Deux robots et du pâturage pour 136 vaches
Le Gaec de la Berquerie, dans la Manche, a conçu son bâtiment et son système pour que les vaches soient toujours libres d’aller au robot et de pâturer. Sans avoir augmenté le coût alimentaire, il produit 1,5 million de litres de lait en limitant le temps passé.
Le Gaec de la Berquerie, dans la Manche, a conçu son bâtiment et son système pour que les vaches soient toujours libres d’aller au robot et de pâturer. Sans avoir augmenté le coût alimentaire, il produit 1,5 million de litres de lait en limitant le temps passé.
« S’il n’y avait pas eu la possibilité de continuer à faire pâturer les vaches, nous ne serions pas passés au robot, assurent Hélène et Flavien Servot, associés avec Maguy Maury, mère de Flavien, du Gaec de la Berquerie, dans la Manche. Mais la charge de travail en salle de traite était devenue très lourde. » Suite à leur installation, en 2013 pour Flavien et 2016 pour Hélène, le couple a peu à peu augmenté le troupeau et les surfaces jusqu’à 136 vaches, dont 90 % de Holstein et 10 % de Normandes, et 131 hectares. En 2017, ils ont construit un bâtiment à logettes de 150 places, pour un objectif de 1,5 million de litres de lait. Pendant deux ans, ils ont continué à traire comme avant. « La salle de traite, qui datait de 1981, avait été passée de 2x4 postes à 2x8 postes en 2008, précisent-ils. Mais pour traire 136 vaches, il fallait deux heures et demie matin et soir. Pour préparer le départ en retraite des parents, nous avons donc choisi de robotiser la traite, car notre objectif est de rester à deux associés avec un salarié. »
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Le Gaec s’est donc équipé fin 2019 de deux robots Lely Astronaut A5, installés à une extrémité de la stabulation. Le bâtiment, clair et aéré, de forme presque carrée (54 m x 45 m), comporte six rangées de logettes et quatre couloirs de circulation. « Nous voulions que les vaches soient libres d’aller au robot quand elles veulent et qu’elles circulent facilement, explique Flavien. Elles peuvent passer partout et ne sont jamais bloquées. Les vaches plus faibles peuvent ainsi aller se faire traire sans crainte de se faire coincer par des vaches maîtresses. De plus, elles n’ont que 40 mètres au plus pour aller au robot. » «C’est la configuration de bâtiment idéale pour installer un robot », estime Frédéric Duchemin, conseiller Lely. Une grande partie du concentré (4 kg/j) est distribuée au robot, le reste (0,5 à 2 kg) sur la table d’alimentation avec l’ensilage. L’abreuvement se fait dans quatre abreuvoirs de 1,80 m de long en inox situés en sortie de robot. De mars à novembre, les vaches sont libres de sortir au pâturage, grâce à une porte Lely Grazeway qui détermine si la sortie est possible et qui est ouverte de 7 h 30 à 4 h. « Cela me permet de changer les vaches de paddock le matin. Je ramène éventuellement celles qui restent dehors après 4 h, mais il n’y en a que très rarement. »
Un suivi des vaches via l'application du portable
La journée des trois associés commence à 7 h. Hélène regarde sur l’application Lely, qui reçoit les données du robot, s’il y a des vaches en retard de traite, c’est-à-dire, selon leurs paramétrages, ayant dépassé douze heures depuis la dernière traite. Maggy et elle ramènent alors ces animaux vers les robots, principalement des génisses les quinze premiers jours de lactation. Elle commence ensuite à nettoyer les logettes et à faire l’entretien des robots. « Chaque jour, nous nettoyons au jet les bras des robots, nous vérifions les manchons et nous nettoyons l’écran tactile et la caméra du bras, précise-t-elle. La caméra dans la stalle du robot est nettoyée une fois par semaine. Les manchons sont changés toutes les 10 000 traites, les brosses toutes les 40 000 traites. Et nous étalonnons le distributeur d’aliment chaque trimestre. » Flavien va changer les vaches de paddock vers 7 h 30, puis revient au bâtiment pour finir les nettoyages et le paillage.
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Hélène regarde ensuite les chiffres de la veille. « Je regarde le lait par vache, le nombre de passages, la conductivité, les cellules. La conductivité par quartier est en moyenne de 75. Si elle dépasse la moyenne de 20 %, il y a une alerte. Le comptage cellulaire est fait trois fois par jour, ce qui permet de réagir rapidement et d’éviter les contaminations. » L’application donne aussi les minutes d’ingestion et de rumination des vaches. « Nous voyons ainsi si la ration est assez fibreuse, si l’activité repart chez une vache malade... » Elle regarde aussi les données liées à la détection des chaleurs, qui sont collectées toutes les deux heures par une antenne. Le soir, les éleveurs regardent à nouveau les chiffres du robot, apportent la ration d’ensilage de la journée, nettoient les logettes et font les soins aux animaux. « Au total, le temps de travail dans le bâtiment est de 1 h 45 le matin et 1 h 45 le soir, réparti entre Hélène et Maguy, Flavien intervenant pour certains soins », indiquent-ils.
Plus la mamelle est stimulée, plus la traite est rapide
Le temps de présence des vaches dans le robot est en moyenne de 6,48 minutes par traite. « Exactement dans les préconisations Lely », souligne Frédéric Duchemin. La vitesse de traite est de 2,7 kg/min (2 kg/min pour les Normandes). « Elle était de 2,4 kg/min au début, note Hélène. Nous l’avons améliorée par la sélection et en changeant le paramétrage des brosses. Nous avions fait le choix d’un brossage 1 fois 2 secondes par quartier. Nous pensions gagner du temps par rapport au brossage 2 fois 2 secondes. Mais plus la mamelle est stimulée, plus la traite est rapide. Nous sommes revenus au brossage 2 fois 2 secondes et la traite est plus rapide. » Les éleveurs ont aussi une astuce pour les génisses. « Les génisses ont souvent peur de la grille d’égout sous le robot. Nous mettons un bout de tapis à logette sur la grille. Elles entrent ainsi plus facilement dans le robot. Et nous restons à côté pour les rassurer. En quinze jours, elles passent toutes seules. »
Avec 136 vaches, le taux d’occupation des robots est toutefois assez élevé, avec 11 % seulement de temps libre. « Avec 137 vaches, il n’y a pas de retard, indiquent les éleveurs. Mais c’est un palier. Le bâtiment offre 155 places, mais nous préférons avoir plus de places que de vaches. » En sortie de robot, une porte de tri oriente les vaches fraîches vêlées vers une aire paillée de 7-8 places derrière les robots. Une autre porte peut orienter les vaches vers une zone dotée de 5 logettes et d’une cage de contention qui sert au parage, aux inséminations, aux traitements mammites, aux soins divers. Flavien intervient en cas de boiterie. À partir de 5 ou 6 vaches à parer ou très boiteuses, les éleveurs font venir un pédicure. « Mais il y a très peu de problèmes de patte, assurent-ils. Le fait que les vaches pâturent y contribue. Nous sommes aussi très rigoureux sur les nettoyages et le racleur passe huit fois par jour. » Les éleveurs ont par contre un peu plus de mammites, mais un meilleur taux de guérison.
Deux heures d’astreinte par jour par personne
Après deux ans d’utilisation des robots, la production atteint 32 kg/VL/j contre 28 kg auparavant, avec 2,8 traites par vache et par jour en hiver et 2,5 en été, soit en moyenne 4 400 kg de lait par jour avec deux robots. « La production baisse un peu en période de pâturage, mais elle se rapproche des résultats de l’hiver », assure Flavien. En moyenne, le nombre de cellules est de 130 000 cellules par millilitre, contre 200 000 auparavant. Les taux (TB 40,8, TP 32,9) devront par contre être travaillés. « Nous avons beaucoup gagné en qualité de vie avec les robots. Nous n’avons chacun en moyenne que deux heures d’astreinte par jour. Nous prenons quinze jours de vacances par an et un week-end sur deux. Ce sont les parents qui surveillent les animaux quand nous sommes absents. Nous partons sereinement. Et nous cherchons encore à réduire l’astreinte et la pénibilité pour intéresser un salarié à l’avenir. »
Combien ça coûte ?
Le Gaec a investi 227 000 € dans les robots et 32 500 € dans les colliers (160 colliers de vache, 20 colliers de génisse qui ne font que la détection des chaleurs). La maintenance est assurée par Lely, le contrat comprenant trois maintenances par an (pièces, main-d’œuvre, déplacements) et une intervention dans l’heure en cas de panne. « Deux fois, nous avons eu une panne de moteur, notent les éleveurs. Nous avons appelé Lely à 7 h. À 10 h, le moteur était changé. »
Le coût du contrat de maintenance est de 8,96 €/l trait, soit 13 269 € en 2021 pour 1,480 Ml. S’y ajoutent 5 000 € par an pour les produits d’hygiène liés au trempage des trayons et au lavage du robot après chaque tri de lait (lait pour les veaux, lait à cellules, colostrum). S’y ajoute encore le coût de l’électricité, de 27 €/VL/an en moyenne. « Nous avons baissé notre facture d’électricité de 2]]>000 € par an, sachant que nous avons aussi renégocié notre contrat électricité en janvier 2020 », indiquent les éleveurs.
Le coût alimentaire est resté stable
Un objectif essentiel pour les éleveurs est de maîtriser le coût alimentaire avec les robots. Ils y parviennent en améliorant l'efficacité alimentaire.
« Nous voulions garder la même ration et surtout le pâturage, soulignent les éleveurs. Les vaches sont faites pour être dehors. Et l’herbe pâturée est la ration la plus économique. » De mars à novembre, les vaches sortent sur 19 hectares de prairies permanentes entourant le bâtiment, divisés en 25 paddocks. « Le plus éloigné est à 600 mètres et la distance à parcourir pour les vaches est en moyenne de 300 mètres, précise Flavien. Les sols sont portants. Les chemins sont en terre mais restent praticables. Je rebouche les trous chaque hiver. La traite est peu pénalisée. » Après épiaison, l’éleveur fauche les refus qui servent pour la ration hivernale des génisses.
L’hiver, la ration comprend deux tiers d’ensilage de maïs et un tiers d’ensilage de luzerne et trèfle. Le concentré est constitué de tourteau de colza acheté en vrac par camion de 30 tonnes et de colza tanné. « Il est plus facile d’avoir du colza français que du soja, souligne Flavien. Le colza acheté en vrac est aussi plus économique. » L’hiver, la ration est distribuée matin et soir mais, en période de pâturage, il n’y a qu’une distribution à 17 h. « Je ne désile pas le matin pour ne pas attirer les vaches dans le bâtiment la journée et favoriser le pâturage. Et j’adapte la ration selon la pousse de l’herbe et ce qui reste à l’auge le matin. De même, je ne repousse l’ensilage qu’à 10 h pour les inciter à sortir. » Le Gaec parvient ainsi à limiter le coût alimentaire à 94 €/1 000 l en 2020-2021. « En 2019, il était de 92 €/1 000 l, avec des prix des aliments moins élevés. Nous avons amélioré l’efficacité alimentaire. »