de lait corrigé
Arrêt des concentrés de production
Afin de pouvoir être le plus représentatif possible, le système de production mis en place s’est rapproché de l’exploitation laitière moyenne bretonne avec 25 ares au pâturage et une surface en maïs supérieure à 30 % dans la SFP. L’ensilage de maïs est le fourrage principal dans la ration annuelle avec 3 t MS ingéré. Le pâturage représente entre 1,5 t MS en année sèche, comme ce fut le cas en 2022 et 2,3 t MS en bonne année fourragère, comme en 2021. Le reste des fourrages est composé d’herbe stockée (foin, ensilage d’herbe).
Un des leviers forts mis en place est l’arrêt des concentrés de production. Désormais, seul du correcteur azoté est distribué pour équilibrer la ration à 95 g PDI/UFL. Un second levier activé est le changement de la nature du correcteur azoté en passant du tourteau de soja au tourteau de colza. En moyenne, les vaches ont consommé 700 kg MS de tourteau de colza en 2020-2021 pour 7 500 l de lait vendu par vache présente, soit une autonomie protéique de plus de 75 %. En parallèle, un travail a été effectué sur l’élevage des génisses. Il a permis de réduire l’âge au premier vêlage de 2 mois en passant de 26 à 24 mois en race prim’Holstein.
Amélioration de tous les indicateurs environnementaux
Les résultats environnementaux du système sont issus des analyses effectuées via l’outil Cap’2ER. La mise en place des multiples leviers ont permis de réduire de 15 % les émissions de GES par litre de lait de 2018 à 2020 et de conserver cette performance malgré des années climatiques différentes sur 2021 et 2022.
Cet écart de 15 % des émissions par litre de lait se retrouve aussi entre la référence régionale pour un système équivalent et le système de Trévarez, preuve d’un système largement moins émetteur que la moyenne. Si l’on compare aux résultats de la ferme de Trévarez avant le lancement de l’essai (2014-2017), cette baisse atteint 19 %.
L’excédent du bilan de l’azote a été largement réduit entre 2018 et 2022 (86 contre 40 kg N/ha SAU) et l’efficience de l’azote augmentée (37 % contre 62 %) grâce à un système toujours plus autonome mais à la production stable. Le maintien du stockage de carbone, qui représente 0,11 kg eqCO2/l de lait corrigé, a été permis grâce au maintien des prairies permanentes, à des rotations maximisant les prairies temporaires et aux haies.
Des résultats économiques au rendez-vous
L’ensemble de ces résultats environnementaux va de pair avec de très bons résultats économiques. L’analyse économique a été réalisée avec l’outil Diapason, utilisé également dans les réseaux Inosys. La production vendue par vache présente est de 7 500 l pour un prix du lait à 349 €/1 000 l.
Le coût alimentaire VL (2020-2021) est de 64 €/1 000 l dont 36 €/1 000 l de coût concentré et 28 €/1 000 l de coût fourrager alors qu’il est de 75 €/1 000 l dans les fermes bretonnes du réseau Inosys.
Deux autres critères économiques témoignent de cette bonne performance technique : les frais de reproduction (48 €/VL contre 78 €/VL dans le réseau Inosys) et les frais vétérinaires (45 €/VL contre 59 €/VL). Le coût de production de l’atelier lait est de 386 €/1 000 l en 2020 contre 461 €/1 000 l dans le réseau Inosys breton. Ainis, en travaillant sur l’empreinte carbone, la ferme de Trévarez a amélioré ses performances économiques.
Pâturer des légumineuses pour gagner en autonomie
Dans cadre ce projet de recherche, un essai sur le pâturage de légumineuses a été réalisé durant trois étés de 2021 à 2023. L’objectif était d’économiser du correcteur azoté en pâturant des parcelles riches en légumineuses (plus de 60 % de la composition botanique).
Pour cela, un lot témoin de 20 vaches en début de lactation était en 100 % bâtiment avec une ration à base d’ensilage de maïs à volonté et de 4 kg MS d’ensilage d’herbe précoce. La correction azoté était apportée pour avoir un équilibre à 95 g PDI/UFL soit environ 4 kg MS de tourteau de colza.
L’autre lot de 20 vaches recevait une ration à l’auge identique mais pâturait en plus une prairie riche en légumineuses durant 4 heures par jour. Le correcteur azoté était réduit (-1,5 kg/VL/j). À cause de la sécheresse estivale de 2022, l’essai n’a pas pu être valorisé cette année-là.
Durant les trois mois d’essai, dans le lot qui pâturait, une baisse d’ingestion à l’auge a été constatée (entre 4 et 6 kg MS) mais elle est en partie compensée par l’ingestion au pâturage qui a été estimée entre 3 et 5 kg MS. Une baisse de la production laitière a été constatée en 2023 mais pas en 2021. Cette ration n’a eu aucun effet sur les taux. Le pâturage de légumineuses permet une réduction du concentré azoté et donc une amélioration de l’autonomie protéique.
Des bienfaits aussi sur la biodiversité
L’étude de la biodiversité, réalisée à l’aide de l’outil Biotex, a montré que l’exploitation de Trévarez enrichit son territoire en apportant une diversité de cultures et donc de sources de nourriture pour les pollinisateurs et autres insectes. Aussi, l’entretien de 1,5 ha d’habitat pour la biodiversité(1) par hectare de SAU permet de maintenir le faune sauvage sur le parcellaire de Trévarez.